Plus que quelques jours avant les élections législatives françaises. Dans la 9e circonscription des Français établis hors de France, le choix d’Emmanuel Macron s’est porté sur Elisabeth Moreno, ancienne ministre chargée de l’Égalité homme-femme. Un choix loin d’être anodin au vu de ses liens avec le continent, notamment le Cap-Vert où elle est née. Dans cette interview accordée à Seneweb, la candidate revient sur son riche parcours, les relations historiques entre l’Afrique et la France et, enfin, les voies et moyens pour améliorer cette coopération fragilisée ces dernières années.
Vous arrivez en France en 1976, en provenance du Cap-Vert, à l’âge de 6 ans avec votre famille, composée de votre père, de votre mère et de vos 2 frères et sœurs. Aînée de cette fratrie, vous dites avoir enfilé très tôt la veste des responsabilités. Pour quelles raisons ?
Elisabeth Moreno : J’ai endossé très rapidement le costume des responsabilités pour la simple raison que mes parents étaient tous les deux illettrés et j’étais l’aîné de la famille. Donc, c’est moi qui lisais pour eux, qui écrivais pour eux, qui prenais en charge les formalités administratives… Finalement, ce saut dans la vie adulte, qui a été forcé par le destin, m’a permis de prendre des responsabilités rapidement, donc de grandir plus vite que la moyenne. C’est probablement ce qui fait que je suis ce que je suis aujourd’hui dans la mesure où rien ne m’a été épargné. Quand vous êtes un enfant et que vous êtes confronté aux difficultés de la vie d’adulte, vous prenez rapidement conscience des injustices et de la difficulté de la vie. Cela m’a à la fois volé mon enfance mais en même temps, ça m’a permis de devenir quelqu’un de fort et de responsable.
« Mes frères et sœurs m’ont appelé « maman » jusqu’à l’âge de 17 ans »
Quel était le quotidien d’une jeune émigrée à cette époque ?
Elisabeth Moreno : En 1976, on était encore dans les glorieuses, il y a avait beaucoup d’immigrés qui allait en France pour travailler (Portugais, Espagnol, Polonais…). Je me souviens qu’à l’école, j’étais la seule petite fille noire, maintenant que j’y pense (rires). Avant d’aller à l’école, j’aidais ma mère à préparer les petits. Vu que mes parents travaillaient, quand je revenais de l’école, je m’occupais de la maison, du dîner, j’aidais mes frères et sœurs à faire leurs devoirs… En fait, j’étais une seconde maman de la maison. D’ailleurs, mes frères et sœurs m’ont appelé « maman » jusqu’à l’âge de 17 ans. Je pense que quand vous êtes confronté à l’adversité, la solidarité entre les membres de la fratrie est très forte. On n’a pas eu une enfance simple mais elle n’était pas pour autant misérable. C’était compliqué, c’était difficile mais on comprenait l’environnement dans lequel on était, d’autant que ma sœur avait été hospitalisée pendant très longtemps. Donc, il y avait cette pesanteur d’arriver dans un pays que vous ne connaissez pas, dont vous ne parlez pas la langue, dans un contexte extrêmement complexe mais, un pays accueillant. Je me souviens que pour ma première journée d’école, ma maîtresse m’a prise sous son aile, elle a expliqué aux autres enfants que j’étais différente, que je ne parlais pas la langue et qu’il fallait bien me recevoir. Et elle m’aidait à faire mes devoirs le soir.
“J’ai connu cette France accueillante, ouverte qui a sauvé la vie de ma sœur, parce que si elle était restée au Cap-Vert, elle serait morte”
Donc, j’ai connu cette France accueillante, ouverte qui a sauvé la vie de ma sœur, parce que si elle était restée au Cap-Vert, elle serait morte. Et c’est pour ça que j’ai cette gratitude vis-à-vis de ce pays mais ça ne m’aveugle pas. Je suis bien consciente que certaines personnes peuvent se sentir discriminées et que le racisme est de plus en plus décomplexé, on l’a vu pendant l’élection présidentielle. Mais ce pays a des valeurs qu’il essaye de porter à bras le corps. Mais vous n’empêchez pas des individus d’être ce qu’ils sont, c’est pour cette raison que les institutions publiques doivent lutter contre ces discriminations.
Vous dîtes avoir connu un pays accueillant et bienveillant à votre arrivée. Est-ce toujours le cas ?
Elisabeth Moreno : J’ai eu la chance de travailler sur 4 des 7 continents. J’ai vu le racisme, le rejet de l’autre partout. Dans tous les pays, des humains prennent d’autres êtres humains pour leurs larbins. Il n’y a rien qui justifie qu’on déshumanise un être humain pour le rejeter de manière aussi forte. C’est pour ça que je suis heureuse de porter ces combats. Moi, en tant qu’adulte, je suis capable de me défendre mais je pense à tous ces enfants qui n’ont pas les moyens de le faire. Et je crois qu’en tant qu’adulte, notre responsabilité, c’est faire que leur vie soit meilleure que la nôtre.
Il est dit que les personnes regroupant ces différentes caractéristiques doivent faire deux fois plus d’efforts pour s’en sortir. Était-ce le cas pour vous ?
Elisabeth Moreno : J’ai étudié deux fois plus, j’ai travaillé deux fois plus, j’ai fait des ménages, j’ai été baby-sitter, j’ai vendu des ouvrages en porte-à-porte. Toute ma vie, j’ai travaillé. Pas parce que j’étais ambitieuse. Au début, je travaillais parce que je voulais aider mes parents. Je savais qu’ils avaient besoin de tous les revenus possibles pour avancer. Et le travail a été ma source de liberté parce que j’ai commencé à travailler très jeune à l’âge de 18 ans. Et à l’âge de 20 ans, alors que j’avais fait des études de droit et que je me sentais prête et ambitieuse, je ne trouvais pas d’emploi comme celui dont je rêvais et on ne me donnait que des sous-emplois. J’ai fait ce que Toni Morrison disait : « Si vous voulez lire un livre mais qu’il n’a pas encore été écrit, vous devez l’écrire ». Et puisque je voulais être chef d’entreprise qu’on ne me donnait pas la possibilité d’être cadre dirigeant, j’ai cofondé une entreprise que j’ai dirigée pendant presque 10 ans. Après, j’ai intégré Orange qui était France Télécom avant. Ensuite, je suis entrée dans un grand groupe américain puis un grand groupe chinois avant de revenir dans un grand groupe américain. Par conséquent, oui, j’ai travaillé plus que la moyenne, j’ai étudié plus que la moyenne. J’ai repris mes études à 31 ans pour faire un MBA parce que j’avais senti que le plafond de verre était là. J’ai fait des études de droit car, je voulais devenir avocate finalement, je suis devenue juge. Quand je suis entrée dans les grandes entreprises, j’ai retrouvé le plafond de verre. On m’expliquait que comme je n’avais pas fait une grande école de commerce, je ne pouvais pas progresser dans l’entreprise. Donc, j’ai repris mes études, alors que j’étais mère de famille. Je pars du principe que dans la vie, vous n’arrêtez jamais d’apprendre et que quand vous rencontrez des barrières, il faut trouver les moyens de les faire tomber. Le monde dans lequel je voulais entrer, c’était un monde dans lequel, il fallait un passe-partout de diplômes. Je me suis toujours débrouillée pour que l’on ne me dise pas « tu n’es pas à ta place ».
“Avec Pap Ndiaye, on a la chance d’avoir un grand historien, un grand chercheur, reconnu pour son expertise au niveau international”
Dans le même sillage, quel sentiment éprouvez-vous suite aux réactions, pour le moins désobligeantes de l’extrême droite, après la nomination de monsieur Pap Ndiaye comme ministre de l’Éducation nationale ?
Elisabeth Moreno : La France, ce n’est pas Twitter. Il ne faut pas croire que ce que vous lisez sur les réseaux sociaux, c’est l’opinion de tous les Français. On a la chance d’avoir un grand historien, un grand chercheur, reconnu pour son expertise au niveau international et vous ayez la fachosphère qui se déchaîne parce que cet homme noir a l’une des responsabilités les plus importantes de notre pays : s’occuper de l’éducation de nos enfants. Quand vous avez un polémiste qui se prétend homme d’Etat n’ayant à la bouche que le mot « grand remplacement » qui méprise les femmes, qui méprise les étrangers alors même que lui fait partie de cette histoire. Et quand vous avez des partis d’extrême droite qui s’acharnent sur un homme de cette qualité que puis-je vous dire d’autre ? A part que je suis triste pour mon pays.
« L’histoire que l’extrême droite veut raconter de la diversité de la France est une fausse histoire »
La France, dans ce domaine d’intégration des minorités au niveau de la haute administration n’est-elle pas en retard, comparativement à des pays comme la Grande-Bretagne?
Elisabeth Moreno : Souvent on me dit « l’herbe est plus verte ailleurs ». Il faut arrêter de fantasmer sur ce que les autres font et qu’on ne fait pas. Je suis une enfant qui a bénéficié de l’école républicaine française et jusqu’à aujourd’hui, mes enfants bénéficient de cette école. Est-ce que tout marche dans notre pays ? Non. Est-ce que l’intégration est parfaitement réussie ? Non. Il y a un nombre de Sénégalais en France qui contribuent au rayonnement de la France parce qu’ils sont franco-sénégalais. Et quand ils vont à l’étranger et qu’ils parlent de la France ; quand ils font du sport et qu’ils représentent la France à l’étranger ; quand ils sont dans l’art… Tout ça, on n’en parle pas. On ne parle que des délinquants, il y a des délinquants. Mais représenter les Français de la diversité que par le prisme de ce qui ne fonctionne pas, c’est malhonnête et c’est mauvais pour notre pays. Les noirs ne réussissent pas que dans le football ; les noirs ne réussissent pas que dans la musique. Ils réussissent dans l’entreprenariat, ils réussissent dans l’art… Et il faut mettre ça en lumière afin de montrer, que l’histoire que l’extrême droite veut raconter de la diversité de la France, est une fausse histoire.
“Il y a presque 10 millions de binationaux, et ils contribuent au rayonnement et à la richesse de la France”
N’est-ce pas là le signe d’un racisme persistant et structurel ?
Elisabeth Moreno : Je pense qu’il ne faut pas sous-estimer la place que l’extrême droite est en train de prendre dans notre pays. Mais, je pense qu’il n’y a pas de fatalité et que le rejet de l’autre vient lorsque les choses ne vont pas bien. Les crises successives que nous avons vécues ces dernières années stigmatisent les colères, les tristesses, les frustrations. Je vous le répète, la France ce n’est pas que l’extrême droite. Partout dans le monde, aujourd’hui, vous avez des hommes qui ont peur. Il n’y a aucun pays qui peut se sortir de ces crises seules et il n’y a aucun pays qui peut se sortir de ces crises s’il laisse sur le bas côté la moitié de sa population. Il y a presque 10 millions de binationaux en France et ils contribuent au rayonnement et à la richesse de la France. Et il faut valoriser ce qui fonctionne plutôt que de valoriser ce qui ne va pas.
Vous avez occupé plusieurs postes à responsabilité. Ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, présidente pour l’Afrique de la marque américaine HP, directrice générale de la filiale française de Lenovo pour ne citer que ces postes là. Dans ce parcours y a t il un poste pour lequel vous êtes particulièrement fière ?
Elisabeth Moreno : Je pense que la plus belle mission que j’ai eu, c’est celle de ministre. Parce que, quand vous êtes PDG d’une entreprise, vous êtes focalisé sur des produits et des services et une clientèle spécifique. Quand vous êtes ministre, vous servez tout un pays et vous n’êtes pas dans l’idée de rentabilité, de performances, de résultats. Vous êtes plutôt dans l’idée de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour servir 67 millions de français. Rien de ce que j’ai fait auparavant n’est comparable. Je suis fière aussi de ma vie associative parce que ce sont des choses que vous faîtes entre guillemets « sans intérêt ». Quand je travaille sur des questions d’égalité femme-homme, c’est parce que les femmes méritent autant de dignité que les hommes et qu’elles méritent aussi de réussir dans leur vie professionnelle.
« Je sais que les ambitions du Président Macky Sall sont fortes sur le sujet »
Fière oui et toujours ambitieuse puisque vous êtes candidate au poste de député dans la 9e circonscription des Français établis hors de France pour le compte de la coalition « Ensemble ». Quelles sont les raisons qui vous poussent à être candidate à ce poste ?
Elisabeth Moreno : Ce qui me pousse à poursuivre cette mission dans le monde politique, c’est parce que le monde ne va pas bien. Les défis, les vulnérabilités et les incertitudes sur l’avenir sont nombreux. La complexité et l’ambiguïté du monde exigent que lorsque vous avez la possibilité de faire quelque chose pour que ça aille mieux, il faut y contribuer. La circonscription dans laquelle je me présente, aujourd’hui, me tient énormément à cœur. Puisque, je suis née au Cap-Vert et j’y ai grandi jusqu’à ce que je le quitte. J’ai travaillé au Maroc plusieurs années. Et ça fait 15 ans que je travaille avec cette circonscription. Je vois, à la fois, tout son potentiel et tous les défis qui l’entourent. Et je trouve que le continent africain n’est pas à un niveau de développement qui donne suffisamment de perspectives et d’espoir à notre jeunesse pour qu’elle évite de prendre des pirogues de misère avec une chance sur deux d’arriver à bon port quand elle va traverser la méditerranée. Et quand elle arrive de l’autre côté, il y a une chance sur deux pour qu’on la remette dans un avion ou dans un bateau et qu’on les renvoie d’où ils viennent. C’est d’une tristesse terrible, quand on pense à toutes les richesses à la fois naturelles et humaines qu’il y a sur ce continent. Je crois qu’il est temps de donner suffisamment d’espoir à cette jeunesse pour qu’elle se dise que non seulement elle a sa place et qu’elle peut contribuer au développement du continent. Je sais que les ambitions du Président Macky Sall sont fortes sur le sujet. Je sais que le Sénégal rayonne en Europe de part ses ambitions sur la jeunesse, sur les femmes, sur les infrastructures économiques… Moi, ça me donne beaucoup d’espoir. Et il faut qu’il y ait plus de pays sur le continent qui aillent dans cette direction. Et dans la neuvième circonscription, il y a tous les enjeux de la nouvelle page qu’Emmanuel Macron veut écrire avec tous les pays d’Afrique. Il se trouve que moi, en tant que membre de la diaspora comme beaucoup de membres de la diaspora que ce soit de l’Afrique vers la France ou de la France vers l’Afrique, nous pouvons être de magnifiques ponts entre ces deux rives de la méditerranée. Et nous pouvons contribuer à construire des liens, à écrire cette nouvelle page de l’histoire comme ça n’a jamais été le cas pour nos parents car c’était une autre forme d’immigration.
« A quel moment on peut imaginer qu’on va se débarrasser des Français qui sont au Sénégal ou on va se débarrasser des Sénégalais qui vivent en France, c’est absurde ! »
Un fauteuil que vous convoitez dans une zone où le sentiment anti-français semble se développer, un peu plus, chaque jour. Quel est votre regard sur cette situation ?
Elisabeth Moreno : Je trouve ça triste. Parce qu’il y a entre le Sénégal et la France de grandes histoires avec un grand « H » avec des pages sombres et des pages lumineuses. Si on n’explique pas ça à nos enfants, si on ne leur edit pas tout ce qui s’est bien passé et tout ce qui s’est mal passé et qu’on regarde cette histoire en face, sans fermer les yeux sur ce qui nous déplaît, il y a quelque chose qui va manquer. Moi, je déplore cette page. Pourquoi ? Parce que derrière les grandes histoires avec un grand « H », il y a des petites histoires avec un petit « h ». C’est les familles, c’est les amis, c’est les liens qui unissent les êtres humains. A quel moment on peut imaginer qu’on va se débarrasser des Français qui sont au Sénégal ou on va se débarrasser des Sénégalais qui vivent en France, c’est absurde ! Nos destins sont croisés, nos destins sont liés, nous pouvons réussir ensemble. Donc, dans un moment où nous avons tellement besoin de lutter contre de nombreux défis, est-ce que c’est le moment de nous séparer ? Ni vous ni moi n’avons vécu la colonisation mais nous savons comprendre l’histoire. Il faut parler à notre jeunesse et lui expliquer que tout n’est pas tout blanc ou tout noir ; il y a beaucoup de panels de gris.
L’un des exemples de cette tendance est le départ du Mali de la force Barkhane sur la volonté des autorités maliennes, encouragées par une bonne partie du peuple. La raison évoquée, et pas que par le Mali, est que la France est l’un des responsables des maux et du retard que connaît le continent. Qu’en pensez-vous ?
Elisabeth Moreno : Ce que je peux vous dire, c’est que là aussi, il y a beaucoup de désinformation. Le Président malien de l’époque avait demandé au Président François Hollande d’envoyer des forces armées françaises pour aider à lutter contre le terrorisme. Pourquoi ça a duré aussi longtemps ? Parce que le terrorisme s’amplifie, il est de plus en plus pernicieux et il s’immisce là où on ne l’attend pas. Ça a créé des drames atroces. Et ces drames vont s’amplifier si on ne noue pas des partenariats pour à la fois préparer les forces armées dans chaque pays et pour les accompagner. C’est pour ça qu’aujourd’hui, on doit créer des alliances avec des personnes en qui vous avez confiance et avec lesquels vous savez que vous pouvez vous battre.
« Vous pensez que le Président Macky Sall va se laisser imposer des cultures et des traditions venues d’ailleurs ? Non ! Il faut arrêter avec ça »
Ce sentiment ne résulte-t-il pas, en partie, du fait que l’occident et particulièrement la France a toujours donné l’impression de vouloir imposer sa vision du monde aux Africains. Sur la question de légalisation de l’homosexualité par exemple ?
Elisabeth Moreno : La France ne veut imposer aucune règle à aucun pays du monde. Chaque pays est souverain, chaque pays a ses valeurs et ses traditions. Je ne vais pas venir dire à qui que ce soit, dans un pays qui n’est pas le mien, « voilà comment vous devez faire les choses ». C’est une impression qui est erronée. J’ai été dans un ministère où je défendais les droits des femmes. J’ai invité des ministres d’Amérique latine, des ministres d’Afrique… Vous savez pourquoi ? Dans tous ces continents, les femmes sont maltraitées de la même manière, partout. Est-ce que défendre la dignité humaine c’est imposer une valeur quelconque à qui que ce soit ? Si vous êtes sénégalais, si vous êtes cap-verdien, si vous êtes algérien, vous souhaitez qu’on vous respecte en tant qu’individu en tant qu’être humain. Mais la France ne peut imposer à qui que ce soit des valeurs ou des cultures qu’elle ne veut pas. La France, elle défend les droits humains, les droits universels mais c’est tout ce qu’elle peut faire. Quand j’entends que la France impose ses idéaux à d’autres pays, je me dis mais comment on peut dire des choses pareilles. Vous pensez que le Président Macky Sall va se laisser imposer des cultures et des traditions venues d’ailleurs ? Non ! Il faut arrêter avec ça !
« Il faut que nous soyons nombreux pour faire taire les voies malheureuses qui n’ont pas intérêt que la situation s’arrange en nous montant les uns contre les autres»
Au vu de toutes ces tensions, la France compte-t-elle changer de paradigme ?
Elisabeth Moreno : Il y a beaucoup de choses qu’Emmanuel Macron a faites pendant ce premier quinquennat pour montrer qu’il veut changer de paradigme. Quand, il fait le travail de mémoire entre l’Algérie et le Rwanda. Quand il fait la restitution des œuvres d’art au Sénégal et au Bénin. Quand il fait le travail sur le franc Cfa, il y en a plein qui en ont parlé, c’est lui qui l’a fait. Quand, il travaille sur la question de la dette des pays africains. Quand, il travaille sur les questions du vaccin en déclarant que les pays d’Afrique doivent avoir accès à ce vaccin. Quand Il réunit 4500 africains à Montpellier et qu’il va se confronter à cette jeunesse, qui a été dure. Elle lui a dit ce qu’elle avait à dire. Il y a beaucoup qui a été fait mais il reste encore beaucoup d’attente. Encore une fois, il faut qu’on se retrousse les manches, parce qu’une seule personne ne peut pas traiter tous ces sujets-là. Il faut que nous soyons nombreux pour faire taire les voies malheureuses qui n’ont pas intérêt que la situation s’arrange en nous montant les uns contre les autres. On a besoin les uns des autres et je veux contribuer à cette nouvelle page de l’histoire.
Une fois élue, quelles actions comptez-vous mettre en place pour améliorer, d’abord, les conditions de vie de vos compatriotes dans cette circonscription puis la coopération entre ces différents États et la France ?
Elisabeth Moreno : Je pense d’abord à l’éducation, car l’école est trop chère. Il y a des parents qui n’arrivent pas à mettre leurs enfants dans l’école française alors même qu’ils sont français où franco-sénégalais. Ça, c’est un vrai sujet pour moi. On m’a beaucoup parlé de la qualité de l’école qui baisse et on m’a beaucoup parlé de la cherté de l’école. Moi, je veux construire des partenariats public-privé en allant trouver des moyens de financement qui, aujourd’hui, ne sont pas exploités. Comme le fait, par exemple, de permettre à une entreprise de financer une partie des scolarités en allant chercher des fondations qui ont des budgets destinés à des actions sociales. Pourquoi je veux aller cogner à la porte des entreprises ? Parce que les jeunes qui sont formés aujourd’hui, sont les personnes qui travailleront avec eux demain. Et s’ils n’ont pas accès à une école de qualité et une formation de qualité, ça va vite devenir problématique. Je veux aussi que tous les parents, français et franco-sénégalais, qui veulent envoyer leurs enfants à l’école aient accès à une éducation de qualité et accessible à tous les enfants.
“L’un de mes objectifs est de créer un fonds d’investissement pour les membres de la diaspora qui ont envie de revenir s’installer sur le continent”
Deuxième chose, la santé. On a vu avec la crise sanitaire que la santé est la chose la plus précieuse. La Caisse des Français de l’étranger, elle a besoin d’être simplifiée pour savoir par exemple combien une prothèse dentaire va coûter. Il faut que les choses soient simples. Pareil pour les questions de couvertures. Il faut moderniser cette Caisse des Français de l’étranger pour qu’elle soit plus adaptée aux besoins des Français d’aujourd’hui.
Le troisième sujet que je veux porter, et qui me tient très à cœur, c’est la diplomatie économique.Le Sénégal et la France ont déjà des relations très fortes au niveau économique mais je pense que ça peut s’améliorer. Dans le sens où, nos pays sortent de cette crise sanitaire un peu exsangue. L’économie est en berne dans la plupart des pays. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Il faut renforcer les partenariats avec certains pays. Il y a des choses que le Sénégal fait très bien qui peuvent être utiles à la France et vice versa. Il faut permettre aux entrepreneurs de se rencontrer. Mieux, rassurer les entrepreneurs français qui viennent investir ici. Les accompagner, que ce soit par le financement ou le coaching. Il faut créer des ponts, tisser des liens et il faut que les gens se sentent en mesure de créer des activités en sécurité. La raison pour laquelle parfois on ne veut pas venir s’installer en Afrique, c’est parce qu’on a peur et qu’on ne connaît ni les règles ni les gens. L’un de mes objectifs est de créer un fonds d’investissement pour les membres de la diaspora qui ont envie de revenir s’installer sur le continent.
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