En réaction à l’invasion russe en Ukraine, le gouvernement de Taïwan vient de prendre une série de sanctions contre le pays de Vladimir Poutine et le Belarus.
Dans la foulée de nombreux pays européens et des États-Unis, le gouvernement de Taïwan vient à son tour de décider d’une série de sanctions contre la Russie et le Belarus. Les fondeurs taïwanais vont désormais cesser de leur vendre des processeurs modernes qui sont à la base de toutes les nouvelles technologies. Le Kremlin va donc devoir se fournir ailleurs… ou se contenter de puces véritablement préhistoriques par rapport aux standards actuels.
Il s’agit évidemment d’une réaction directe à l’offensive de Vladimir Poutine, qui n’a toujours pas mis fin à sa tentative d’annexion de l’Ukraine. Dans ce contexte, les puces informatiques deviennent ce qu’on appelle une “technologie à double usage”; il s’agit d’objets conçus pour un usage civil, mais qui peuvent également servir dans un contexte militaire.
C’est évidemment le cas pour les processeurs puisque tous les systèmes de communication, de localisation, de navigation et ainsi de suite nécessitent des puces informatiques pour fonctionner.
Et parmi toutes les sanctions décidées jusqu’à présent, celle-ci fait assurément partie des plus importantes. Car malgré sa taille relativement petite, l’île est une véritable forteresse technologique qui pèse très lourd à l’international.
Des puces complètement dépassées
Dans le sillage de TSMC, le leader mondial incontesté et incontestable de cette industrie, Taïwan fait tout simplement la pluie et le beau temps au royaume des processeurs et, par extension, dans tout l’écosystème informatique. Autant dire que cette décision pourrait avoir un impact non négligeable sur le numérique russe.
Car désormais, les autorités russes seront privées de tous les processeurs qui proposent une vitesse de calcul supérieure à 5 GFLOPS. À titre de comparaison, c’est presque exactement la puissance de calcul … d’une Nintendo 3DS. Ils n’auront plus non plus droit aux puces dont la fréquence dépasse 25 MHz. Là encore, cela limite le catalogue aux plus vieux modèles; aujourd’hui, les fondeurs raisonnent exclusivement en GHz, soit en milliers de MHz.
Et au cas où ces restrictions étaient encore trop permissives, les responsables taïwanais ont enfoncé le clou. Ils ont aussi limité la taille de l’unité arithmétique et logique, ou ALU à 32 bits. Une taille extrêmement modeste pour cet élément absolument fondamental du CPU; c’est en effet cet ALU qui permet de réaliser toutes les opérations mathématiques de base qui sous-tendent le fonctionnement du CPU. Les autorités taïwanaises ont aussi choisi de bannir tous les CPU qui disposent de plus de 144 broches. Pour contextualiser, il faut remonter jusqu’à l’édition 1985 du catalogue Intel pour trouver une puce avec aussi peu de pins….
Enfin, les fondeurs ont aussi pour consigne de cesser l’export de tous les CPU avec un temps moyen de propagation entre les portes logiques inférieur à 0,4 nanoseconde. Ce terme désigne le temps que le courant électrique met pour passer d’une sous-unité logique du CPU à la suivante. C’est une métrique très importante puisque les performances de la puce en dépendent directement à tous les étages. Intuitivement, 0,4 nanoseconde pourrait sembler très rapide, mais c’est en fait un temps de passage là encore très éloigné des standards actuels.
La Russie va-t-elle se tourner vers la Chine ?
Autant dire que Taïwan n’a pas fait les choses à moitié. Et au cas où si ces restrictions draconiennes ne suffisaient pas, toutes les exportations de matériel associé à la production de semi-conducteurs ont aussi été interdites.
Cette décision n’aura probablement pas d’impact immédiat. En revanche, plus le temps passera, plus ses conséquences deviendront perceptibles. Car en l’état, la Russie ne dispose tout simplement pas d’une industrie microélectronique suffisamment mature pour assurer sa production elle-même.
Elle devra donc forcément se tourner vers d’autres acteurs, car il est tout simplement inconcevable de se contenter des puces qui respectent ces critères. Le Kremlin pourrait par exemple aller se fournir en Chine; même si les fondeurs chinois font encore pâle figure à côté des Taïwanais, leur industrie est tout de même plus mature que celle des Russes. Et surtout, elle a la capacité de produire en masse – deux critères qui pourraient bien déboucher sur une collaboration.
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