Le réchauffement climatique va rendre l’atmosphère terrestre plus poussiéreuse

La quantité de poussière dans l’atmosphère est limitée par la présence d’une « biocroûte » composée de divers micro-organismes, qui préservent les sols arides de l’érosion éolienne. Cette biocroûte est cependant menacée par le réchauffement climatique et l’activité humaine. Sa disparition pourrait entraîner une augmentation significative de la quantité de poussière dans l’atmosphère à l’horizon 2070.

Quelque 12 % de la surface terrestre est couverte d’une « biocroûte », ou croûte biotique terrestre, qui est une véritable couche vivante marquant la partie superficielle du sol, le plus souvent dans les régions arides. Cette croûte est généralement composée de lichens, de mousses et de diverses cyanobactéries. Elle participe activement aux écosystèmes de ces environnements particuliers, dans lesquels elle joue un rôle central, notamment pour la fixation du carbone et de l’azote, mais également pour la stabilisation des sols.

Exemple de biocroûte en milieu aride. © Nihonjoe, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

Ce dernier point est particulièrement important puisque la présence d’une croûte biotique empêche les sols arides d’être intensivement érodés par les vents et les particules de poussières de se retrouver dans l’atmosphère. Si cet effet est reconnu, il existe cependant très peu d’informations permettant de quantifier et d’évaluer l’impact réel de la biocroûte sur le cycle de la poussière dans l’atmosphère et donc sur le climat.

La présence de poussière dans l’atmosphère impacte le climat

La poussière atmosphérique fait en effet partie des aérosols dont le rôle sur le système climatique n’est plus à prouver. La plupart des particules de poussière présentes dans l’atmosphère sont générées par l’érosion éolienne des sols dans les régions arides. Ces petits grains peuvent ainsi voyager sur de grandes distances, au gré des courants atmosphériques. Leur présence en altitude n’est cependant pas anodine, puisqu’elle modifie les propriétés optiques de l’atmosphère en dispersant le rayonnement solaire descendant vers le sol et en absorbant certaines longueurs d’ondes émises par le sol. Ces particules jouent également un rôle dans la formation des nuages.

L’impact climatique et environnemental de la poussière atmosphérique est complexe et loin d’être négligeable

Si, d’un côté, le transport de poussière à un rôle positif sur la productivité en apportant des nutriments à certains milieux, d’un autre côté il peut être néfaste pour la santé humaine mais également pour certains écosystèmes. L’impact climatique et environnemental de la poussière atmosphérique est complexe et loin d’être négligeable. La question est désormais de savoir à quel point les biocroûtes permettent de réguler cet impact et à quel point leur rôle peut être affecté par le changement climatique en cours.

Moins de biocroûte, plus de poussière dans l’atmosphère

Une équipe de chercheurs s’est donc penchée sur ces questions. Leurs résultats, publiés dans Nature Geoscience, montrent que les biocroûtes empêchent actuellement l’émission dans l’atmosphère de 700.000 tonnes de poussière par an. Globalement, la présence de ces couches vivantes dans les zones arides permet de réduire de 60 % la quantité de poussière dans l’atmosphère par rapport au cas, hypothétique, où la biocroûte n’existerait pas.

Nuage de sable du Sahara se déplaçant vers l'ouest, le 7 juin 2020. © Satellite de NOAA

Le problème est que la biocroûte est actuellement menacée par le réchauffement climatique, mais également par l’intense exploitation des sols. Les scientifiques estiment ainsi qu’en 2070, la surface recouverte de biocroûtes aura drastiquement diminué de 25 à 40 %. La perte de cette couche protectrice pourrait entrainer une augmentation de l’érosion éolienne des sols et donc une augmentation de près de 15 % de la quantité de poussière en suspension dans l’atmosphère. L’effet sur le climat pourrait être significatif, avec une nette réduction du budget global des radiations atteignant la surface terrestre.

Ce changement du taux de poussière atmosphérique, dont il est encore difficile d’estimer clairement les conséquences climatiques, pourrait cependant avoir un impact fort sur la formation des nuages et donc sur les précipitations. L’accumulation de poussière sur les glaciers et les calottes pourrait en outre accélérer leur fonte. Enfin, l’impact sur la santé humaine et sur les différents cycles biogéochimiques apparait comme très certainement négatif. Cette étude montre que l’évolution des biocroûtes est un facteur important à prendre en compte dans les futures modélisations climatiques.

futura

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