Si vous avez l’impression d’entrer dans un tunnel en regardant cette image, c’est qu’elle est spécialement conçue pour berner votre système nerveux en exploitant un simple réflexe.
Les illusions d’optique sont souvent fascinantes; en plus d’être divertissantes pour le commun des mortels, ce sont aussi des expériences très intéressantes qui permettent d’explorer les mécanismes cachés de la vision et du système nerveux en général. Récemment, ce sont des chercheurs norvégiens qui ont percé les secrets d’une nouvelle illusion d’optique et nous expliquent ce qui se passe dans notre cerveau.
L’illusion en question consiste en une large ellipse noire aux bordures floues. Elle prend place devant un arrière-plan constitué d’ellipses plus petites. Et si vous vous fixez le centre de l’image, vous devriez rapidement avoir l’impression que l’ellipse centrale s’agrandit, un peu comme si vous vous rapprochiez d’un tunnel.
Ce curieux phénomène semble fonctionner chez la grande majorité des observateurs. Mais pourquoi est-ce le cas ? Les chercheurs ont leur petite idée. D’après eux, tout se joue au niveau d’un réflexe qui est censé intervenir lorsque le cerveau perçoit un changement de luminosité.
Un problème d’accommodation
Tout commence au niveau de la rétine, la couche de cellules qui tapisse le fond de l’œil pour recueillir un signal lumineux et le convertir en signal électrique. Cette structure est extrêmement puissante, comme en témoigne la relative finesse de la vision humaine. Mais elle est aussi très délicate. Elle ne fonctionne correctement que dans des conditions très particulières. Chacun sait qu’il est difficile d’y voir clair en pleine nuit et que fixer le Soleil pendant un long moment est une très mauvaise idée.
Pour atteindre le niveau de polyvalence dont ils bénéficient aujourd’hui, nos yeux ont dû s’adapter. Au fil de la sélection naturelle, nous avons développé des tas d’évolutions qui ont accompagné le développement de la rétine. Il s‘agit en grande partie de structures physiques comme les paupières qui peuvent se refermer, ou le diaphragme qui permet de moduler la quantité de lumière qui parvient à la rétine; on parle alors d’accommodation.
Une réaction à une obscurité imaginaire
Or, ces mécanismes sont pour la plupart autonomes; vous aurez beau essayer de dilater vos pupilles par la pensée, vous n’êtes pas prêts d’y arriver. En revanche, vous pouvez y parvenir très facilement en fermant les yeux.
Lorsque la rétine détecte une baisse de l’intensité lumineuse, cela déclenche automatiquement une réaction dans le système nerveux autonome, une branche du système nerveux qui gère toutes les actions “automatiques” comme la digestion ou les battements du cœur. Cela se traduit par une réaction spontanée de l’œil; le diaphragme s’ouvre afin de délivrer juste ce qu’il faut de lumière à la rétine, ni plus, ni moins.
Et c’est sur ce même principe que fonctionne cette illusion selon les chercheurs. “Ce trou est une illusion hautement dynamique”, explique Bruno Laeng, psychologue à l’Université d’Oslo. “L’illusion fait croire au cerveau qu’il est confronté à un changement de luminosité qui n’existe pas vraiment”, précise-t-il.
En effet, le motif de l’image est spécialement calibré pour berner le cerveau. Dès que l’observateur pose les yeux sur cette grande tache noire, le cerveau détermine qu’il est face à l’entrée d’une zone sombre comme un tunnel ou une grotte. Les motifs en arrière-plan servent à faire croire au cerveau qu’il avance en direction de ce trou.
Pour le cerveau, le message est donc très clair; la luminosité est sur le point de baisser, et il faut donc dilater la pupille en prévention de ce changement. Mais le changement en question n’arrive jamais, puisqu’en réalité, la luminosité n’a pas changé du tout. C’est cette incohérence qui donne l’impression que le “trou noir” grandit à vue d’œil. “Cela montre que la pupille réagit à la façon dont nous percevons la lumière, même si elle est imaginaire”, résume Laeng.
Encore quelques mystères à percer
Désormais, l’équipe du psychologue va s’intéresser à une autre question tout aussi intéressante. Si cette illusion fonctionne pour la grande majorité des gens, une partie des observateurs (environ 86% lors du protocole expérimental) y sont complètement insensibles; lorsqu’ils posent les yeux sur l’image, ils ne voient rien d’autre qu’un jeu de pixels inanimés.
Une incohérence étonnante, puisque cette illusion est basée dans un réflexe ancré très profondément dans le système nerveux dont disposent tous les humains. Cela suggère l’intervention d’un autre mécanisme optique ou nerveux que les chercheurs vont tenter d’identifier.
Il pourrait aussi s’agir d’une simple erreur d’interprétation de la part des sujets. Mais la question reste toute aussi intéressante dans ce cas de figure, puisque l’intégralité de l’expérience est basée sur la notion de perception. Pour tenter d’y voir plus clair, ils vont donc tester cette même expérience sur des animaux, ce qui permettra de pousser l’interprétation encore plus loin.
Frontiers in Human Neurosciences