Les ksour de Tafilalet ne sont pas suffisamment raccordés au réseau d’assainissement et utilisent des fosses septiques. La technologie offre cependant une solution à ce problème qui s’accentue avec la sécheresse.
Spécificité de l’univers oasien, une grande partie des ksour n’est pas connectée au réseau d’assainissement. Seules les grandes villes, comme Errachidia, chef-lieu de la province, disposent d’une station de traitement. Tous les ksour, éparpillés et isolés les uns des autres, pour des raisons historiques et géographiques, ont recours aux fosses septiques. Résultat, les eaux usées non-traitées souillent les nappes beaucoup plus que durant les années pluvieuses.
Ce phénomène concerne en premier lieu les agglomérations rurales de la province qui abritent, selon les projections du HCP, un peu plus de la moitié de la population, estimée en 2022 à 426 000 personnes. Il touche aussi une partie des ksour satellitaires des villes, non raccordée au réseau d’assainissement et dotée de tous les ingrédients de la vie rurale.
La région de Drâa-Tafilalet est, elle aussi, constituée en grande partie de zones rurales, malgré un rythme d’urbanisation général assez soutenu. Le HCP classe Drâa-Tafilalet dans la catégorie des quelques régions qui préserveront un fort caractère rural en 2030, avec un pourcentage 60,9% de la population de la région, contre 66,8% en 2014. Certaines grandes agglomérations urbaines, comme Boudnib, ont même gardé en grande partie les spécificités architecturales de la campagne, comme l’habitat en pisé.
Ce constat prend tout son sens tenant en compte que le Programme national d’assainissement liquide (PNA), qui a permis, selon les données officielles, d’atteindre des taux de raccordement et de traitement des eaux usées très importants, ne concerne pas en principe le monde rural. Ce n’est que l’année dernière que les autorités ont décidé d’y inscrire plus de villages, selon une déclaration de Noureddine Boutayeb, ancien ministre délégué auprès du ministère de l’Intérieur.
La question de l’assainissement est d’autant plus importante qu’elle contribue à maintenir la population dans les ksour. Le manque d’hygiène est l’une des principales causes qui poussent les habitants à déserter leurs habitations, souvent centenaires, pour construire des maisons limitrophes plus confortables. Généralement voués à l’abandon, les ksour finissent en tas de débris.
Une faiblesse comme opportunité
Habib Mrabet, marocain résidant au Canada, a décelé une opportunité commerciale et technologique intéressante dans cet état de fait. Détenteur, à travers le groupe DBO Maroc, d’un brevet d’invention d’une station d’épuration domestique passive, il cible, entre autres, Tafilalet qui offre toutes les conditions d’adoption de cette solution technologique simple, appelée Enviroseptic.
Selon Amine Alaoui Mamouni, directeur technique chez B.E.T.G, cabinet qui a acquis chez DBO Maroc la franchise de cette innovation dans le Drâa-Tafilalet, cette invention, qui a l’avantage de traiter jusqu’à 85% des eaux usées, «n’a besoin ni d’entretien, ni d’énergie ni d’apport en matière chimique». «Elle a aussi deux autres grands avantages, à savoir qu’elle ne produit pas d’odeur et qu’elle n’est pas dotée d’un système mécanique», souligne-t-il. Une station similaire existante, qui permet de traiter 312m3 d’eaux par jour, au profit de 7 110 habitants, a coûté 16 000 000 dirhams TTC, ce qui correspond à environ 2 250 dirhams par personne. «Plus le débit est plus grand, plus les travaux de génie civil sont multipliés, ce qui fait logiquement augmenter le prix», précise Alaoui Mamouni.
Conçue pour les ksour et casbahs de Tafilalet, la station peut être adaptée au débit de chaque ksar, selon le nombre de maisons. Cet avantage est dû à la conception de la station, car il s’agit de conduites ondulées qu’on peut connecter ensemble, et où le traitement se fait par bio-bactéries. L’eau traitée peut être collectée dans un bassin et utilisée en irrigation ou, par un retour vers les maisons, dans divers usages domestiques. Pour cela, Enviroseptic a dû décrocher une reconnaissance auprès du laboratoire Gaia.
Mais pour l’instant, cette invention tarde à trouver preneur, dans un environnement pour lequel elle a pour autant été conçue. «Si cette technologie ne suscite, pour l’instant, pas l’engouement qu’elle mérite chez nous, Habib Mrabet, le détenteur original de l’invention, a développé son marché en Afrique du Nord, notamment en Algérie», poursuit le responsable de B.E.T.G, entreprise qui a déjà pris la décision de se diversifier en investissant encore une fois dans l’écosystème oasien avec le développement d’un projet de valorisation de la biomasse.
C’est dire à quel point cette région, désertée par sa propre population, offre une multitude d’opportunités technologiques et commerciales. Il faut juste s’accrocher.
yabi