L’Algérie a suspendu, mercredi, un « traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération » conclu en 2002 avec l’Espagne. Cette mesure est une réponse au revirement de Madrid sur le dossier du Sahara occidental pour s’aligner sur la position du Maroc, a annoncé la présidence. L’Espagne a dit « regretter » cette décision.
Le torchon brûlait depuis plusieurs mois. L’Algérie a annoncé, mercredi 8 juin, qu’elle suspendait son traité de coopération avec l’Espagne après que le royaume a annoncé soutenir le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental. Une annonce en rupture avec la position traditionnelle de neutralité de l’ancienne puissance colonisatrice espagnole.
Estimant que la nouvelle position des autorités espagnoles était en « violation de leurs obligations juridique, morale et politique », l’Algérie « a décidé de procéder à la suspension immédiate du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération qu’elle a conclu le 8 octobre 2002 avec le royaume d’Espagne et qui encadrait le développement des relations entre les deux pays », a indiqué la présidence de la République.
« Ces mêmes autorités qui assument la responsabilité d’un revirement injustifiable de leur position depuis les annonces du 18 mars 2022 par lesquelles le gouvernement espagnol actuel a apporté son plein soutien à la formule illégale et illégitime de l’autonomie interne préconisée par la puissance occupante, s’emploient à promouvoir un fait accompli colonial en usant d’arguments fallacieux », précise un communiqué de l’agence de presse APS.
L' #Algérie 🇩🇿 suspend le Traité d'amitié, de bon voisinage et de coopération avec l' #Espagne
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— ALGÉRIE PRESSE SERVICE | وكالة الأنباء الجزائرية (@APS_Algerie) June 8, 2022
Le traité hispano-algérien prévoyait le renforcement du dialogue politique entre les deux pays à tous les niveaux, et le développement de la coopération dans les domaines économique, financier, éducatif et de la défense.
L’Espagne a dit regretter « l’annonce de la présidence » algérienne, ajoutant considérer « l’Algérie comme un pays voisin et ami et réitère sa disponibilité entière pour continuer à maintenir et à développer les relations spéciales de coopération entre les deux pays ».
Un organisme bancaire clé en Algérie a d’ores et déjà annoncé des restrictions sur les transactions commerciales avec l’Espagne, après la suspension de ce traité, selon un document publié par des médias locaux. Aucune annonce officielle n’a été faite pour l’heure concernant cette décision prévoyant le gel des domiciliations bancaires de commerce extérieur de et vers l’Espagne.
L’Espagne aux côtés de la France, de l’Allemagne et des États-Unis
Ce épisode vient conclure des mois de tensions entre Alger et Madrid. Le 18 mars, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a effectué un revirement de taille en déclarant que le plan « d’autonomie » pour le Sahara occidental proposé en 2007 par Rabat était « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend ». Le socialiste avait ainsi placé l’Espagne aux côtés de la France, de l’Allemagne et des États-Unis.
Un revirement de taille car l’Espagne avait toujours prôné la neutralité entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis du Polisario. Cette décision a aussi permis à l’Espagne de mettre fin à une grave crise diplomatique avec Rabat depuis près d’un an. En avril 2021, le chef du Polisario, Brahim Ghali, avait été accueilli par l’Espagne pour y être soigné du Covid-19. Une hospitalité qui n’avait pas été du goût du royaume chérifien. Et, mi-mai 2021, plus de 10 000 migrants étaient arrivés en 48 h dans l’enclave espagnole de Ceuta, à la faveur d’un relâchement des contrôles par les autorités marocaines.
Dans un rapport confidentiel révélé par El Pais et consulté par l’AFP, les services de renseignement espagnols ont affirmé que l’accueil de Brahim Ghali avait été utilisé par Rabat « comme une magnifique opportunité pour obtenir de plus grandes concessions » de l’Espagne.
Ces concessions avaient alors provoqué l’ire d’Alger. Dès le 18 mars, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, avait immédiatement déclaré qu’avec ces annonces le « chef du gouvernement (Pedro Sanchez, NDLR) avait tout cassé ». Alger avait ensuite rappelé son ambassadeur en Espagne et réclamé des « clarifications » avant tout éventuel retour de son représentant à Madrid. La compagnie nationale d’hydrocarbures Sonatrach avait aussi évoqué une hausse des prix du gaz algérien livré à l’Espagne.
Le conflit, dans cette vaste zone désertique, bordée d’eaux poissonneuses et au riche sous-sol minier, oppose depuis 1975 le royaume chérifien aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par le pouvoir algérien. Pour l’ONU, le Sahara occidental, contrôlé à 80 % par le Maroc, est un territoire non autonome.
Le Polisario réclame un référendum d’autodétermination, prévu par l’ONU lors de la signature en 1991 d’un cessez-le-feu, mais jamais concrétisé.
Reuters