Elles s’appellent Ostreopsis, Alexandrium, Dinophysis. Présentes depuis des décennies ou émergentes, ces microalgues toxiques constituent un risque de santé publique croissant. Leurs efflorescences pourraient se multiplier sous l’effet du changement climatique.
En rouge, bloom algal à l’estuaire de la Loire détecté par le satellite Sentinel-2
Pour les surfeurs et baigneurs de la Côte Basque, le souvenir de l’été 2021 reste cuisant. Début août, plus de 800 personnes se sont retrouvées dans les urgences du Sud-ouest pour de fortes toux, des inflammations des yeux et de la bouche, des maux de tête, des états grippaux, des vomissements, des diarrhées, des douleurs abdominales, des rougeurs sur tout le corps. Une longue liste de symptômes différents selon les individus mais ayant une seule origine : une microalgue baptisée Ostreopsis ovata. « Nous avons été surpris par le bloom de cette espèce tout simplement parce qu’elle vit normalement dans les eaux chaudes tropicales », s’étonne Philipp Hess, expert en phycotoxines et responsable de la nouvelle unité de recherche « Physiologie et toxines des microalgues toxiques et nuisibles » de l’Ifremer à Nantes.
De gauche à droite, Dynophisis acuta, Ostreopsis ovata et Gambierdiscus caribaeus. Copyright Ifremer
Depuis 1984, l’Ifremer surveille les évolutions biologiques des eaux littorales via son réseau d’observation et de surveillance du phytoplancton (REPHY) et du réseau dédié aux phycotoxines (REPHY-TOX). Une tâche pas simple. Les écologues estiment qu’il existe 100.000 espèces de microalgues. 5.000 ont été décrites par la science. 175 sont connues pour affecter les coquillages, poissons et animaux marins et en dernier recours les hommes soit par ingestion de produits infectés, soit par contact dans l’eau. Trois familles sont particulièrement surveillées et réglementées au niveau européen par la définition de seuils de présence dans les produits de la mer. Les toxines diarrhéiques proviennent principalement en France de la Dinophysis. Les toxines paralysantes provoquant des troubles neurologiques potentiellement mortels proviennent d’Alexandrium minutum. Enfin, les toxines amnésiantes entraînant également des troubles neurologiques sont issues de Pseudo-nitzschia. « Ce phytoplancton toxique ou pas, est la base de la chaîne alimentaire et est essentiel pour la vie marine, rappelle Philipp Hess. Pas question d’intervenir sur ce milieu qui est par ailleurs d’une grande complexité avec des interactions avec les bactéries et virus et avec les poissons et coquillages, si bien qu’il est difficile de prévoir des proliférations souvent très rapides quand les conditions de météo et de présence d’éléments nutritifs sont réunies ».
Un milieu complexe difficile à surveiller
Pour surveiller ce milieu, les chercheurs de l’Ifremer croisent les données issues de prélèvements d’eau de mer effectués tous les mois et de surveillance de la qualité des coquillages.
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