Qu’est ce que la variole ?

1ère maladie dont l’humain a pu se prémunir grâce à la vaccination et 1ère maladie éradiquée officiellement depuis 1980, la variole aura quand même été responsable de la mort d’environ 300 à 500 millions de personnes au siècle dernier. Sciences et Avenir fait le point sur cette maladie oubliée, autrefois appelée « petite vérole », dont la dernière épidémie en France (en 1955) avait causé la mort de 20 personnes sur une centaine de malades.

Quelles sont les caractéristiques du virus de la variole et de ses cousins les orthopoxvirus ?
Le virus de la variole et ses cousins les orthopoxvirus appartiennent à la famille des Poxviridae. En anglais « pox » signifie pustule, nom donné en référence aux lésions pustuleuses de la peau (et des surfaces internes du corps) très caractéristiques de ces infections virales. Virus à ADN, ces micro-organismes sont moins susceptibles de muter rapidement que leurs cousins à ARN. Dans ce genre viral, seul le virus de la variole (smallpox) a une transmission interhumaine. Il n’a donc pas de réservoir animal qui puisse lui servir de refuge et c’est une des raisons qui a permis son éradication.

Les autres virus de ce genre sont des zoonoses infectant différents types d’animaux. Le plus connu est le virus de la vaccine qui a donné son nom à la vaccination et qui peut infecter des vaches, des lapins… Dans ce même groupe, on a identifié aussi la variole du singe (monkeypox), celle du buffle (buffalopox) et de la vache (cowpox). Si tous ces virus animaux peuvent infecter les humains, leur fréquence reste rare. Cependant l’augmentation des transports internationaux, des contacts avec les animaux et une perte de protection vaccinale antivariolique sont susceptibles de faire émerger de nouvelles épidémies d’orthopoxvirus. En revanche, ils offrent tous une immunité croisée par le vaccin de la variole et entraînent rarement la mort.

Quels sont les symptômes de la variole ?
L’incubation de la maladie peut être longue jusqu’à 17 jours avant l’apparition des premiers symptômes : une fièvre élevée, des maux de tête, des douleurs dorsales, et fréquemment des vomissements et des nausées. Puis, en moyenne au bout de trois jours, des boutons apparaissent. A ce stade, la maladie peut être confondue avec une varicelle. Ensuite l’éruption se propage et selon son évolution et le type de boutons qui vont se développer, la forme de la variole est plus ou moins grave. Avant son éradication, les formes les plus mortelles étaient les formes hémorragiques et les formes malignes, qui tuaient jusqu’à 30% de malades non vaccinés.

Timbre édité par OMS pour célébrer les 40 ans éradication de la variole Après l’intensification des mesures de vaccination, de surveillance, et de confinement le dernier cas de variole contracté naturellement est diagnostiqué en Somalie en 1977. L’éradication globale de la variole fut certifiée le 9 décembre 1979 et déclarée officiellement par l’OMS le 8 mai 1980. Crédit OMS.

Quelles sont les origines de la variole ?
Il est encore difficile de savoir à quel moment la variole a contaminé l’espèce humaine. Les premières preuves viennent soit de récits historiques souvent ambigus, soit d’examens visuels (des momies égyptiennes à peaux grêlées), interprétés comme résultant des pustules caractéristiques de la variole. Or ces pustules peuvent être confondues avec celles d’autres maladies comme la varicelle. Dans un rapport datant de 2010, l’OMS estime, en s’appuyant sur des analyses génétiques, que le virus de la variole a divergé à partir d’un poxvirus ancestral, probablement hébergé par des rongeurs africains, dans un intervalle de 16.000 à 68.000 ans.

En s’appuyant sur le taux de mutation du virus, ce micro-organisme aurait commencé à évoluer de façon indépendante il y a environ 3400 (± 800) ans. En Europe, des analyses génétiques récentes sur des cadavres de Vikings ayant vécu entre l’an 600 et l’an 1050 ont montré la présence de souches de variole, cependant différentes de celles qui ont été éradiquées en 1980. La maladie aurait donc été présente sur le continent européen dès le Haut Moyen-Age, sous une forme peut-être moins virulente, malgré le fait que, selon certaines sources, une épidémie en Islande en 1241 aurait tué 20.000 personnes.

Une autre recherche, réalisée à partir d’ADN du virus présent chez la momie d’un enfant mort au XVIIe siècle en Lituanie, a montré que l’ancêtre commun des virus varioliques actuels se serait diffusé sur notre continent entre 1588 et 1645. C’est à partir du XVIIe siècle que la variole aurait été clairement identifiée en France comme une maladie différente de la varicelle, ou d’autres maladies « à boutons ». Au XVIIIème siècle, les premières estimations de son taux de mortalité apparaissent : elles tueraient 50.000 personnes par an en France. Aujourd’hui, les médecins distinguent au moins deux maladies appelées variole : la variole majeure et la variole mineure (alastrim), dues à deux souches distinctes du virus. Et l’OMS classe les cas de varioles majeures en six types en fonction de la forme de l’éruption et de la sévérité de la maladie.

La variole à l’origine de la vaccination
La variole touchait principalement les enfants en bas âge (de façon moindre, les adultes). Quand ils en réchappaient, les malades restaient souvent disgraciés ou défigurés, parfois aveugles, sourds, ou diminués mentalement. Pour les immuniser définitivement, dès la fin du XVIème siècle, les Chinois pratiquaient différentes formes de variolisation : par exemple, ils inoculaient le pus de pustules de varioleux dans les narines d’une personne saine. Ces techniques introduites en Europe, notamment en 1721 par la femme de l’ambassadeur d’Angleterre à Constantinople Lady Wortley Montague, suscitèrent de multiples controverses : si certains membres de l’aristocratie ou de la bourgeoisie les adoptèrent, elles furent interdites dans certaines villes et des médecins condamnés pour les avoir pratiquées. Louis XV, hostile à l’inoculation, en mourut en 1774, alors que Voltaire en vantait les mérites. En 1796 un médecin anglais, Edward Jenner, eut l’idée de généraliser une pratique déjà utilisée par certains anglais : ne pas effectuer cette variolisation avec des pustules de variole mais avec des pustules de la vaccine. Le premier vaccin était né.

En France, Napoléon créa en 1800 un « Comité Central de Vaccine » pour favoriser la diffusion de la vaccination. En 1902, la première loi de santé publique rend obligatoire la vaccination antivariolique. Depuis plusieurs générations de vaccins se sont succédé. Jusque dans les années 1980, ces vaccins étaient des vaccins vivants atténués, générateurs d’effets secondaires notoires (eczéma, encéphalite…). Depuis 2013, des vaccins de troisième génération, considérés comme plus sûrs, ont reçu une autorisation de mise sur le marché.

Suite à l’éradication officielle de la variole, la France a supprimé l’obligation vaccinale en 1979. En 2001, on estimait que les personnes nées avant 1966 étaient à 90% vaccinées, et que celles nées entre 1966 et 1978 étaient pour moitié vaccinées.

La vaccination en débat au début du XVIIIème siècle : Vers 1790, le maire de Paris demande à M. Tapp, un officier de santé du 7ème arrondissement d’étudier la possibilité d’introduire la vaccination dans cette partie de la ville. Mais il se lance dans une attaque effrénée contre ce qu’il considère comme « une pure charlatanerie ». Sur cette gravure Sept membres du comité français de vaccination s’opposent à lui. Crédit : Wellcome Collection.

La variole, une arme biologique ?
L’histoire de la colonisation du continent américain a montré que la propagation, dans la population autochtone, de maladies infectieuses, dont la variole, avait facilité la conquête des territoires amérindiens : à la veille de l’arrivée des Espagnols le Mexique comptait 25 millions d’habitants ; un demi-siècle plus tard, en 1568, la population du Mexique est estimée à 3 millions d’habitants. Si, à l’origine, ces épidémies se sont propagées de façon fortuite, il existe des témoignages de la contamination intentionnelle des Amérindiens : un texte relate par exemple que des Européens avaient offert aux Indiens des couvertures ayant servi à des varioliques.

Plus près de nous, après l’éradication officielle de la maladie, l’Assemblée mondiale de la santé (AMS) a émis, en 1986, le souhait de détruire les stocks des derniers virus encore conservés dans deux laboratoires de haute sécurité, l’un en URSS (à l’Institut d’État de virologie et de biotechnologie à Koltsovo) et l’autre aux Etats-Unis (au Centre de contrôle et de prévention des maladies à Atlanta), afin d’éviter une propagation accidentelle du virus. Plusieurs fois la date de la destruction des stocks a été reportée, et finalement ces stocks n’ont jamais été détruits. Les détracteurs de l’élimination des souches soutenaient qu’il était nécessaire de continuer à mener des recherches scientifiques pour mettre en place de nouveaux outils de diagnostic, de prévention et de traitement en cas de dissémination délibérée et malintentionnée. Selon eux, un aérosol de virus varioleux pouvait contaminer une population importante, compte tenu de la stabilité du virus, de la faible dose nécessaire pour la contamination, et de sa facilité de stockage. Et ceci dans une population mondiale de moins en moins immunisée contre le virus, puisque moins vaccinée.

Ce constat n’a pas fait consensus dans la communauté scientifique : par exemple le calcul du facteur de « reproduction », ou R0, qui traduit le taux de transmission de la maladie, c’est-à-dire le nombre de personnes que chaque malade est susceptible d’infecter, a été âprement discuté. Après les attentats du 11 septembre 2001, et les lettres « piégées » à l’anthrax occasionnant la mort d’une vingtaine d’Américains, la peur d’une guerre biologique s’est réactivée. Il n’était plus question de détruire les stocks, mais plutôt de mettre en place des protocoles afin de se préparer à une éventuelle attaque bioterroriste (plan BIOTOX en France). En 2018, la FDA a même approuvé un premier traitement de la variole, le Tecovirimat, à titre exceptionnel, en cas de situation d’urgence. Ce médicament n’a d’ailleurs été testé que sur des primates et des personnes non infectées. Cela tend à montrer que la variole reste un sujet de préoccupation.

Une épidémie de variole peut-elle ressurgir en France ?
Le virus de la variole affecte strictement les êtres humains, il n’existe pas de porteur sain du virus. Le risque d’une contamination ne pourrait donc provenir que des personnes en contact direct ou indirect avec des souches : soit à la suite d’une erreur dans un laboratoire, soit par un acte de malveillance d’une personne ayant accès à une souche virale, en dehors évidement d’un acte de bioterrorisme. Le risque est minimal puisque seuls deux laboratoires ont conservé des souches varioliques. Par ailleurs, les quelques rares flacons très anciens de souches varioliques retrouvés l’ont toujours été dans des laboratoires qui ont pu mettre en place des mesures de précaution.

Un cas de contamination en 1978 par une souche du virus de la variole provenant d’un laboratoire
Janet Parker, photographe de l’École de Médecine de l’Université de Birmingham est morte le 11 septembre 1978 contaminée par une souche de virus de la variole provenant d’un laboratoire de virologie au-dessus de son bureau.

La une du Evening Mail du lundi 11 septembre 1978. Crédit de la photo : Birmingham Evening Mail / Birmingham Library

La voie de contamination la plus probable aurait été la voie aérienne. Les souches virales seraient passées par le conduit contenant les câbles téléphoniques. À la suite de ce drame, l’OMS a demandé que tous les stocks connus de ce virus soient détruits ou transférés à l’un des deux laboratoires de haute sécurité habilités par l’OMS.

Si par un hasard malheureux une souche s’échappait d’un laboratoire, il faut se rappeler que, si la maladie est très contagieuse, elle l’est le plus souvent dans une phase où l’on peut l’identifier chez le patient. De plus, ce dernier est vite alitée et ne va donc transmettre la maladie que dans un cercle restreint. La difficulté viendrait alors de la difficulté d’établir un diagnostic, car la variole n’est plus reconnue que théoriquement par les médecins. En 1955, lors la dernière épidémie (en Bretagne), une des causes de l’augmentation des cas fut un mauvais diagnostic initial.

Certains scientifiques ont évoqué aussi la possibilité que des cadavres de patients atteints de variole demeurant dans le permafrost ne contaminent un jour des humains.

Toutes ces probabilités sont extrêmement faibles, et pour l’instant les autorités sanitaires s’interrogent plus sur l’émergence d’épidémies d’autres orthopoxvirus. Récemment l’épidémie de variole du singe, dont le taux de mortalité reste très faible sous nos latitudes, a montré que ces interrogations sont pertinentes.

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