Le livre « Enquête sur Elon Musk, l’homme qui défie la science » (éditions Alisio sciences) sort ce 9 juin 2022 dans les librairies. Fourmillant d’éclairages techniques et scientifiques, l’ouvrage de notre collègue Olivier Lascar décortique un à un les projets du patron de SpaceX, Tesla et Neuralink. S’ils paraissent aussi fous les uns que les autres, desservis par la personnalité de l’entrepreneur, on aurait tort de ne pas les prendre au sérieux.
Le personnage est clivant, ses rodomontades sur Twitter l’apparentent à un Donald Trump de la high tech, il semble parfois raconter n’importe quoi et il n’a pas beaucoup aimé la série Silicon Valley et son portrait sarcastique d’un petit monde imbu de lui-même. A dessein ou non, ce numéro de clown est ce qui retient le plus souvent l’attention chez Elon Musk. Il « fait le show ». Du pain béni pour les médias et le grand public, captivés par ses commentaires à l’emporte-pièce sur le bitcoin ou son émoticon « excrément » adressé au PDG de Twitter Parag Agarwal. Avec pour conséquence de laisser dans un genre de flou artistique les projets que cet entrepreneur sud-africain né à Pretoria en 1971, devenu citoyen américain en 2002, mène dans le secteur spatial et automobile, dans l’Internet par satellite et les interfaces cerveau-machine.
Tout le monde a entendu parler de SpaceX ou de la constellation Starlink, des voitures électriques Tesla et, éventuellement, d’un implant cérébral appelé Neuralink. Mais concrètement, qu’est-ce que c’est ? Comment ces projets changent-ils la donne dans leurs domaines respectifs ? Quelles en est même la valeur scientifique ? C’est cette matière qu’Olivier Lascar, rédacteur en chef du pôle numérique de Sciences et Avenir, a décidé d’explorer.
Le fonctionnement des « gigafactories » Tesla
Son livre Enquête sur Elon Musk, l’homme qui défie la science n’est donc pas une biographie ni une enquête sur les coulisses de Tesla ou SpaceX, encore moins un livre de révélations sulfureuses. C’est une analyse de la manière dont Elon Musk mène ses projets, opère ses choix techniques et se démarque, notamment dans le spatial, des façons de faire habituelles. L’exposé est loin d’être superficiel. Cela va de la conception des lanceurs Falcon au système de propulsion et au revêtement d’acier (plutôt qu’en aluminium) de la fusée Starship, en passant par le fonctionnement des « gigafactories » Tesla.
Nombre d’experts sollicités par l’auteur posent leur regard, émerveillé, distant sinon agacé, sur les lanceurs réutilisables, la conquête de Mars, les voitures autonomes ou le train hypersonique Hyperloop : astrophysiciens, spécialistes des transports ou de la blockchain, chercheurs au CNRS et au CNES, neurochirurgien…
Il y a beaucoup d’esbrouffe et d’effet d’annonce bien sûr. En témoignent la fausse nouvelle idée du train Hyperloop ou les tunnels souterrains pour voiture autonome censés désengorger les villes embouteillées, qui font hurler tous les spécialistes du sujet. Ou son jeu ambigu autour de la fausse autonomie de ses Tesla. Sans oublier un certain sans gêne aussi, comme l’atteste la manière dont Musk a poussé sa constellation Starlink, sans beaucoup d’égards pour l’encombrement autour de la Terre ou l’observation astronomique.
S’imposer dans le secteur du forage ?
Mais comme le signale l’auteur, la méthode Elon Musk réside surtout dans sa capacité à noyer le poisson. A faire des annonces qui aboutissent à autre chose que ce que tout le monde imaginait. Prenez les tunnels « anti-embouteillage ». L’ambition est-elle vraiment la fluidification de la circulation automobile ou de s’imposer dans le secteur du forage avec sa compagnie montée pour l’occasion, The Boring Company ?
Et ce ne sont pas les articles scientifiques émanant des équipes travaillant pour les diverses sociétés de l’entrepreneur qui dévoileront quoi que ce soit : le principe de la publication scientifique avec révision par les pairs est totalement ignoré chez Musk. Au point que certains spécialistes ont dû procéder à de la rétro-ingénierie à partir de la lumière réfléchie par les éléments de la constellation Starlink pour savoir comment étaient conçus les satellites !
Le livre fait d’ailleurs un peu les frais de cette tendance au secret et à l’imprévisibilité du personnage : il prend pour acquis le rachat de Twitter par Elon Musk en avril 2022, quand rien ne pouvait permettre de douter de l’opération. Or, cela fait quelques semaines que l’homme semble faire machine arrière ! Cela dit, dans quelques autres semaines, peut-être, ce sera la fin de cet article qui sonnera faux, quand Musk aura bien racheté Twitter…
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