L’Afrique est sous la menace de la stagflation, prévient la Banque mondiale

Dans son dernier rapport, l’institution internationale alerte sur la probabilité de l’installation sur le long terme d’une inflation en hausse conjuguée à une croissance en berne. Des effets qui risquent de peser durement sur les économies des pays en développement.

Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, de nombreuses projections d’analystes et d’institutions financières alertent sur les implications négatives de la guerre sur les marchés, d’autant plus mesurables sur les économies des pays émergents. Dans un rapport publié fin avril, la Banque mondiale prévenait que le choc inflationniste actuel risquait de perdurer jusqu’en 2024, tant sur le front énergétique que sur le front alimentaire, avec des pics jamais atteints depuis la crise pétrolière de 1973.

Dans la dernière édition de ses Perspectives économiques mondiales, les projections de la Banque mondiale s’assombrissent. L’institution parle d’un risque de stagflation de plus en plus certain – soit une période prolongée de croissance faible associée à une inflation élevée – qui, en raison des dommages conjugués de la pandémie et de la guerre, pourrait ramener le niveau de revenu par habitant dans les pays en développement à un niveau inférieur de près de 5 % à celui observé avant le Covid-19.

« La guerre en Ukraine, les confinements en Chine, les perturbations des chaînes d’approvisionnement et le risque de stagflation pèsent sur la croissance. Pour bien des pays, il sera difficile d’échapper à la récession », prévient David Malpass, le président du groupe de la Banque mondiale. « Les marchés regardent vers l’avenir, il est donc urgent d’encourager la production et d’éviter les restrictions commerciales. Des changements dans les politiques budgétaires, monétaires, climatiques et d’endettement sont nécessaires pour remédier à l’affectation inappropriée des capitaux et aux inégalités. »

Crise similaire à 1979
Selon la Banque, la croissance mondiale devrait être ramenée de 5,7 % en 2021 à 2,9 % en 2022, soit nettement moins que les 4,1 % prévus en janvier dernier. Un rythme de croissance qui devrait perdurer jusqu’en 2023-2024, dans le contexte actuel.

L’institution n’hésite d’ailleurs pas à comparer la situation actuelle avec celle des années 1970. À l’époque où la sortie de l’inflation a été rendue possible via la mise en place de fortes hausses des taux d’intérêts dans les économies avancées, mais qui a entraîné la récession mondiale de 1982 et une série de crises financières dans les économies émergentes et en développement.

« Les économies en développement devront trouver un équilibre permettant à la fois d’assurer la viabilité budgétaire et d’atténuer les effets de la conjugaison des crises actuelles sur leurs populations les plus pauvres », souligne Ayhan Kose, directeur du département Perspectives de la Banque mondiale. L’analyste insiste sur la nécessité pour ces économies de mettre en place des cadres de politique monétaire crédibles et de protéger l’indépendance des banques centrales pour combattre efficacement l’inflation.

Une croissance africaine ralentie
La croissance des économies émergentes et en développement devrait, elle, tomber à 3,4 % en 2022 (contre 6,6 % en 2021), soit bien en dessous de la moyenne annuelle de 4,8 % sur la période 2011-2019. Sur l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, la croissance devrait atteindre 3,7 % en 2022 et 3,8 % en 2023, des projections qui correspondent à celles publiées par la Banque mondiale en janvier mais qui baissent de 0,4 point si l’on retire les plus grosses économies que sont l’Angola, le Nigeria et l’Afrique du Sud.

L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE DEVRAIT RESTER LA SEULE RÉGION ÉMERGENTE ET EN DÉVELOPPEMENT OÙ LE REVENU PAR HABITANT NE RETROUVERA PAS SON NIVEAU DE 2019

« Bien que la hausse des cours des matières premières soit de nature à soutenir la reprise dans les industries extractives, la progression de l’inflation dans de nombreux pays tendra à éroder les revenus réels, affaiblir la demande et accentuer la pauvreté », indique le rapport. Ainsi, l’impulsion apportée par la reprise économique du continent – notamment grâce au tourisme – a ensuite été tempérée par l’augmentation du coût de la vie et l’affaiblissement de la demande intérieure.

De fait, la hausse des prix de l’énergie ne sera pas suffisante pour équilibrer les conséquences négatives de la guerre pour certains exportateurs de matières premières et l’Afrique subsaharienne devrait rester la seule région émergente et en développement où le revenu par habitant ne retrouvera pas son niveau de 2019, même en 2023. Toutefois, les perspectives de croissance concernant l’année 2022 dépassent les chiffres de 2019 pour le Cameroun (+0,3), la RDC (+1,6) et le Congo (+3,6) au contraire de la Côte d’Ivoire (-0,5), du Sénégal (-0,2) et du Mali (-1,5).

jeuneafrique

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