On sait enfin d’où vient la maladie qui a tué plus d’un tiers de l’Europe

Malgré son bilan catastrophique, l’origine géographique exacte de la Mort noire restait incertaines; des chercheurs affirment désormais l’avoir déterminé avec précision.

Les médecins de peste sont l’une des icones de la mort noire, cette pandémie de peste qui a ravagé l’Europe. © Hubi .img – Unsplash

La pandémie de COVID-19 qui a mis la planète sens dessus dessous a au moins eu un avantage : elle aura permis de rappeler à la communauté internationale que ces événements constituent une menace de premier plan pour notre civilisation, en particulier lorsqu’elle fait preuve de complaisance. Ces derniers temps, de très nombreux chercheurs et laboratoires se sont ainsi repenchés sur les grandes pandémies de l’Histoire dans l’objectif d’en tirer des leçons épidémiologiques pour l’humanité d’aujourd’hui.

Et parmi les maladies qui ont fait des ravages dans notre espèce, il y en a une qui a une réputation particulièrement terrible : la peste. Aujourd’hui, cette maladie peut être soignée facilement grâce à aux antibiotiques modernes. Mais c’est un exemple très intéressant pour les chercheurs, car elle est à l’origine de la toute première pandémie à avoir été largement décrite par de nombreux observateurs d’époque.

Un “Big Bang” de la peste qui complique les études

Grâce à ces témoignages et à de nombreuses preuves archéologiques, nous savons aujourd’hui que cette maladie a véritablement décimé l’Europe lors d’un épisode passé à la postérité sous le nom de “mort noire”. En l’espace de cinq ans, la bactérie Yersinia pestis a ravagé le Vieux continent; le bilan exact reste très discuté, mais les différentes estimations font toutes état de plusieurs dizaines de millions de morts.

Aujourd’hui, les chercheurs estiment que la peste noire a coûté la vie à plus d’un tiers de la population européenne, voire même jusqu’à 60% en fonction des sources. Il est aussi établi qu’a également été un facteur déterminant dans la chute de puissants empires. Malgré tous ces éléments, des doutes subsistent quant à l’origine de ce mal.

Yersinia pestis, le bacille à l’origine de la terrible peste noire. © Larry Stauffer – Oregon State Public Health Laboratory

La réponse se cachait dans des dents multicentenaires

D’après le New Scientist, le premier témoignage de la maladie remonte à 1346, en actuelle Crimée; des documents historiques affirment que lors d’un siège, les assaillants auraient catapulté des cadavres contaminés à l’intérieur de la ville pour forcer les habitants à sortir; les fuyards auraient ainsi transporté la maladie en Europe, accélérant ainsi l’émergence de la pandémie.

Mais jusqu’à aujourd’hui, personne ne savait quel circuit la bactérie avait emprunté pour arriver là. Pour répondre à cette question, les chercheurs du prestigieux Max Planck Institute, en Allemagne, ont pris le taureau par les cornes.

Ils se sont intéressés à deux cimetières anciens identifiés sur un territoire qui appartient aujourd’hui au Kirghizistan, un état d’Asie centrale notamment bordé par la Chine et le Kazakhstan. Les 467 sépultures étaient documentées dans un vieux registre qui comportait un indice très évocateur, à savoir la présence du terme “pestilience”; de quoi mettre la puce à l’oreille des scientifiques.

L’ampleur du “Big Bang” de la peste est bien visible sur cet arbre des souches de Yersinia pestis. 

La mort noire est partie du Kirghizistan en 1338

Cela leur a permis de procéder à un séquençage pour établir une sorte d’arbre généalogique de Yersinia pestis. Ils ont ainsi pu déterminer que la souche en question était un ancêtre direct de celle qui a provoqué la mort noire quelques années après. De plus, la zone en question se situe précisément à l’emplacement présumé du fameux “Big Bang” qui a conduit à l’apparition de nouvelles souches.

En d’autres termes, les chercheurs sont désormais quasiment certains qu’il s’agit de l’origine précise de cet épisode dévastateur : tout indique désormais que la peste noire est partie du Kirghizstan en 1338. Reste encore à trouver le réservoir original (les chercheurs suspectent des marmotes locales), mais cela s’annonce encore beaucoup plus compliqué.

Mais c’est tout de même une information très intéressante pour les chercheurs qui documentent ces phénomènes. Et il ne s’agit pas seulement de compléter des archives pour le principe. Comme mentionné en début d’articles, les travaux de ce genre permettent d’affiner nos connaissances des mécanismes qui permettent à ces dangereux pathogènes de coloniser de larges zones géographiques.

 The Guardian

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