Libre échange avec… Dr Andrew Gwodog, Administrateur-directeur général de la Scg-Ré : «Faire de Dakar le prochain hub de la réassurance africaine»

Un des piliers du secteur de l’assurance, la Société commerciale gabonaise de réassurance veut lever 5 milliards de francs Cfa afin de se doter de moyens financiers conséquents pour son développement en Afrique. Le Sénégal, 3ème marché de la zone Cima, pourrait accueillir le deuxième bureau de souscription et constituer, pour l’Afrique, le prochain hub de laréassurance africaine, d’après l’administrateur et Directeur général de la Scg-Ré. Dans cet entretien réalisé en marge de la 46ème Assemblée générale de la Fanaf à Dakar, Dr Andrew Gwodog décline les ambitions de la Scg-Ré.

Vous êtes présent à Dakar dans le cadre de la 46ème Assemblée générale de la Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines. Quelles sont les missions de la Société commerciale gabonaise de réassurance (Scg-Ré) ?

Société de réassurance de droit gabonais créée le 22 février 2012, la Scg-Ré est une initiative de l’Etat gabonais et des sociétés d’assurances du Gabon. Elle a pour mission de gérer, au nom et pour le compte de l’Etat du Gabon, la cession légale sur les primes et cotisations des sociétés d’assurances y compris la cession légale sur la réassurance facultative et traitée, à l’instar de la Sen-Ré au Sénégal, la Scr au Maroc, Tunis-Ré en Tunisie, la Ccr en Algérie, pour ne citer que celles-là, de la Cnr au Cameroun, la Cicare sur le plan communautaire (zone Cima) et Africa Re pour le continent. Elle a également pour rôle de proposer à l’ensemble des sociétés d’assurances d’Afrique, des couvertures en réassurance commerciale ou conventionnelle (facultatives et traitées) et son assistance technique (formation, expertises diverses, etc).

Quel bilan de la Scg-Ré pouvez-vous faire depuis sa création ?

Démarrant ses activités avec un capital social de 2 milliards de francs Cfa, la Scg-Ré a quintuplé son capital au cours de dix années d’existence seulement. D’abord, de 2 milliards à 5 milliards en 2014, puis de 5 à 10 milliards en 2021, soit une augmentation de 100%. Elle compte, à ce jour, une dizaine d’années, avec un effectif de 23 personnes. Dans son capital social, l’Etat est indirectement actionnaire à travers trois institutions que sont le Fonds souverain de la République gabonaise (Fsrg), le Fonds gabonais d’investissements stratégiques (Fgis) et la Caisse des dépôts et consignations (Cdc), qui détiennent 62% du capital social, les 38% restants sont détenus par les sociétés d’assurances qui existaient au Gabon en 2012, à savoir Sanlam, Ogar, Assinco, Ogar Vie, Nsia, Sunu Vie et Nsia Vie. Notre chiffre d’affaires est en moyenne de 17 milliards de francs Cfa, pour des résultats nets qui n’ont cessé d’augmenter de 60 millions en 2012 jusqu’à plus d’1 milliard en prenant les chiffres à fin 2020. En 2021, la Scg-Ré a réalisé un chiffre d’affaires de 16 milliards, un résultat net d’environ 1 milliard. En 10 ans, elle est classée 27ème société de réassurance en Afrique, tant par la qualité de ses résultats techniques, financiers, que son extraordinaire développement commercial sur le continent en général et en zone Cima en particulier. Telle est l’histoire de cette jeune société qui a pour ambition, dans les 20 prochaines années, d’intégrer le top 10 des sociétés de réassurance en Afrique. La Scg-Ré dispose aussi d’une double notation financière : Bb+ par Ambest et Cc- par la Gcr.

Au-delà du Gabon, quels sont vos objectifs sur le marché international et au Sénégal en particulier?

A l’origine, les objectifs de la Scg-Ré étaient, d’une part, de réduire la partie des primes gabonaises qui étaient exportées du fait de l’absence d’un réassureur local. Elle permet aujourd’hui d’importer de la prime d’assurance des autres pays africains, avec un impact direct sur notre balance de paiement. Les objectifs des 10 premières années ont été atteints à travers notre Plan stratégique de développement 2012-2020. Depuis 2021, nous sommes entrés dans la deuxième phase de notre développement. Cette deuxième phase comprend un certain nombre de projets ambitieux.

Quels sont vos projets ?

Pour le premier, la Scg-Ré prépare son introduction en bourse d’ici décembre prochain. Dans le cadre de cette opération d’introduction en bourse, la Scg-Ré souhaiterait lever sur la place financière d’Afrique centrale, 5 milliards de francs Cfa afin de se doter de moyens financiers conséquents pour son développement en Afrique, qui va se traduire par l’ouverture de quatre bureaux de souscription en Afrique centrale, en Afrique australe, en Afrique de l’Ouest et en Afrique du Nord. Par ailleurs, nous poursuivons l’ambition d’améliorer notre notation financière auprès d’une agence internationale et de renforcer nos équipes techniques par le recrutement de talents à travers l’Afrique. Le premier bureau, qui va être ouvert en 2022, est celui de Kigali, au Rwanda. Le Sénégal est le 3ème marché de la zone Cima. Si Abidjan est le hub de l’assurance, nous pensons que Dakar pourra, du fait de l’existence de la Sen-Ré, l’une des plus anciennes sociétés de réassurance de la zone, accueillir notre deuxième bureau de souscription et constituer, pour l’Afrique, le prochain hub de la réassurance africaine.

Avez-vous noué des partenariats aussi bien dans le public que dans le privé ?

Notre premier partenaire public est l’Etat gabonais via le Groupe Etat, actionnaire à 62% de notre capital. Nous avons aussi signé des partenariats privés avec d’autres réassureurs africains tels que la Scr du Maroc, Continental-Ré (Nigeria), Cica-Ré (zone Cima), Ghana-Ré (Ghana) et Aveni-Ré (Afrique de l’Ouest). Nous avons, en projet, deux nouveaux partenariats que nous allons signer avec la Sen-Ré du Sénégal et Nca-Ré de la Côte d’Ivoire. Pour la petite histoire, il faut savoir que la Scg-Ré a été créée sous le modèle de la Sen-Ré. Lorsqu’il était question de créer cette société, nous sommes allés à Dakar pour rencontrer M. Moussa Diaw, qui en était l’Administrateur-directeur général. Nous nous sommes beaucoup inspirés des textes du Sénégal, des expériences du Maroc et du Cameroun, pour créer la Scg-Ré. Raison pour laquelle il y a lieu d’encourager la création de sociétés de réassurance en Afrique pour compléter les marchés africains (régionaux ou locaux) d’assurances, capter cette prime africaine et la réinvestir dans le continent afin d’impulser notre développement économique et mettre à disposition des agents économiques dont nos Etats, des ressources conçues pour les entreprises publiques et privées.

La pandémie du Covid-19 durant ces deux dernières années et aujourd’hui la guerre en Ukraine ont-elles eu des conséquences sur vos activités ?

Oui. Il ne faut pas négliger l’impact de cette guerre qui a lieu entre la Russie et l’Ukraine. Si on n’y prend garde, la première conséquence pour la Scg-Ré est le renchérissement de la réassurance (rétrocession) qui constitue un impact direct. Même si dans notre activité, les événements qui ont eu un lien direct avec la guerre ne sont pas couverts, il va sans dire que la Scg-Ré et les réassureurs sont indirectement impactés. Il va aussi y avoir un renchérissement sur le marché pétrolier qui est un effet positif dans la mesure où la rareté de la ressource pétrolière ou gazière va avoir pour objet de permettre aux raffineurs des pays pétroliers africains d’augmenter leurs productions et de vendre un peu plus. Il y a des pays dont l’économie est tributaire du pétrole. Les assureurs et réassureurs seront appelés pour apporter leur garantie à de nouveaux investissements de ce secteur. On peut valablement penser que cette guerre va plutôt être positive sur certains secteurs (pétrole, gaz, blé, etc), à la différence du Covid-19 qui a eu un impact sur un certain nombre de branches du secteur assurance et réassurance. Les mesures restrictives prises pour endiguer la pandémie ont eu des conséquences sur la circulation des personnes et des biens. Avec une branche aviation complètement sinistrée par exemple en 2020 et 2021.

Quels sont vos objectifs en 2022 ?

Pour cette année, la Scg-Ré veut atteindre un chiffre d’affaires de 19 milliards et un résultat net moyen d’un milliard. Notre principal objectif pour cette année est notre introduction à la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (Bvmac).

Nous serons ainsi la première société de réassurance agréée par la Cima à faire son entrée en bourse d’une part, et d’autre part, à lever des fonds par appel public à l’épargne (Ipo) pour augmenter son capital social, donnant ainsi l’opportunité aux épargnants de l’Afrique centrale et du continent de devenir actionnaires de la Scg-Ré et participer à son développement. Par ailleurs, l’ouverture de notre bureau à Kigali, au Rwanda, et l’acquisition d’un logiciel de réassurance sont également des objectifs prioritaires de cet exercice 2022. Nous entendons ainsi poursuivre notre développement commercial par l’ouverture des bureaux en Afrique centrale et de l’Ouest entre 2023 et 2024, renforcer nos fonds propres et notre notoriété, tout en améliorant notre gouvernance technique ainsi que la notation financière de la société afin de nous hisser dans le top 20 des entreprises africaines de réassurance.
lequotidien

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