L’Allemagne est-elle à la veille d’une nouvelle révolution énergétique ? Toutes les certitudes sont en tout cas en train de basculer depuis que la Russie a réduit de 40 % ses livraisons de gaz. Le pays en est fortement dépendant pour sa consommation et sa production. Jeudi 23 juin, le ministre de l’économie et du climat, l’écologiste Robert Habeck, a déclenché le second niveau d’alerte du plan d’urgence gaz, qui en compte trois. Cela implique des interventions supplémentaires sur le marché, afin de privilégier le remplissage des réservoirs, en prévision de l’hiver.
« La situation est tendue. Nous sommes dans une crise gazière », a déclaré le ministre. Celle-ci devrait prendre toute son ampleur à partir de l’automne, avec des conséquences massives sur l’économie. Le spectre d’une rupture des approvisionnements en énergie est réel : les réservoirs de gaz ne sont actuellement remplis qu’à 58 %, selon le dernier bilan de l’agence allemande des réseaux. C’est insuffisant pour couvrir les besoins cet hiver, notamment dans l’industrie, alors que les ménages sont prioritaires. Depuis quelques jours, le risque d’une grave récession est ouvertement évoqué.
Le ministre avait déjà déclenché, dimanche 19 juin, un premier plan d’action. Celui-ci prévoit notamment que, pour économiser le gaz et remplir les réservoirs, la production électrique issue des centrales à gaz (15 % du bouquet électrique) sera réduite, le manque étant remplacé par… un usage plus intensif des centrales à charbon. Pour les Verts, la décision de recourir davantage au minerai noir, très polluant et émetteur de gaz à effet de serre, a été « douloureuse », a concédé M. Habeck, mardi 21 juin, lors d’un discours devant la Fédération de l’industrie allemande.
Les cartes sont rebattues
Quelques heures plus tôt, devant le même public, c’est le ministre des finances, le libéral Christian Lindner, qui avait levé un autre tabou : celui de la prolongation des trois centrales nucléaires encore en fonctionnement en Allemagne, qui doivent en principe être arrêtées à la fin de l’année. Dans son discours, il a appelé à un débat « ouvert et non idéologique » sur la question, face à la crise énergétique. Il ne s’agit pas, a-t-il dit, de surmonter un hiver seulement, mais d’assurer la sécurité énergétique du pays « ces trois à cinq prochaines années », pendant lesquelles le gaz sera plus rare qu’auparavant et les prix de l’électricité élevés. Le chef de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), Friedrich Merz, qui n’a jamais pardonné à Angela Merkel la sortie anticipée de l’atome, défend également cette idée.
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