Au Cameroun, les ambitions politiques de Michèle Ndoki

Au Cameroun, Michèle Ndoki, la vice-présidente des femmes du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), poursuit le débat de l’alternance démocratique au sein du parti de Maurice Kamto.

Après avoir passé six mois d’exil en Côte d’Ivoire, Michèle Ndoki vient en effet d’annoncer vouloir remplacer Maurice Kamto à la tête du parti. Elle revient sur ses motivations à défier Maurice Kamto dans les urnes en 2023. Mais aussi sur les dangers réels d’être une opposante au Cameroun.

DW : Vous êtes avocate au barreau du Cameroun, par ailleurs vice-présidente de la branche féminine du MRC. Vous vous opposez à Maurice Kamto en 2023. Pourquoi maintenant ?
Michèle Ndoki : je ne dirais pas que je m’oppose à Maurice Kamto en 2023, je dirais que je présente ma candidature au poste de présidente pour le mouvement pour la renaissance du Cameroun en 2023.

Je crois qu’avant de parler d’opposition il faut se demander si Maurice Kamto sera candidat au renouvellement de son mandat. Et même s’il est candidat, cela ne vaudra pas dire que Maurice Kamto et moi sommes opposés, mais que nous avons deux propositions différentes pour la conduite des affaires de notre parti pour les cinq années qui suivent et que nous voulons soumettre chacun sa proposition aux militants pour qu’ils choisissent celle qui leur paraît la meilleure.

Vous vous présentez comme une meilleure alternative pour le MRC ? Quel est votre projet ?
Michèle Ndoki : Mon projet est d’amener la base militante du MRC à relancer la dynamique qui a été très fortement challengée, très fortement attaquée après l’élection de 2018. Nous avons fait l’objet de répression et d’une coercition vraiment féroce. C’est quelque chose qui marque beaucoup de personnes qui se sont retrouvées en prison pendant un bon nombre de mois, pour certains qui sont encore en prison ça fait un bon nombre d’années.

Je crois que la base militante du MRC à eu profondément conscience qu’elle a été profondément affectée. Il y a un certain nombre de personnes engagées sur nous avons perdu en peu de temps. Forcément se mobiliser pour reprendre ce que nous appelons nous au MRC le chemin de la renaissance, ce n’est pas chose aisée. Je voudrais par mon exemple, par mon expérience, leur montrer que ça reste possible et le danger ça se maîtrise.

Selon vous, est-ce que Maurice Kamto est encore capable de conduire la barque MRC ?
Michèle Ndoki : En ce qui concerne son aptitude, ce n’est pas ce que je pense. Je crois que ce qui est nécessaire lorsqu’on présente sa candidature, c’est de se dire qu’on a quelque chose à offrir. Il nous paraît que ce qu’on a à offrir n’est pas encore offert en l’état actuel des choses et qu’on y croit et qu’on a vraiment envie que les autres nous examinent, qu’ils examinent le projet et disent si oui ou non ce projet mérite d’être soutenu.

C’était important de l’annoncer tôt parce qu’on a besoin de rassurer, de rassembler, de remobiliser. Derrière cette discussion on a besoin de motiver, de montrer qu’il y a encore matière à discuter, qu’il y a encore des choses à faire, qu’il y a encore des choses dans lesquelles on peut croire.

Le MRC peut-il faire alliance avec l’union des partis de l’opposition ?
Michèle Ndoki : Je pense que ce sont des questions qui doivent être discutées, abordées. Aujourd’hui je suis candidate à une fonction, les élections c’est pour dans très longtemps. Vous pensez bien que je ne suis pas là voix autorisée pour dire ce que le MRC pense pouvoir conclure comme alliance ou pas. Je pense que c’est une question à poser au professeur Maurice Kamto.

Personnellement, j’ai beaucoup de chantiers qui m’occupent et me préoccupent. La situation de mes amis politiques, la situation des enfants de ma terre me préoccupent énormément.

Entre 2018-2020 vous avez été arrêtée 3 fois, contrainte à quitter votre pays. Être opposante au Cameroun pour une femme jeune comme vous c’est facile ?
Michèle Ndoki : De toute évidence ce n’est pas facile. Non seulement ce n’est pas facile mais c’est dangereux. Ceci étant, j’ai fait le choix de rentrer parce-que je crois en ce rêve de renaissance, en ce rêve Cameroun. Je crois qu’il faut être ici pour le défendre, pour rassembler les forces vives de cette nation, les enfants de ma terre…faire en sorte que ce rêve devienne réalité.

Est-ce que je ne suis plus en danger, je ne m’en préoccupe pas. Pas plus que je ne m’en préoccupais jusqu’au jour où on m’a tiré dessus. Aujourd’hui je refais le choix de ne pas m’en préoccuper. Ce qui compte c’est ce que nous pouvons faire ensemble. Je préfère regarder ceux qui se joignent à l’équipe de bâtisseurs, ceux qui veulent que la renaissance devienne réalité.

Vous voyez ce qui se passe dans les régions anglophones, il y a une dénonciation que nous venons de publier au MRC, le massacre de 09 civils qui est présenté aujourd’hui comme une bavure. Il y a cette histoire d’un jeune de l’armée qui, en arrivant sur son lieu d’affectation a tiré sur un de ses frères d’armes et a tiré sur deux supérieurs avant de se suicider.

Manifestement le gouvernement n’arrive pas à enrayer cette escalade de violence. Alors qu’est-ce qu’on fait ? On s’en va pour sauver nos vies ? On se tait parce qu’on a peur ? Ou alors on essaye de faire quelque chose pour que cela s’arrête ? Moi, le choix est évident. J’ai encore peur de ce qui va arriver si nous continuons de nous taire. J’encourage autant que je peux les enfants de ma terre à ne plus se taire.

DW

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