Un échantillon à la valeur historique incomparable a été mis aux enchères, au grand dam de la NASA qui le considère comme sa propriété.
À poids équivalent, la poussière lunaire fait partie des substances les plus onéreuses au monde. Rien de surprenant connaissant la provenance de ce matériau à l’importance scientifique immense. Sans surprise, la NASA veille donc sur ses échantillons comme sur la prunelle de ses yeux.
Elle ne s’en sépare pas facilement; lorsqu’elle y consent, l’archimajorité du temps, c’est pour en faire bénéficier des institutions scientifiques de premier plan. Et les quelques collectionneurs privés qui réussissent à mettre la main dessus sans l’accord de l’agence doivent se préparer pour une longue bataille judiciaire.
La NASA défend ses échantillons bec et ongles
En effet, la NASA n’hésite pas à intenter de longs procès à ceux qui revendiquent la propriété de ces échantillons. C’est donc un véritable événement à chaque fois qu’un lot de ce genre apparaît sur les listings d’une grande maison de vente aux enchères, et le plus souvent, cela arrive dans des circonstances très particulières – pour ne pas dire douteuses.
C’est ce qui s’est passé en avril dernier. Un échantillon microscopique de poussière issu de la légendaire mission Apollo 11 qui avait mystérieusement disparu du stock de la NASA des années auparavant est réapparu lors d’une perquisition. Il a ensuite été racheté par une maison de vente. L’institution a fini par le vendre pour plus d’un demi-million de dollars après avoir obtenu gain de cause face à la NASA, qui l’a traînée en justice à plusieurs reprises.
Et récemment, c’est une nouvelle affaire de ce genre qui a mis les équipes juridiques de la NASA sur le qui-vive. L’agence a demandé l’interruption d’une nouvelle vente aux enchères de matériel lunaire dont l’agence revendique la propriété.
Un vestige unique d’Apollo 1
Le lot en question est d’ailleurs assez exceptionnel, même pour de la poussière de lune. Il s’agit d’une expérience menée par Marion Brooks, une entomologiste aujourd’hui décédée qui travaillait sur les effets physiologiques du sol lunaire.
Lorsque Neil Armstrong et ses collègues sont revenus de la Lune pour la première fois, la NASA n’avait aucune idée de la toxicité potentielle de ce matériel. La poussière lunaire aurait très bien pu contenir de dangereux microorganismes susceptibles d’éradiquer toute la population de la Terre.
Par principe de précaution, les astronautes ont donc dû s’astreindre à une période de quarantaine de 21 jours. Pendant cette durée, ils ont passé toute une batterie d’examens médicaux; mais ils n’étaient pas les seuls à être surveillés de près. La NASA en a aussi profité pour donner cette poussière à manger à des cafards pour en étudier les effets.
C’est là qu’intervient Marion Brooks. Une fois la période de quarantaine terminée, elle a eu la lourde tâche de confirmer que la NASA n’avait raté aucun effet secondaire. Elle a donc consciencieusement disséqué les insectes et récupéré la poussière lunaire digérée dans leurs organismes. Cela lui a permis de confirmer l’absence de pathogènes dangereux dans les échantillons.
Mais d’après collectSpace, l’intéressée a omis de les rendre à la NASA une fois son travail achevé. À la place, elle a mis l’ensemble sous verre avant de l’exposer à son domicile en guise de souvenir.
La vente suspendue en attendant un compromis
Après une longue ellipse, cet échantillon a atterri dans le catalogue de la maison RR Auction dans des circonstances assez mystérieuses. Cette pièce exceptionnelle a bien évidemment attiré l’oeil de nombreux collectionneurs… mais aussi de la NASA, qui s’est empressée de réclamer son dû.
“Sur la base des informations présentées dans la description du lot, il est clair et indiscutable que le matériel de l’expérience est la propriété de la NASA”, affirmait l’avocat de l’agence dans une lettre adressée à la maison d’enchères. “La vente de ces objets est une utilisation inappropriée et illégale de la propriété de la NASA”, martèle-t-il.
Dans un premier temps, la maison a d’abord refusé de retirer le lot avant de céder aux exigences de l’agence. “Bien que RR Auctions ne prenne pas position sur la légitimité des revendications de la NASA, nous coopérons toujours avec le gouvernement sur ces questions et nous avons décidé de retirer le lot de la vente pour permettre aux parties concernées de résoudre cette question”, a expliqué son avocat dans une lettre à collectSPACE.
Si la NASA et le “propriétaire” actuel de l’échantillon échouent à trouver un terrain d’entente, l’agence pourrait bien attaquer ce dernier en justice. Il sera donc intéressant de suivre l’évolution de cette affaire. Elle pourrait définir un précédent légal pour tous les échantillons qui font partie d’une expérience scientifique.
À plus long terme, il sera aussi intéressant de voir si la NASA se montrera aussi intransigeante après la mission Artemis 3. Elle aura alors tout le loisir de collecter de nouveaux échantillons. Mais d’ici là, les collectionneurs sont prévenus; ceux qui souhaitent acheter ou vendre un échantillon issu de la Lune feront mieux de procéder discrètement !
Space