« Dieu nous a donné à tous une feuille de route », affirme le chanteur ivoirien Alpha Blondy, qui suit la sienne en diffusant depuis quarante ans les ondes positives d’un reggae africain flamboyant et engagé, comme dans son dix-neuvième disque studio baptisé « Eternity ».
L’homme d’aujourd’hui 69 ans a pris un petit coup de vieux, la barbichette et les cheveux ont blanchi, mais Alpha Blondy a toujours l’art de la formule percutante, sous les lunettes à double foyer le regard est toujours vivace, et sa langue toujours aussi bien pendue.
Ce chanteur qui prétend être investi d’une mission divine reprendra son bâton de pèlerin pour venir interpréter les chansons de son nouveau disque et ses anciens tubes planétaires, en concert à Paris le 9 juillet.
« J’ai une chance inouïe, Dieu a fait de moi un tisserand de rêves », confie-t-il à l’AFP dans une de ses nombreuses professions de foi. Son rôle est de « donner de la musique, de l’espoir, de la joie, du bonheur ».
« Koun Faya Koun », « Pompier pyromane »… On retrouve encore dans plusieurs chansons d' »Eternity » cette pulsation, cet élan sautillant et cette bonne humeur qui ont fait d’Alpha Blondy une personnalité musicale marquante dès ses débuts.
Puissance des mélodies au service d’un discours engagé et d’un certain nombre de messages, délivrés en plusieurs langues — anglais, français, dioula –, ce qui en accroît la portée.
L’excision, les marchands d’armes, les élections, sont quelques-uns des thèmes qu’aborde dans son nouvel opus celui dont les prises de position lui ont valu dans son existence quelques déboires.
« A l’époque du Parti unique », sous Félix Houphouët-Boigny, président de Côte d’Ivoire entre 1960 et 1993, « quand tu te permets de dire que le gouvernement c’est une dictature, tu es fou. Si en plus tu fumes des gros joints »…, raconte Alpha Blondy, qui avait été placé très jeune par sa famille dans un établissement psychiatrique.
Il répondra avec éclat en chantant « Brigadier Sabari », où il dénonce avec humour la violence policière dans les quartiers populaires d’Abidjan: il profite encore aujourd’hui du succès planétaire de cette chanson parue en 1983.
– « Pas dans la critique méchante » –
Impertinent, dénonciateur, moqueur, parfois en colère, jamais méchant.
« Je ne suis pas dans la critique méchante, la critique acerbe, explique ce tribun. Je pars du principe que je n’ai pas la science infuse, et que peut-être que si j’étais dans la position de ceux que je critique, je ne ferais pas mieux. Donc je leur laisse cette latitude de pouvoir corriger, améliorer, ou me faire comprendre que je n’ai pas compris ».
Ce rebelle institutionnel a parfois été taxé d’opportuniste.
« Quand une opportunité se présente à moi et que j’ai la chance de parler à un président de ce que je chante, je ne m’en prive pas », répond-il à ses détracteurs.
Apôtre de la non-violence, ce messager de la paix pour l’ONU et ambassadeur de paix de la CEDEAO en Côte d’Ivoire a choisi comme caisse de résonance le reggae.
« Le reggae a pour épine dorsale Dieu, le divin, il n’est pas un phénomène de mode. Tant qu’il y aura la souffrance des peuples, le reggae sera. Tant qu’il y aura la douleur, les injustices sociales, le reggae sera », assène-t-il.
Mais son reggae se mange à la sauce africaine et parfois rock.
« Nous sommes ces Africains qui ont tété les mamelles du rock, qui ont tété les mamelles de la musique africaine et ont mis tout cela ensemble », explique Alpha Blondy.
« J’ai eu un groupe rock quand j’étais au lycée, on faisait du Led Zep, du Pink Floyd, on a fait du Johnny. Nous conjuguons ce que nous sommes », raconte-t-il.
« Si c’est pour faire la photocopie du reggae jamaïcain, ça ne m’intéresse pas. Il faut que j’apporte quelque chose », ajoute le musulman rastaman.
afp