Les chercheurs espèrent changer le visage de l’agriculture moderne en supprimant sa principale contrainte : la dépendance au soleil.
Parmi les étapes de l’évolution qui ont conduit à la vie telle qu’on la connaît aujourd’hui, l’apparition de la photosynthèse a été absolument déterminante. Depuis des millions d’années, c’est ce mécanisme basé sur la lumière du Soleil qui est directement responsable de la production d’oxygène dont tant d’êtres vivants ont besoin pour vivre, alors qu’il s’agit paradoxalement d’un déchet de cette réaction chimique.
Or, pour l’être humain, il serait très intéressant que ces végétaux ne dépendent plus de notre étoile. Cela permettrait par exemple de les faire pousser des dans le noir complet, sans avoir recours à des ampoules spécialisées souvent très énergivores. Et les chercheurs de l’Université de Californie à Riverside viennent de faire un pas de géant dans cette direction.
Un pied de nez à la nature
En effet, ils ont dévoilé un système qui permet de « contourner le besoin de photosynthèse biologique et de créer de la nourriture indépendamment de l’éclairement en utilisant une photosynthèse artificielle », d’après le communiqué.
Pour y parvenir, ils ont mis au point une nouvelle technique d’électrocatalyse, une procédure qui consiste à stimuler certaines réactions chimiques grâce à un courant électrique. Cela leur a permis de transformer du dioxyde de carbone et de l’eau en acétate. C’est un intermédiaire très important de la chaîne de photosynthèse que les plantes ne peuvent habituellement fabriquer que si elles ont accès à une source de lumière.
Il existe déjà des méthodes qui permettent de réaliser cette conversion. Mais ce qui rend la technique novatrice développée par les chercheurs si impressionnante, c’est qu’elle leur a permis d’atteindre “le plus haut niveau d’acétate jamais produit dans un électrolyseur” avec une consommation d’électricité pourtant très modeste.
Un rendement supérieur à la photosynthèse biologique
Si modeste, en fait, qu’elle peut être assurée par quelques panneaux photovoltaïques. Et c’est là que réside tout l’intérêt de cette approche. Car d’après les chercheurs, en termes énergétiques, elle serait même plus rentable que la photosynthèse biologique !
Mais en combinant cette nouvelle technique avec des panneaux solaires, les chercheurs ont déterminé que pour certaines levures, cette technique pourrait “multiplier par 18 l’efficacité de la conversion de l’énergie solaire en biomasse”. En moyenne, le rendement serait environ 4x supérieur.
Les chercheurs estiment donc que ces travaux pourraient participer à “libérer l’agriculture de sa dépendance complète au soleil”, ce qui pourrait apporter des bénéfices immenses à l’avenir.
En finir avec la dépendance au Soleil
Pour commencer, cela permettrait de faire pousser des végétaux dans des zones très inhospitalières. On pense notamment à celles qui sont aujourd’hui menacées par le réchauffement climatique, qu’il s’agisse de la montée des eaux ou de la température.
Les systèmes de ce genre pourraient aussi jouer un rôle fondamental dans l’exploration spatiale ; cultiver des végétaux rapidement et avec peu de moyens à bord de l’ISS, copmme Thomas Pesquet avec ses piments, serait évidemment très utile dans ce contexte où les ressources sont très limitées.
Et ce sera encore plus vrai avec l’arrivée des premières colonies interplanétaire. “Imaginez des vaisseaux géants qui feraient pousser des tomates dans l’obscurité sur Mars — ça serait beaucoup plus facile pour les futurs martiens”, suggère Martha Orozco-Cárdenas, co-autrice de l’étude.
Un changement de paradigme ?
Mais le point le plus intéressant avec cette technologie, c’est qu’elle pourrait servir au-delà de ces cas extrêmes. Les chercheurs estiment que ce concept pourrait bien être à la base d’une révolution globale de l’agro-industrie à cause de son rendement théoriquement supérieur à la photosynthèse naturelle.
Évidemment, en l’état actuel des choses, ces travaux demeurent très exploratoires. Ce n’est donc pas demain la veille que les agriculteurs près de chez vous vont ratiboiser leurs champs une dernière fois avant d’investir dans un gigantesque électrolyseur.
En revanche, il sera très intéressant de suivre l’évolution des travaux de ce type. Car même s’il ne faut pas s’attendre à une transition complète à moyen terme, ces technologies pourraient nous aider à répondre à des problématiques locales très concrètes dans un futur relativement proche.