Le chef suprême des Taliban, Hibatullah Akhundzada, est apparu en public vendredi à Kaboul. Celui qui vit d’ordinaire reclus à Kandahar a assisté à une assemblée de dignitaires religieux convoquée par le régime pour consolider son pouvoir.
Une fois n’est pas coutume. Le chef suprême des Taliban, Hibatullah Akhundzada, est apparu en public vendredi 1er juillet à Kaboul à l’occasion d’une assemblée de dignitaires religieux convoquée par le régime au pouvoir. Celui qui n’a jamais été filmé ou photographié en public depuis l’arrivée au pouvoir des Taliban – et vit d’ordinaire reclus à Kandahar – s’est ensuite exprimé devant l’assemblée.
Son arrivée, retransmise sur la radio d’État, a été saluée par des acclamations et des chants à la gloire des Taliban, tels que « Longue vie à l’Émirat islamique d’Afghanistan », le nom officiel du régime.
Plus de 3 000 religieux et leaders tribaux sont réunis depuis jeudi dans la capitale pour un grand conseil de trois jours destiné à légitimer le pouvoir en place.
La presse afghane spéculait depuis plusieurs jours sur l’éventuelle participation de Hibatullah Akhundzada à cet événement. Seuls des enregistrements audio de lui avaient jusqu’ici été rendus public depuis août, sans qu’ils aient pu être authentifiés de source indépendante.
Malgré sa discrétion, le chef suprême – qui aurait dans les 70 ans – tient d’une main de fer le mouvement, selon les analystes, et porte le titre de « commandeur des croyants ».
Ce rassemblement, le plus grand depuis la prise de pouvoir des Taliban, survient une semaine après un séisme qui a frappé le sud-est du pays et fait plus de 1 000 morts et des dizaines de milliers de sans-abri.
Aucune femme dans l’assemblée
Aucune femme n’a été autorisée à participer à cette assemblée. Les Taliban ont estimé que cela n’était pas nécessaire, car elles sont représentées par des parents masculins.
Une source talibane avait affirmé à l’AFP en début de semaine que les participants seraient autorisés à critiquer le régime et que des sujets épineux, tels que l’éducation des filles, objet de débat au sein même du mouvement, seraient au programme.
Fin mars, les Taliban avaient fait refermer aux filles les lycées et collèges, quelques heures à peine après leur réouverture, annoncée de longue date. Ce revirement inattendu avait été ordonné par Hibatullah Akhundzada lui-même, selon plusieurs sources au sein du mouvement.
Les Taliban sont largement revenus à l’interprétation ultrarigoriste de l’islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir, entre 1996 et 2001, restreignant très fortement les droits des femmes.
Ils les ont presque complètement exclues des emplois publics, ont restreint leur droit à se déplacer et ont interdit l’accès des filles aux écoles secondaires. Les femmes se sont aussi vu imposer le port du voile intégral, couvrant le visage, pour toute sortie en public.
Ils ont aussi interdit la musique non religieuse, la représentation de visages humains sur des publicités, la diffusion à la télévision de films ou séries montrant des femmes non voilées, et ont demandé aux hommes de porter le vêtement traditionnel et de laisser pousser leur barbe.
Les Taliban ont entouré ce rassemblement de fortes mesures de sécurité. Mais jeudi, deux hommes armés ont tout de même réussi à s’approcher du lieu de la réunion, à l’université polytechnique de Kaboul, avant d’être abattus. Selon des responsables talibans, ils ont commencé à tirer depuis le toit d’un immeuble proche, avant d’être « rapidement éliminés ».
« Obéir à tous nos dirigeants dans toutes les affaires »
Les Taliban ont fourni peu de détails sur ce qui est décrit comme une « jirga », une assemblée traditionnelle d’anciens au sein de laquelle les divergences doivent normalement être réglées par consensus. Les médias n’ont pas eu le droit d’y accéder, mais certains discours ont été retransmis à la radio d’État, la plupart appelant à l’unité derrière le régime.
« L’obéissance est le principe le plus important », a ainsi déclaré à l’ouverture du conseil Habibullah Haqqani, qui assure la présidence. « Nous devons obéir à tous nos dirigeants dans toutes les affaires, sincèrement et véritablement. »
À la tribune du conseil, un influent imam a déclaré que quiconque tenterait de renverser le régime devrait être décapité. « Ce drapeau (taliban) n’a pas été hissé facilement, et il ne sera pas abaissé facilement », a déclaré Mujib ur Rahman Ansari, l’imam de la mosquée Gazargah à Herat.
« Tous les érudits religieux d’Afghanistan devraient convenir (…) que quiconque commet le moindre acte contre notre gouvernement islamique devrait être décapité et éliminé », a-t-il déclaré.
AFP