Variole du singe : avec 50 mutations, le virus mute beaucoup plus vite que prévu

Le virus de la variole du singe mute bien plus vite que par le passé, avec déjà une cinquantaine de nouvelles mutations. Des changements qui pourraient expliquer une plus forte contagiosité.

Le virus de la variole du singe mute plus vite que prévu, selon une étude publiée dans Nature Medicine. Depuis que sa sortie d’Afrique a été repérée à la fin du mois de mai 2022, plus de 3.500 personnes ont été contaminées à travers 48 pays. Tandis que les virus à ADN tels que celui de la variole du singe gagnent une ou deux mutations par an, la souche détectée au mois de mai en comporte déjà plus de 50, comparé au dernier variant détecté en 2018.

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La variole du singe, cousin du virus de la variole, a pour réservoir supposé les rongeurs. Endémique en Afrique, il se caractérise par deux « clades », deux souches différentes. L’une provient d’Afrique de l’Ouest et possède un taux de mortalité d’environ 1%. L’autre émane du bassin du Congo, en Afrique centrale. Cette dernière a un taux de mortalité estimé à 10%. La dernière fois que l’épidémie s’est propagée hors d’Afrique remonte à 2003, lorsque 71 personnes ont été infectées aux Etats-Unis par des chiens de prairie. L’épidémie actuelle émane de la souche d’Afrique de l’Ouest, la moins mortelle des deux. Elle « forme une branche issue d’une version du virus datant de 2018-2019 », explique l’étude, au moment où la variole du singe a été exportée du Nigeria vers le Royaume-Uni, Israël et Singapour.

Une enzyme humaine aurait forcé le virus à muter
La variole du singe est un orthopoxvirus à ADN à double brin, capable de corriger les erreurs qui surviennent au moment sa réplication, en tout cas bien plus qu’un virus à ARN tel que le Covid-19, qui mute donc beaucoup plus. Depuis 2018, il aurait dû accumuler une ou deux mutations par an, une dizaine au maximum. Or ce sont plus de 50 mutations qui ont été identifiées par une équipe de chercheurs portugais. Ces derniers ont collecté 15 échantillons différents afin de reconstruire le génome entier. Et ont dénombré environ 10 à 15 fois de mutations que prévu. « Nos données montrent des signes d’une évolution et d’une potentielle adaptation à l’humain », explique l’article, qui souligne que le taux de mutation « est bien plus élevé que les précédents estimations faites pour un orthopoxvirus. » Les chercheurs précisent que toutes les souches analysées sont très semblables, ce qui irait dans le sens d’un seul cas émanant d’Afrique, qui aurait contaminé d’autres personnes par la suite. Le cas d’une personne ayant voyagé du Nigeria aux Etats-Unis en 2021 et dont la souche se place entre celles de 2018-2019 et celles de 2022 va dans le sens de cette hypothèse.

Pour expliquer l’apparition rapide de ces mutations, les chercheurs expliquent que le virus aurait pu évoluer au contact du système immunitaire des malades. Ils pointent le rôle de l’enzyme APOBEC3, chargée de forcer le virus à muter pour essayer de le détruire en insérant des erreurs génétiques dans son ADN. L’enzyme aurait fait son travail en forçant la variole du singe à muter mais n’aurait pas réussi à détruire le virus. Il aurait juste continué de se propager après avoir acquis de nouvelles propriétés. La répétition de ce phénomène aurait permis aux modifications de s’accumuler dans l’ADN du virus.

Des contaminations plus faciles ?
Ces résultats posent question quant à la transmissibilité de la maladie. Par le passé, la variole du singe a été décrite comme un virus se transmettant d’Homme à Homme via un contact rapproché par la peau, par des fluides corporels, du matériel contaminé ou encore des gouttelettes respiratoires dans les airs. Mais la rapidité inédite avec laquelle il se transmet désormais pourrait indiquer que certaines des nouvelles mutations modifieraient la façon dont les malades se contaminent. « Ce rapport confirme l’hypothèse dominante concernant l’épidémie actuelle : il s’agirait d’un seul cas importé [d’Afrique], dont les cas se sont multipliés à cause d’un ou de plusieurs événements de super-propagation », explique le Dr Hugh Adler de la Liverpool school of tropical medicine auprès du Science media center. « Les auteurs décrivent un nombre étonnamment élevé de mutations dans le virus, mais leurs implications pour la gravité ou la transmissibilité de la maladie ne sont pas claires. Nous n’avons identifié aucun changement dans la gravité de la maladie clinique chez les patients diagnostiqués lors de l’épidémie actuelle. » En effet, aucun décès n’a été recensé pour le moment.

Cette année, pour la première fois, la large dissémination du virus au-delà de l’Afrique a surpris la communauté scientifique et poussé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à évoquer une éventuelle classification de l’épidémie en urgence sanitaire internationale. Pour le moment, la stratégie consiste à vacciner les personnes contacts des malades avec le vaccin contre la variole. Ce dernier a permis l’éradication du virus de la variole et ne fait plus partie des vaccins administrés en France depuis 1979. « Ces découvertes soulignent de nombreuses lacunes dans nos connaissances sur la génétique sous-jacente du virus de la variole du singe et sur le rôle des différents gènes dans la transmission de la maladie, même si ce virus a été identifié pour la première fois chez l’Homme il y a un demi-siècle », estime le Dr Hugh Adler, regrettant que la communauté mondiale ne s’intéresse à cette maladie que depuis qu’elle a touché les pays à revenu élevé.

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