La météo solaire fait tomber les satellites de leurs orbites, et ça va empirer

Les caprices du Soleil, dont l’activité va continuer d’augmenter jusqu’en 2025, représentent une vraie menace pour certains satellites.

Depuis quelques mois maintenant, la météo spatiale est particulièrement tumultueuse. D’après l’ESA, elle est même si mauvaise qu’elle a un impact considérable sur certains satellites, qui commencent tout simplement à décrocher de leurs orbites. Et selon l’agence, la situation va probablement empirer à court et moyen terme.

En temps normal, tous les objets en orbite terrestre basse ont tendance à perdre de l’altitude au fil du temps. Il s’agit d’une conséquence de la friction avec les quelques particules d’air encore présentes dans la très haute atmosphère. C’est un phénomène bien connu (on parle de déclin d’orbite) auquel les ingénieurs savent répondre sans trop de problèmes. Très sommairement, il suffit de donner un petit coup d’accélérateur à un point précis de l’orbite pour la rectifier.

Or, l’agence a repéré une dynamique étrange sur son essaim SWARM : certains des engins se sont mis à plonger à une vitesse inquiétante. Ces dernières années, les satellites “coulaient” à environ 2 km par an. Mais entre décembre 2021 et avril 2022, ce taux a largement augmenté; rapporté à une année, cela correspond désormais à une perte d’altitude de 20km par an, selon la responsable du projet interviewée par Space.com.

Le vent solaire, une plaie pour les satellites

Et il ne faut pas chercher bien loin pour identifier l’origine de ce phénomène; le coupable n’est autre que notre Soleil lui-même. En effet, ce dernier émet régulièrement des flux de particules chargées (on parle de plasma) à la faveur d’éruptions solaires. Et le vent solaire qui en résulte joue aussi un rôle très important dans la dynamique des satellites en orbite terrestre.

Cela se traduit par une augmentation de la résistance au mouvement du satellite, un peu comme un cycliste qui roule avec un vent de face de plus en plus puissant. Résultat : il perd de la vitesse et, par extension, de l’altitude. C’est ce phénomène qui est à l’origine de la chute vertigineuse du SWARM de l’ESA. Lors de tempêtes solaires intenses, ils peuvent parfois tomber trop vite pour que les chercheurs aient le temps de rectifier la trajectoire.

L’activité du Soleil augmente à vue d’œil

Ce n’est pas un hasard si cette dynamique a accéléré depuis quelques mois. En effet, l’intensité de ce vent solaire dépend directement de l’activité du champ magnétique de l’étoile. On l’ estime en comptant le nombre de taches solaires.

Cette activité varie selon un cycle de 11 ans. Et le cycle actuel a justement démarré assez récemment. Officiellement, le Soleil est entré dans cette nouvelle phase en décembre 2019. Et depuis, on constate une augmentation très rapide du nombre de taches solaires et des tempêtes géomagnétiques associées.

Ces dernières ont déjà eu quelques effets perceptibles sur Terre; on se souvient par exemple des quelques black-out radio enregistrés lors du week-end de Pâques (voir notre article). Mais cela signifie surtout que les satellites en orbite très basse ont beaucoup plus de mal à maintenir une trajectoire viable dans ces conditions.

Et malheureusement, cette situation semble partie pour durer. En effet, nous n’en sommes qu’au début de ce 25e cycle solaire (ils sont comptés depuis 1755). Et pourtant, il s’est déjà révélé bien plus intense que les chercheurs ne l’avaient anticipé.

Si l’on s’intéresse au graphique qui détaille ces prévisions, on constate que le nombre de taches solaires est aujourd’hui presque au niveau attendu lors du pic d’activité du cycle – alors qu’il n’est pas censé survenir avant 2025…

Le risque d’un événement dramatique

L’autre problème, c’est que cette activité croissante augmente significativement les probabilités que la Terre subisse une tempête géomagnétique majeure. Dans ce cas de figure, le risque principal n’est même plus la chute des satellites; c’est la survie de l’électronique embarquée qui est remise en question.

En effet, une éruption solaire particulièrement intense pourrait aisément griller une grande partie de l’infrastructure électrique mondiale. Et puisqu’ils évoluent à la frontière – ou complètement en dehors – de la magnétosphère qui protège la Terre, ces satellites se retrouveraient alors particulièrement exposés. Avec tout ce que cela implique pour les réseaux de communication terrestres.

Une situation préoccupante en pleine course à l’espace

Les ingénieurs sont donc prévenus : ils vont devoir déployer des efforts conséquents pour assurer la survie de leurs appareils en orbite basse. Et pas question de prendre cet avertissement du Soleil à la légère, d’autant plus que le timing est loin d’être idéal.

Cela n’a échappé à personne, nous sommes en ce moment au début d’une nouvelle course à l’espace. Et il n’y a pas que les immenses fusées de SpaceX qui progressent; la quantité de satellites augmente aussi à une vitesse exponentielle. Or, parmi eux, on trouve tout un tas de cubesats, des satellites parfaitement adaptés à cette nouvelle philosophie commerciale de l’espace; ils sont ridiculement petits, peu chers, et n’embarquent que le strict minimum.

Pour cette raison, nombre d’entre eux ont fait le choix de se passer entièrement de propulseur. Ces satellites-là sont donc des petites boîtes high-tech qui sont déposées en orbite, puis livrées à elles-mêmes. Elles sont incapables de corriger leur propre orbite si elles en dévient.

Jusqu’à présent, ces engins ont pu bénéficier d’une météo spatiale favorable; le début de cette nouvelle ruée vers l’espace a en effet coïncidé avec une période très calme en termes d’activité solaire. Mais plus nous nous rapprocherons du pic de 2025, plus la situation va devenir compliquée, en particulier pour les cubesats sans propulseurs.

L’industrie aurait-elle fait preuve de complaisance et sous-estimé l’impact du soleil ? L’avenir nous le dira. Mais même si cette dynamique est inquiétante, il faut aussi nuancer son impact. Cette situation ne concerne que les appareils en très basse orbite qui évoluent à la frontère de l’atmosphère terrestre, soit autour des 150km. Les engins plus éloignés, comme les Starlinks de SpaceX, qui sont parqués à 550 km d’altitude, devraient donc y échapper.

Mais en que la situation se décante, il reste tout de même une bonne nouvelle dans cette histoire. Car il n’y a pas que les satellites en fonctionnement qui sont influencés par les vents solaires. C’est aussi le cas des innombrables débris qui polluent l’orbite terrestre.

Concrètement, ces tempêtes solaires contribuent donc à nettoyer l’orbite. Et c’est une excellente nouvelle, sachant que l’accumulation de ces déchets fait partie des menaces les plus importantes qui pèsent sur la conquête spatiale à grande échelle.

 Space.com

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