Comment vous avez travaillé avec Robert Guédiguian pour ce film, Twist à Bamako ?
Le fait que Robert Guédiguian me dise : «C’est toi que j’ai choisie», c’était déjà un gros challenge. Il y a d’abord le stress et à ce moment-là, on se dit est-ce que je peux le porter ?
Parce que c’est quand même beaucoup de villes. Et ce n’est pas seulement le fait que ça soit sur trois villes et plusieurs villages environnants, mais c’est aussi le fait que ce soit un décor de 1962 qu’il faut reconstituer entièrement. Et parfois, on s’est mis à déboulonner des panneaux de signalisation, à refaire des routes, à reconstruire des maisons, à enlever toute trace de 2022. Et ce n’était pas évident. Même quand on a repris le tournage, il y avait le Covid-19, donc des masques partout et il fallait une vigilance absolue pour enlever tout ce qui faisait référence à 2022 dans le décor et mettre du 1962. Et ça, c’était le challenge pour toutes les équipes, les régisseurs, les décorateurs, les maquilleuses, les coiffeuses et je pense que ça a été une belle expérience enrichissante pour tous les différents départements de production de ce film-là. Et d’autant plus pour moi.
Le film a apporté pas mal d’emplois, notamment à Thiès. Mais il y avait aussi Saint-Louis et Podor…
C’est vrai qu’à Thiès, on a eu beaucoup plus de figurants parce qu’il y avait la manifestation et il fallait 1500 personnes. Le film a beaucoup plus apporté à Thiès mais à Podor aussi, on a eu beaucoup de figurants et on est restés deux semaines. C’est un impact social important dans le sens où ce ne sont pas seulement les techniciens et les acteurs qui travaillent dans le film. Ce sont aussi les petites gens. La personne qui vient figurer et qui s’en va, on lui paie une journée. Et elle dit : «On m’a juste dit mets-toi là et passe. Je suis passé et on m’a donné le salaire d’un mois ! Ils sont fous ces gens-là ! Ils viennent d’où ?» Dans ces contrées-là, on ne gagne pas beaucoup et quand une personne reçoit l’équivalent de son salaire mensuel en un jour, ça peut changer sa vie. A Thiès, les lingères qu’on a prises pour faire le linge de tous ces figurants, beaucoup ont avoué avoir inscrit leurs enfants à l’école grâce à ce travail dans le film. L’impact est vraiment plus important sur les petites gens. Ça transforme complètement leur vie.
Combien avez-vous injecté dans ces villes au total ?
Je n’aime pas parler du budget des films mais en tout cas, au moins un million d’euros est rentré au Sénégal avec ce film.
Le directeur de la Cinématographie a évoqué le renouvellement des accords de coproduction entre la France et le Sénégal grâce à ce film…
Il faut un certain pourcentage, un certain apport pour coproduire un film avec un pays donné. Peut-être, vu le budget du film, le Sénégal ne pouvait pas apporter autant d’argent. Moi, je ne pouvais pas apporter autant d’argent qui permettait l’accord de coproduction. Donc, par rapport à ce que j’avais pu aider à apporter, il a fallu bouger un peu cet accord de coproduction France-Sénégal pour que le Sénégal soit officiellement coproducteur de ce film.
Maintenant vous allez pouvoir travailler sur d’autres projets encore plus grands ?
J’espère que ce projet va ancrer Karoninka et tous les techniciens qui ont travaillé dessus et nous permettra de porter d’autres projets plus importants.
Le doublage en wolof et bambara, est-ce une option du réalisateur ?
C’était important pour Robert de dire : «J’ai fait un film au Sénégal et au Mali et je voudrais que tous les gens qui ont été touchés de près ou de loin par ce film, puissent comprendre ce qu’on a fait.» C’est pourquoi il a réinvesti de l’argent avec son producteur pour doubler le film en wolof et en bambara. Et il se trouve que Canal, qui voudrait montrer le film, préfère le doublage en wolof parce qu’il a de l’humour, des tournures de phrase beaucoup plus fortes et succulentes qu’en français. C’était une bonne idée de Robert de dire qu’on ne va pas économiser de l’argent, on va investir pour que le film touche les paysans de Podor où on a tourné le film et qu’à Bamako aussi, on puisse comprendre le film.
Ce n’est pas la première fois que vous êtes en coproduction sur de grandes réalisations. Et il semble que dernièrement, le Sénégal est devenu intéressant de ce point de vue là…
On a des équipes techniques qui sont très performantes et l’habitude de faire de grands films fait qu’on nous fait confiance de plus en plus. J’espère que le Sénégal va continuer encore et encore à être une terre d’accueil de grands tournages.
lequotidien