Élisabeth Borne a présenté, mercredi, son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. La Première ministre, pour qui « le désordre et l’instabilité ne sont pas des options », a appelé les groupes d’opposition à « bâtir ensemble » des « compromis » dans l’Hémicycle. Faute de majorité absolue, la responsabilité du gouvernement n’est pas engagée par un vote de confiance, alors que la coalition de gauche Nupes a déposé une motion de censure contre l’exécutif.
Deux mois et demi après la réélection d’Emmanuel Macron, place à l’action ? Élisabeth Borne vit, mercredi 6 juillet, son baptême du feu devant le Parlement. D’abord à l’Assemblée nationale de 15 heures à 16 h 30 (puis au Sénat à 21 heures), où elle a commencé son discours de politique générale – mais sans demander une confiance que lui refusent déjà les oppositions.
Devant les députés, la Première ministre a appelé à trouver « des compromis » et à « bâtir ensemble » les solutions aux défis des prix de l’énergie ou du climat, ajoutant que « le désordre et l’instabilité ne sont pas des options ». Élisabeth Borne a assuré vouloir mener « pour chaque sujet une concertation dense ». « Nous aborderons chaque texte dans un esprit de dialogue, de compromis et d’ouverture », a-t-elle insisté, s’engageant à être une « infatigable bâtisseuse » et appelant à construire des « majorités de projet ».
Durant ce discours, la cheffe de l’exécutif a aussi dessiné plusieurs perspectives politiques pour cette nouvelle législature.
Le plein-emploi « à notre portée »
Élisabeth Borne a estimé que le plein-emploi était « à notre portée » et passait par une simplification de l’accompagnement « trop complexe » des chômeurs à travers une « transformation de Pôle emploi en France Travail ».
« Aujourd’hui le plein-emploi est à notre portée. Et le travail reste pour moi un levier majeur d’émancipation », a affirmé la Première ministre, qui n’a pas fixé de date ou de chiffre précis pour cet objectif. Le plein-emploi en France est généralement considéré comme un taux de chômage autour de 5 %.
« Lors du précédent quinquennat, nous avons déjà parcouru la moitié du chemin vers le plein-emploi », a-t-elle souligné. À 7,3 %, le taux de chômage est « le plus bas depuis 15 ans », conséquence selon elle des réformes de l’apprentissage, de l’assurance chômage, de l’investissement dans la formation des demandeurs d’emploi et du plan « un jeune, une solution ».
Pour atteindre le plein-emploi, « nous devons ramener vers l’emploi celles et ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail », a-t-elle estimé. Mais l’organisation de l’accompagnement des chômeurs est aujourd’hui « trop complexe » et « son efficacité en pâtit ».
« Nous ne pouvons plus continuer à avoir, d’un côté, l’État qui accompagne les demandeurs d’emploi, de l’autre, les régions qui s’occupent de leur formation et les départements en charge de l’insertion des bénéficiaires du RSA », a-t-elle estimé. « C’est pour ça que nous voulons transformer Pôle emploi en France Travail », a-t-elle affirmé, laissant entendre que l’opérateur public devrait chapeauter ces compétences actuellement dispersées.
Élisabeth Borne est également revenue sur la réforme du RSA, annoncée par Emmanuel Macron pendant la campagne électorale. « Verser une allocation ne suffit pas. Ce que nous voulons, c’est que chacun s’en sorte et retrouve sa dignité grâce au travail », a-t-elle affirmé, sans mentionner explicitement les 15 à 20 heures d’activité ou d’accompagnement mentionnées par le président en échange de l’allocation.
Une réforme des retraites « pas ficelée » mais « indispensable »
La Première ministre a prévenu que les Français devraient « travailler progressivement un peu plus longtemps ».
« Notre pays a besoin d’une réforme de son système de retraite », réforme qui « ne sera pas uniforme », qui « devra prendre en compte les carrières longues et la pénibilité » et « veiller au maintien dans l’emploi des seniors », a ajouté Élisabeth Borne, précisant que cette réforme serait menée « dans la concertation avec les partenaires sociaux, en associant les parlementaires le plus en amont possible ».
La réforme « n’est pas ficelée. Elle ne sera pas à prendre ou à laisser. Mais elle est indispensable », a-t-elle assuré, notamment « pour bâtir de nouveaux progrès sociaux », « pour la prospérité de notre pays et la pérennité de notre système par répartition ».
Le président de la République, Emmanuel Macron, qui veut le report de l’âge de la retraite à 64 ans, voire 65 ans, à raison de quatre mois supplémentaires par an à partir de 2023, avait affirmé en mai son souhait de voir cette réforme mise en œuvre à l’été 2023, un calendrier compatible avec un démarrage des discussions à la rentrée de septembre.
Engager une « révolution écologique »
Par ailleurs, Élisabeth Borne a affirmé sa volonté d’engager « une révolution écologique », qui ne passe pas, selon elle, par la décroissance, avec notamment le lancement d’une concertation à partir de septembre en vue d’une loi d’orientation énergie-climat. Elle a promis des « réponses radicales à l’urgence écologique », que ce soit « dans notre manière de produire, de nous loger, de nous déplacer, de consommer ».
« Dès le mois de septembre, nous lancerons une vaste concertation en vue d’une loi d’orientation énergie-climat », a-t-elle ajouté, en promettant de définir « filière par filière, territoire par territoire » des « objectifs de réduction d’émissions, des étapes et des moyens appropriés ».
Renationaliser à 100 % le groupe EDF
L’État a l’intention de renationaliser à 100 % l’énergéticien EDF, a aussi annoncé Élisabeth Borne dans sa déclaration de politique générale. « Je vous confirme aujourd’hui l’intention de l’État de détenir 100 % du capital d’EDF. Cette évolution permettra à EDF de renforcer sa capacité à mener dans les meilleurs délais des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique », a-t-elle déclaré devant l’Assemblée nationale.
L’État détient aujourd’hui près de 84 % de l’électricien, 1 % étant détenu par les salariés et 15 % par des actionnaires institutionnels et individuels. Le groupe, déjà fortement endetté, est confronté à de lourdes charges financières, et est aussi mis au défi par le gouvernement de lancer un nouveau programme de réacteurs nucléaires.
« La transition énergétique passe par le nucléaire », a martelé la Première ministre, reprenant la position adoptée dès cet hiver par le président Emmanuel Macron.
L’action d’EDF bondissait à la Bourse de Paris mercredi après cette annonce. Le titre prenait 5,56 % à 8,28 euros vers 15 h 45, dans un marché en hausse de 1,86 %. Avant le discours, le cours était en net recul, de 5 %.
Pas de vote de confiance
Contrairement à la plupart de ses prédécesseurs, la Première ministre n’a pas engagé sa responsabilité par un vote de confiance. Ce dernier, conformément à l’article 50-1 de la Constitution, n’est pas obligatoire. À droite comme à gauche, sept Premiers ministres sur 27 depuis 1959 ne l’ont pas sollicité.
Élisabeth Borne n’a surtout « pas le choix », selon le politologue Bruno Cautrès, car elle prendrait deux risques avec un vote : celui « de tomber », étant donné que le gouvernement ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée, ou celui d’obtenir la confiance grâce à l’abstention du RN.
Or « ce serait très mal perçu par l’opinion d’avoir un vote de confiance, même ric rac, avec l’abstention des RN », note une source gouvernementale. En outre, plusieurs députés ont été nommés ministres lundi, et leurs suppléants ne siègeront à l’Assemblée que dans un mois, privant d’autant de voix le camp présidentiel.
À travers les députés et les sénateurs, c’est aux Français que la Première ministre compte s’adresser. Comme une indication de sa volonté de prendre l’opinion à témoin, elle sera interviewée au 20 h de TF1.
Les quatre groupes de gauche à l’Assemblée nationale ont déposé, quant à eux, mercredi leur motion de censure en signe de « défiance » à l’égard du gouvernement, juste avant la déclaration de politique générale.
« En l’absence de vote de confiance », qui n’a pas été demandé par la Première ministre, « nous n’avons d’autre choix que de soumettre cette motion de défiance », justifient les groupes LFI, PS, écologiste et communiste dans leur texte remis à la présidence de l’Assemblée nationale et transmis à la presse.
« Cela mettra chacune et chacun face à ses responsabilités », faisait valoir plus tôt la cheffe de file des députés LFI, Mathilde Panot.
AFP