L’Appel à l’action de Dakar

Hier, au terme du sommet IDA 20 pour l’Afrique qui s’est tenue à Dakar, un programme d’actions pour sortir des crises et réaliser la transformation économique a été dressé par les dirigeants africains. Ci-dessous le texte intégral.

Suite au Sommet des Chefs d’États et de Gouvernements du Cabo Verde, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de l’Egypte, de l’Ethiopie, de la Gambie, de la Guinée Bissau, de la Guinée Equatoriale, du Kenya, du Liberia, de Madagascar, de la Mauritanie, du Malawi, du Nigeria, de la République du Congo, de la République Démocratique du Congo, du Rwanda, du Sénégal, de la Sierra Léone, de la Tanzanie, du Togo, de l’Union des Comores et du Zimbabwe

Déclaration conjointe des Chefs d’État et de Gouvernement pour mobiliser les pays africains en vue de soutenir un programme ambitieux de développement à travers le Continent

Préambule
1. Nous, chefs d’État et de Gouvernement du Cabo Verde, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de l’Ethiopie, de la Gambie, de la Guinée Bissau, de la Guinée Equatoriale, du Kenya, du Liberia, de Madagascar, de la Mauritanie, du Malawi, du Nigeria, de la République du Congo, de la République Démocratique du Congo, du Rwanda, du Sénégal, de la Sierra Léone, de la Tanzanie, du Togo, de l’Union des Comores et du Zimbabwe, sommes réunis le 7 juillet 2022 à Dakar pour discuter de nos défis de développement et tracer une voie commune pour une utilisation optimale des financements octroyés par le Groupe de la Banque mondiale afin d’assurer le développement durable et la transformation économique du continent.

Nous remercions S.E.M. Macky Sall, Président de la République du Sénégal et Président en exercice de l’Union africaine, pour l’initiative de cette importante réunion. Nous remercions, également, S.E.M. Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire, pour avoir porté notre plaidoyer commun en faveur du succès de la vingtième reconstitution des ressources de l’IDA (IDA20) pour le financement de projets et programmes du Groupe de la Banque mondiale.

2. La Déclaration d’Abidjan du 15 juillet 2021 établissait trois priorités pour l’Afrique :
(i) l’amélioration du capital humain, (ii) la création d’emplois par des politiques de développement du secteur privé, et (iii) la relance économique. En un an, la persistance de la pandémie de la Covid-19 a fortement contribué à la fragilisation de nos économies. A cela, viennent s’ajouter les conséquences de la crise entre l’Ukraine et la Russie.

3. Sur l’évolution économique et sociale récente
Nous saluons les efforts entrepris par l’ensemble de nos pays pour lutter contre la pauvreté. Nous reconnaissons que, malgré ces efforts, la pauvreté en Afrique augmente pour la première fois depuis une génération, déclenchée par les conséquences de la pandémie à COVID-19 et aggravée par de nombreux chocs internes et externes, notamment le changement climatique, et les conflits. Nous constatons également que la plupart des pays du continent n’ont pas connu de progrès significatifs dans les domaines tels que la réduction de la pauvreté, l’atteinte des objectifs de développement durable (ODDs) et l’accumulation de capital humain.

L’impact disproportionné de ces chocs sur les populations les plus vulnérables, notamment les femmes, les enfants et les populations déplacées, constitue, pour nous, une vive préoccupation.

4. Depuis 2020, les conséquences de la pandémie à Coronavirus (Covid-19) et les tensions géopolitiques nées de la guerre entre l’Ukraine et la Russie ont fortement réduit les marges budgétaires à moyen terme et ont exacerbé les vulnérabilités liées à la dette publique. A fin mai 2022, vingt-trois (23) pays de notre continent présentent un risque élevé de surendettement ou sont en surendettement.

5. Dans ce contexte critique pour l’Afrique, nous nous félicitons du succès de la reconstitution record des ressources de l’IDA, pour un montant total de quatre-vingt-treize (93) milliards de dollars US. Nous remercions, vivement, l’ensemble de nos partenaires qui ont contribué à la mobilisation de ce montant historique.

A travers la présente Déclaration, en rapport avec les entités du Groupe de la Banque mondiale chargées du financement des secteurs public et privé, nous nous engageons à définir et rendre opérationnels, de façon urgente et optimale, les projets et programmes qui permettront de relever nos défis de développement.

6. Cet appel à l’action exprime notre engagement en faveur d’une relance forte et d’une transformation durable et inclusive de nos économies, en partenariat avec l’IDA. A cet effet :

7. Nous nous engageons à accélérer la transformation économique de l’Afrique pour atténuer les chocs futurs. A travers un leadership politique fort et des actions volontaristes, notamment dans les domaines de la bonne gouvernance, de la sécurité et de la paix ainsi que dans la préparation aux crises, nous prenons l’engagement de réussir le défi de la reprise post-COVID19 et de modifier nos trajectoires de développement. Nous réaffirmons que ces actions sont des prérequis indispensables au développement de nos économies.

8. L’Afrique est confrontée à une crise alimentaire et nutritionnelle majeure pour la troisième année consécutive, et nous devons de toute urgence renforcer nos mécanismes de réponse pour faire face à cette situation. Avec les ressources de l’IDA20, nous investirons dans les domaines prioritaires de développement pour surmonter les défis structurels – tels que la fragilité, le changement climatique et la dégradation de l’environnement. Nous prenons l’engagement d’améliorer la productivité agricole par l’innovation dans les chaînes de valeur alimentaire et de développer une agriculture adaptée au changement climatique afin de réduire notre dépendance à l’égard des importations de produits alimentaires.

Nous rappelons à la Communauté internationale la nécessité critique et urgente de prendre des mesures immédiates pour lutter contre le changement climatique en Afrique. Reconnaissant que le plus grand atout de l’Afrique pour relever le défi climatique est son capital naturel inégalé, qui assure la subsistance de plus de soixante-dix (70) % des Africains, nous intensifierons nos efforts pour revitaliser les écosystèmes, en encourageant la restauration des paysages et la gestion durable des forêts à travers des programmes tels que l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI), le Fonds bleu pour le Bassin du Congo et le Fonds vert pour le climat.

9. La croissance économique, la création d’emplois et les réponses au changement climatique dépendent toutes d’une transition énergétique juste et équitable. Nous réaffirmons notre engagement à prendre des mesures pour assurer l’accès universel à une énergie abordable, fiable, durable et moderne pour tous d’ici à 2030. Cela nécessite la fourniture de l’électricité à quatre-vingt-cinq (85) millions de personnes supplémentaires par an au cours des huit prochaines années, ce qui exigera une mobilisation sans précédent des investissements publics et privés. Nous encouragerons, également, les efforts visant à investir dans l’énergie à faible émission de carbone, notamment les énergies renouvelables, le gaz qui constitue pour le continent une énergie de transition afin d’atteindre les objectifs d’accès universel à l’électricité, de réduction des tarifs, d’industrialisation et de création d’emplois.

10. La protection, l’amélioration et l’augmentation de l’investissement dans notre capital humain sont fondamentales pour réaliser la transformation structurelle de nos économies. Nous nous engageons à combler l’écart de développement du capital humain. Cela impliquera des investissements importants pour renforcer les filets sociaux, la sécurité alimentaire ainsi que des dépenses accrues dans l’éducation, notamment en procédant à la création de Centres d’Excellence. Dans le domaine de la santé, nous réaliserons des investissements substantiels pour faire face aux chocs dont les pandémies, tout en améliorant la qualité des services rendus aux populations ainsi que les systèmes nationaux de collecte de données qui permettront de suivre les progrès en matière de capital humain.

11. Nous intensifierons nos efforts pour accélérer le développement de l’économie numérique et viser l’accès universel à la connectivité à haut débit d’ici 2030. Pour ce faire, nous augmenterons les investissements dans la connexion à large bande, les infrastructures de données ainsi que les réformes qui renforcent la concurrence pour accroître l’accès, la qualité et l’accessibilité financière des services numériques. Nous prenons l’engagement fort d’utiliser les ressources de l’IDA20 pour atteindre ces objectifs, qui permettront de renforcer l’inclusion financière, d’augmenter le taux moyen de croissance annuelle du PIB par habitant de 1,5 pour cent et de réduire le taux de pauvreté de 0,7 pour cent par an.

12. Nous réaffirmons que les projets transversaux à financer par l’IDA20 doivent favoriser une forte implication du secteur privé et requièrent un accompagnement de celui-ci par la Société financière internationale (SFI). A cet effet, nous nous engageons à renforcer la mise en œuvre de politiques publiques et réformes visant à accroître les investissements privés, tout en favorisant le contenu local en vue de positionner des entreprises africaines. Nous soulignons l’importance de développer les chaines de valeur dans les domaines clés de la production et de la transformation agricole, de l’économie numérique qui sont des maillons essentiels dans la création d’emplois pour les jeunes et les femmes.

13. Nous réaffirmons notre engagement dans la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale (ZLECAf) et mettrons un accent fort sur le commerce intra-africain, en éliminant les goulots d’étranglement et en favorisant les investissements transfrontaliers dans les infrastructures de transport et d’énergie. Nous estimons indispensable de soutenir le développement de projets régionaux pour relever les défis communs du continent, notamment grâce à la mobilisation des ressources de l’IDA20, et en particulier par la mise en œuvre du Programme de Développement des Infrastructures en Afrique (PIDA) du NEPAD dans l’interconnexion
des réseaux routiers et électriques.

14. Nous appelons nos partenaires à améliorer la concessionnalité et les conditions de décaissement de leurs ressources afin de permettre de limiter les risques de surendettement public. Nous réitérons notre volonté de renforcer la mobilisation des recettes fiscales et non fiscales et d’améliorer la gestion et la transparence de la dette. Nous considérons que les actifs et les passifs du secteur public doivent, désormais, constituer le socle de l’analyse des risques propres à chaque pays, au-delà des modèles traditionnels d’analyse de viabilité de la dette.

Nous reconnaissons la nécessité d’augmenter et de mieux cibler nos allocations budgétaires nationales dans les domaines clés du développement, de renforcer nos capacités d’absorption des ressources IDA par une meilleure préparation et une gestion plus efficiente des projets, d’améliorer la gestion financière et de créer un environnement propice pour attirer les financements du secteur privé, y compris les partenariats public- privé (PPP).

15. Cet appel à l’action nécessitera un leadership et un engagement politique forts. Dans ce cadre, nous appelons à renforcer les mécanismes de coordination à l’échelle continentale pour une utilisation optimale et équitable des ressources de
l’IDA20 pour atteindre nos objectifs de développement.

igfm

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