De plus en plus d’examens médicaux sont publiés sur Instagram et Twitter par des praticiens, souvent à des fins de vulgarisation ou de prévention. Mais cette démarche n’est pas anodine.
Des électrocardiogrammes ou encore des radios de poumons, de dents ou d’os. Il n’est plus rare de voir des médecins publier sur les réseaux sociaux – principalement Twitter et Instagram – des résultats d’examens ou des éléments de contexte concernant des patients qu’ils auraient rencontrés.
Une pratique qui part souvent d’une bonne intention, notamment pour faire de la prévention auprès des internautes, qui mais qui est également critiquée en raison du risque potentiel pour la vie privée des patients. Bien que ces derniers ne soient jamais identifiés, certains estiment qu’il pourrait être possible de retrouver leur identité en recoupant suffisamment d’informations.
Est-ce une donnée de santé?
La collecte et le traitement de ces précieuses informations personnelles sont encadrées par le Règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur en 2016.
Pour être considéré comme une donnée de santé, celle-ci doit révéler « des informations sur l’état de santé physique ou mentale, passé, présent ou futur de la personne concernée », précise le RGPD. Les informations obtenues « lors du test ou de l’examen d’une partie du corps ou d’une substance corporelle » sont donc des données de santé.
“En regardant le cliché et son commentaire, s’il est possible de déduire l’état de santé de la personne à laquelle l’imagerie correspond, alors ce sera une donnée de santé”, affirme Oriana Labruyère, avocate en droit du numérique, auprès de BFMTV.
Est-il possible d’identifier une personne?
Sur les examens relayés, l’identité – nom et prénom – des patients n’est évidemment pas communiquée. Mais cela n’est pas toujours suffisant pour totalement anonymiser ces données de santé, alerte l’avocate. Les clichés sont souvent publiés avec un contexte médical, une zone géographique, l’âge, le genre du patient ou encore la date de l’examen.
« C’est toute la difficulté. Car selon le RGPD, une donnée personnelle se rattache à une personne identifiée ou identifiable – grâce au croisement de données par exemple », détaille Oriana Labruyère.
Par exemple, une publication Instagram, mise en ligne par un médecin marseillais (109 000 abonnés), affiche la radio d’un nourrisson ayant avalé une pile.
« Imaginez qu’un voisin de la famille suive ce médecin sur les réseaux sociaux, illustre l’avocate. Selon les cas, certaines informations connexes, qui ne sont pas liées directement à l’état de santé de la personne, peuvent permettre d’identifier un patient. »
Si les médecins sont tenus par le respect du secret médical, chaque patient a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant, selon le code civil et le code de la santé publique.
Quels sont les recours?
La question du consentement à la publication est donc primordiale. « Si les patients concernés n’ont pas été avertis, alors c’est problématique », estime l’avocate.
Des sanctions administratives peuvent être ordonnées en saisissant la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), mais aussi des sanctions pénales et civiles en saisissant la justice. « Si un patient n’a pas donné son consentement, alors il lui sera possible de poursuivre le responsable de traitement pour demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi suite à la divulgation de son état de santé », avance l’avocate.
« Il y a un véritable intérêt à informer sur les questions de santé. Mais il faut se demander s’il est pertinent de publier, sur des réseaux sociaux, des examens en intégralité », estime Oriana Labruyère.
Pour les médecins qui souhaitent profiter de leur présence en ligne pour faire de la pédagogie, « il peut être utile d’utiliser des cas cliniques anciens et de privilégier des extraits limités d’examens », conseille la spécialiste.
bfmtv