Depuis deux ans, Ons Jabeur est devenue « Onstoppable », un surnom qui résume la trajectoire, inarrêtable, de celle qui jouera samedi à Wimbledon pour sa première finale d’un tournoi du grand chelem, et qui se veut « une source d’inspiration » pour son pays, le monde arabe et le continent africain. Il faut dire qu’avant la Tunisienne, rares sont les joueurs et joueuses du continent africain à avoir laissé une trace dans l’histoire du tennis mondial. « Je suis une fière femme tunisienne debout ici aujourd’hui », a savouré Jabeur après son succès en demi-finale sur le gazon londonien face à l’Allemande Tatjana Maria (6-2, 3-6, 6-1).
Fierté
Après sa victoire en finale à Berlin à la mi-juin, celle qui est devenue dans la foulée numéro deux mondiale a convaincu le DJ du tournoi de diffuser du rap tunisien. Et même si elle est désormais une célébrité, Jabeur n’oublie pas son pays, actuellement plongé dans une grave crise politico-économique.
Avant Wimbledon, elle a annoncé que son sponsor, Talan Tunisie, un cabinet de conseil en innovation et transformation par la technologie, allait verser 100 euros à chaque fois qu’elle réussirait un ace ou une amortie pendant le tournoi, et ce, pour rénover un lycée d’une région marginalisée du nord-ouest du pays.
L’été dernier, la droitière avait vendu deux de ses raquettes au profit d’hôpitaux locaux alors que la Tunisie était submergée par une vague particulièrement meurtrière de la pandémie de Covid-19. « C’était un devoir pour moi d’aider mon pays », avait-elle expliqué après avoir réuni 27 000 dollars (environ 23 300 euros). Dans un entretien avec l’AFP il y a un an à Tunis, elle se disait « très fière de représenter une nation entière, la Tunisie » aux JO de Tokyo, ainsi que « les Arabes et l’Afrique ».
Des débuts précoces
Née le 28 août 1994 à Ksar Hellal, la joueuse de 1,67 m pour 66 kilos a commencé très tôt le tennis poussée par sa mère à Hammam Sousse, dans la banlieue chic de la station balnéaire de Sousse. Alors qu’elle a trois ans, Ons Jabeur et son club ont pour seuls terrains les courts de tennis des hôtels voisins. Ses entraîneurs se souviennent de sa rage de vaincre et de sa détermination. À 10 ans, elle disait à sa mère qu’elle l’emmènerait « un jour boire un café à Roland-Garros », a raconté son entraîneur de l’époque, Nabil Mlika, 55 ans. « Elle l’a fait, c’est magique ». À 12 ans, la jeune prodige intègre le lycée sportif d’El Menzah à Tunis.
« Ce que l’on voit sur le terrain d’Ons, la guerrière, la combative qui se bat sur tous les points, c’est son caractère depuis toujours », a rappelé fin mai Omar Laabidi, un ancien camarade qui était régulièrement battu par la jeune prodige. Depuis son sacre à 16 ans dans le tournoi juniors de Roland-Garros en 2011, elle a quitté la Tunisie. Mais elle y revient régulièrement avec son entraîneur Issam Jalleli et son mari et préparateur physique Karim Kamoun, tous les deux Tunisiens. En 2017, elle est passée sénior, et depuis plus rien ne l’arrête.
Partie pour marquer l’histoire !
La première fois que Jabeur a crevé l’écran à l’international, c’était à l’Open d’Australie en janvier 2020. À l’époque, elle est 78e mondiale. Elle était devenue la première joueuse d’un pays du monde arabe à se qualifier pour les quarts de finale d’un tournoi du grand chelem. Elle s’était inclinée face à l’Américaine Sofia Kenin, future lauréate du tournoi, mais la promesse était déjà là. En juin 2021, la voilà qui remporte le tournoi WTA 250 de Birmingham, un premier titre sur le circuit principal pour une joueuse maghrébine. L’an passé, en parvenant à atteindre les 8es de finale à Wimbledon, elle est devenue « Onstoppable » pour les internautes tunisiens, un jeu de mots entre son prénom et « unstoppable », « inarrêtable » en anglais. À l’AFP, elle a expliqué avoir « gagné en expérience et confiance » à partir de l’Open d’Australie. « Les autres joueuses ont commencé à avoir peur de jouer contre moi », a-t-elle indiqué, ajoutant : « Ma façon de jouer reflète ma personnalité. »
À Wimbledon, elle a confirmé son goût pour un jeu audacieux, plein de « changements de rythme ». Dans sa chronique pour la BBC, elle a avancé : « Je n’aime pas beaucoup la routine. J’aime m’amuser et sourire. Je veux vraiment profiter de ces moments, sur et en dehors du court. » Au-delà de sa finale à Wimbledon, Jabeur a un message à l’endroit de la jeunesse tunisienne : « Rien n’est impossible. » Et de conclure : « Durant ma carrière, nombreux sont ceux qui ont douté de mes capacités à arriver à ce niveau. Ma confiance en moi et mon travail m’ont permis d’avancer. »
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