La situation reste incertaine au Sri Lanka après les manifestations qui ont poussé le président Rajapaksa à annoncer sa démission prochaine. Des éléments pour comprendre comment le pays s’est retrouvé dans cette situation.
Le Sri Lanka plongé dans l’incertitude. Le mouvement de protestation contre la crise économique qui fait rage depuis des mois le Sri Lanka où le président Gotabaya Rajapaksa a promis samedi de démissionner après l’invasion de sa résidence. Une crise sans précédent depuis l’indépendance en 1948 de cette île de 22 millions d’habitants.
À l’origine des manifestations, l’effondrement de l’économie sri-lankaise. Le secteur du tourisme, vital pour l’économie de l’île, a subi le contrecoup des attentats jihadistes d’avril 2019 contre des églises et des hôtels (279 morts dont 45 étrangers), puis de la pandémie de Covid-19.
• Pénuries
Les plus importantes réductions d’impôts de l’histoire de l’île, octroyées par Gotabaya Rajapaksa à son accession à la présidence, ont également vidé les coffres, et le Sri Lanka s’est retrouvé sans devises suffisantes pour importer ce dont il a besoin, que ce soit de la nourriture, des médicaments ou des combustibles.
Malgré une aide de l’Inde et d’autres pays, en avril 2022 le pays fait défaut sur le paiement de sa dette extérieure de 51 milliards de dollars, et cherche un renflouement auprès du Fonds monétaire international.
Conséquences, les Sri Lankais vivent depuis des mois avec des pénuries alimentaires et de médicaments, des coupures d’électricité faute de combustible pour les centrales, et une pénurie d’essence qui limite les déplacements.
L’inflation galopante (55 % sur le seul mois de juin) rend les rares choses qu’on peut encore trouver inaccessibles pour une grande partie de la population.
Le risque d’une crise humanitaire
Les Nations unies ont averti que le pays était en danger de grave crise humanitaire, avec plus des trois quarts de la population ayant déjà dû réduire leur alimentation.
À son accession à la présidence, Gotabaya a nommé son frère Mahinda au poste de Premier ministre mais ce dernier a dû démissionner en mai après de très violents affrontements entre forces de l’ordre et manifestants.
Gotabaya Rajapaksa, 73 ans, président depuis 2019, est membre d’un clan qui domine la vie politique sri-lankaise depuis des décennies. Son frère Mahinda, 76 ans, le chef charismatique du clan, a été auparavant le président du pays une décennie durant, jusqu’en 2015. Il a considérablement endetté le pays, auprès de la Chine surtout envers laquelle d’énormes dettes ont été contractées pour financer des projets d’infrastructure faramineux et entachés de soupçons de corruption.
Mahinda est adulé par la majorité ethnique cinghalaise pour avoir écrasé en 2009 la guerilla des Tigres tamouls, mettant fin à 37 ans de guerre civile. Gotabaya – surnommé « Terminator » – était alors son principal lieutenant, occupant le poste influent de secrétaire du ministère de la Défense et contrôlant les forces armées et la police.
Démission à venir du Premier ministre
Après des mois de manifestations, en mai des partisans du président s’en sont pris violemment aux manifestants. Neuf personnes ont été tuées et des centaines blessés dans ces affrontements, qui ont provoqué la démission du Premier ministre, Mahinda Rajapaksa.
Celui-ci a toutefois réussi à s’accrocher au pouvoir, nommant à la tête du gouvernement un vétéran de la politique, Ranil Wickremesinghe, jusqu’à samedi. Samedi 9 juillet, les manifestants, après l’avoir obligé à fuir le palais présidentiel qu’ils ont pris d’assaut, ont également mis le feu à sa maison (dont il était absent). Il a alors annoncé son intention de démissionner la semaine prochaine.
Et maintenant ? Le Parlement aura alors légalement un mois pour choisir son successeur. Mais le président du Parlement a promis une décision d’ici la fin de la semaine.
Une promesse peut être difficile à tenir, car pour l’instant personne parmi les parlementaires ne semble en mesure d’obtenir un soutien suffisant.
« Nous nous dirigeons vers une période d’incertitude dangereuse », a déclaré à l’AFP un député tamoul, Dharmalingam Sithadthan. « Gota aurait dû démissionner tout de suite, pour qu’on évite une vacance du pouvoir ».
AFP