De nouvelles technologies de forage pourraient ouvrir de nouvelles portes à la géothermie et bouleverser toute l’industrie de l’énergie.
La géothermie fait déjà partie de ces technologies qui permettent de fournir de grandes quantités d’énergie sans brûler la moindre ressource fossile, et sans la moindre émission de gaz à effet de serre. Mais ses applications sont malheureusement limitées à des zones géographiques bien précises pour l’instant.
Pour faire passer la géothermie à la vitesse supérieure, il faut donc trouver un moyen efficace de percer la croûte, voire le manteau terrestre bien plus profondément. Le défi d’ingénierie est énorme, mais le jeu en vaut la chandelle ; avec cette approche, il serait possible d’exploiter une quantité d’énergie géothermique phénoménale susceptible de révolutionner toute l’industrie de l’énergie.
Un micro-ondes high tech pour vaporiser la roche
Et c’est là qu’intervient Quaise, une entreprise satellite du prestigieux MIT. Sur la base des travaux de l’ingénieur Paul Woskov, elle a développé un concept basé sur un gyrotron. C’est un appareil déjà utilisé dans de nombreuses filières industrielles pour chauffer des matériaux à distance, notamment dans le cas d’expériences sur la fusion nucléaire.
L’idée est très simple sur le papier : elle consiste à utiliser des gyrotrons très puissants pour chauffer la roche jusqu’à ce qu’elle soit vaporisée sur place. Cette technique pourrait permettre de creuser des puits géothermiques extrêmement profonds — l’entreprise parle même des trous les plus profonds jamais forés !
Pour l’instant, il ne s’agit encore que d’un concept. Même si la technologie sur laquelle il repose semble déjà mature, c’est une autre histoire de l’implémenter en conditions réelles. Et c’est précisément ce que Quaise va tenter de faire grâce à une subvention du Département de l’Énergie américain.
D’ici la fin de l’année, elle va tester son premier prototype. L’objectif sera de creuser un trou « dix fois plus profond » que Woskov lors de ses travaux en solitaire (ce chiffre n’a pas été dévoilé). Elle passera ensuite à un second puits, cette fois 100 fois plus profond que l’original.
Cette étape n’est pas attendue avant 2024 puisqu’elle nécessitera de gros efforts de modélisation. Mais si Quaise passe ce cap, la firme aura alors toutes les armes en main pour aborder la dernière ligne droite.
À terme, l’entreprise veut réinvestir des centrales désaffectées. Elle pourra ainsi réutiliser l’infrastructure déjà existant; de quoi donner une seconde vie à ces bâtiments. À ce stade, il suffirait de convertir le reste des équipements, puis de creuser jusqu’à une profondeur de 20 km environ — là où la température atteint systématiquement plusieurs centaines de degrés.
Un concept balbutiant mais vraiment prometteur
Il serait alors possible de faire sauter les limites géographiques de la géothermie. « Nous croyons qu’en forant jusqu’à 20 km, nous pourrons accéder à ces températures extrêmes à partir de 90 % de la planète », affirme le communiqué du MIT.
Et il ne s’agit pas seulement de disponibilité. Le fait d’avoir accès à des températures pareilles en permanence permettrait de produire une quantité d’énergie très importante qui pourrait même rivaliser avec les centrales traditionnelles.
« À ces températures, nous produisons une vapeur dont la température est très proche, voire supérieure à celle que l’on trouve dans des centrales à charbon ou à gaz », explique le communiqué.
Selon les chercheurs, il s’agit aussi d’une approche pérenne. Une fois qu’elle sera mature, elle pourrait remplacer la quasi-totalité du charbon à l’échelle mondiale et satisfaire les besoins en énergie des humains pendant « des millions d’années ».
Cette fois, c’est la bonne ?
Évidemment, nous en sommes encore loin. Pour l’instant, la technologie de forage en elle-même n’est même pas encore totalement au point. Une fois qu’elle le sera, il faudra aussi déterminer son impact environnemental. Il faudra ensuite développer de nouveaux équipements pour exploiter ces puits à la profondeur exceptionnelle, ce qui sera tout sauf simple.
Malgré tout, le MIT se montre optimiste et estime que les premiers résultats pourraient arriver très rapidement. Les bases technologiques sont déjà bien en place et il ne reste plus qu’à tout intégrer dans un même système performant et fiable. « Si nous arrivons à résoudre ces problèmes d’ingénierie, je pense que nous aurons une centrale opérationnelle d’ici cinq ou six ans », affirme le père du concept.
Cela rend cette technologie particulièrement intéressante dans le contexte actuel. « Nous avons fait des progrès incroyables sur les énergies renouvelables ces dernières années, mais dans l’ensemble, nous n’allons toujours largement pas assez vite pour remplir les objectifs qui permettront de limiter l’impact du réchauffement climatique » expliquent les chercheurs. L’arrivée d’une telle technologie serait assurément un grand pas dans cette direction.
Il convient toutefois de prendre toutes ces promesses avec des pincettes. Comme toujours dès qu’une institution dévoile une source d’énergie révolutionnaire. Après tout, ce n’est pas un hasard si les travaux de Woskov ont longtemps fait du surplace; le défi technique est énorme. Mais cette approche dispose d’un potentiel si important qu’elle mérite dans tous les cas d’être explorée. Nous vous donnons donc rendez-vous d’ici quelques années pour voir si ces recherches seront passées du concept à la réalité.
MIT