Les sénateurs ont remis mercredi leur jugement pour déterminer les responsabilités du fiasco sécuritaire de la finale de la Ligue des champions au Stade de France. Le rapport pointe un « enchaînement de dysfonctionnements » et de « défaillances dans la préparation ».
Spectateurs sans billets escaladant les grilles du stade, d’autres munis de tickets mais ne pouvant y entrer, familles aspergées de gaz lacrymogènes par la police ou vols et agressions commis par des délinquants opportunistes : le Sénat a rendu mercredi 13 juillet son jugement pour déterminer les responsabilités du fiasco sécuritaire de la finale de la Ligue des champions au Stade de France.
Le sénateur Laurent Lafon, président de la commission culture, a évoqué « un enchaînement de dysfonctionnements » pour expliquer les incidents du 28 mai, évoquant des « défaillances » aussi bien « dans l’exécution » que dans la « préparation » de l’évènement. « Chacun était dans son couloir sans qu’il y ait une véritable coordination », a également expliqué le sénateur lors d’un point-presse présentant le rapport sénatorial sur cette soirée.
Ce rapport préconise une quinzaine de mesures dont celle d' »imposer aux opérateurs » de conserver les images de vidéosurveillance « pendant la durée légale d’un mois » ou encore de « rendre obligatoire le recours à des billets infalsifiables ». Pour Laurent Lafon, si « la gestion de la billetterie a été inadaptée », elle « ne peut en aucun cas être considérée comme la cause unique ou comme la cause des incidents ».
Excuses
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui avait rapidement incriminé les supporteurs anglais de Liverpool avant de présenter ses excuses pour les dysfonctionnements, avait affirmé lors de son audition devant les sénateurs que près de « 35 000 » supporteurs munis de billets falsifiés ou sans billets s’étaient présentés ce soir-là au Stade de France. « Plusieurs billets ont été dupliqués des centaines de fois », avait-il ajouté.
« Cet échec tient aux décisions prises par la préfecture de police de Paris », a souligné François-Noël Buffet (LR), le président de la commission des Lois lors de ce point presse.
Le sénateur (LR) Michel Savin a lui dénoncé dans un communiqué « l’attitude du ministre de l’Intérieur » lors des auditions qui, selon lui, « n’aura pas permis à notre commission de comprendre parfaitement ce qui s’est passé. »
Ce devait être une vitrine à un peu plus d’un an de la Coupe du monde de rugby et avant les Jeux olympiques d’été dans deux ans, mais le match du 28 mai entre le Real Madrid et Liverpool a viré au cauchemar pour les forces de l’ordre et le gouvernement. Mais l’organisation de la rencontre fut un « fiasco », ont d’ores et déjà dénoncé les sénateurs, qui présenteront leur rapport d’information sur la gestion de ces incidents à midi.
Contradictions
« Tous les enseignements doivent être tirés pour l’organisation des prochaines échéances sportives internationales », ont averti les élus, emmenés par les présidents de la commission des Lois, François-Noël Buffet (LR), et de la commission de la Culture, Laurent Lafon (centriste).
« Les différentes auditions ont mis en avant des contradictions entre les différentes personnes entendues », a déclaré à l’AFP le sénateur LR Michel Savin, président du groupe d’études consacré aux grands événements sportifs, qui avait demandé une commission d’enquête.
« On a vu aussi des dysfonctionnements dans la communication, dans l’information », a-t-il ajouté, assurant que le travail du Sénat avait « permis de mesurer tous les points qui ont dysfonctionné et qu’il faut corriger pour être en capacité de renvoyer une bien meilleure image ».
Parmi les personnes auditionnées par les sénateurs depuis le 1er juin : des responsables d’instances sportives, des représentants des supporters de Liverpool et les autorités françaises, dont le controversé préfet de police de Paris Didier Lallement, annoncé sur le départ, et le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Excuses
Ce dernier a été au cœur des critiques en faisant porter l’essentiel de la responsabilité des incidents sur « 30 000 à 40 000 supporters anglais » qui, a-t-il affirmé contre la plupart des observateurs sur place, s’étaient présentés au stade « sans billet ou avec des billets falsifiés ».
Les explications de Gérald Darmanin ont aussi été battues en brèche par l’UEFA, qui n’a comptabilisé que 2 600 faux billets aux tourniquets.
Et si l’instance européenne du football a indiqué aux sénateurs qu’elle ne savait pas combien exactement de supporters dépourvus de billets s’étaient rendus aux abords du Stade de France, elle « ne croit pas que c’était le chiffre mentionné en France ».
« Si Darmanin n’avait pas menti, il n’y aurait pas eu d’affaire », a estimé François-Noël Buffet (LR) dans un entretien accordé au quotidien Le Progrès au début du mois.
« Faute grave »
Au-delà de la gestion policière des incidents, la polémique s’est aussi nourrie de la non-conservation d’une partie des images de vidéosurveillance du Stade de France, qualifiée de « faute grave » par le sénateur Buffet.
En parallèle des travaux du Sénat, le délégué interministériel aux JO et aux grands événements, Michel Cadot, a épinglé dès le 10 juin, dans un premier rapport remis à la Première ministre Elisabeth Borne, les « défaillances » de l’organisation et de la réponse policière aux incidents qui ont, selon lui, porté « un grave préjudice à l’image de la France ».
Sans attendre le verdict des sénateurs, Elisabeth Borne a déjà chargé les ministres de l’Intérieur et des Sports de « mettre en œuvre sans délai » les recommandations du rapport Cadot.
Avec AFP