Depuis la crise du Covid-19, un tiers des Français ayant des idées suicidaires passent à l’acte

C’est le taux de passage à l’acte le plus élevé relevé dans cinq pays européens, alerte la Fondation Jean Jaurès, et bien plus élevé qu’avant la crise du Covid-19.

A mesure que le temps passe, les enquêtes confirment que le triste bilan du Covid-19 est loin de s’être limité aux symptômes et décès causés par l’infection. Le confinement, s’il a sauvé des vies, a également pesé sur une crise financière et une baisse de moral générale, allant parfois jusqu’aux tentatives de suicide. En Europe, la France est le pays où le taux de passage à l’acte est le plus élevé parmi les personnes ayant des idées suicidaires, révèle un nouveau rapport de la Fondation Jean Jaurès. A la fin janvier 2022, 30% des Français ayant des pensées suicidaires passent à l’acte, contre 8.5% en 2017 d’après Santé Publique France.

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“On sait depuis plus d’un siècle que les crises économiques et sociales aggravent les risques suicidaires dans la société”, affirme le professeur émérite de médecine légale et psychiatre Michel Debout, membre fondateur de la Fondation Jean Jaurès, auteur du rapport et spécialiste de la question des suicides en France. “Cela a été confirmé lors de la Grande Crise de 1929, avec un taux de morts par suicide beaucoup plus élevé dans les deux à trois années qui ont suivi, mais aussi pour la crise de 2008.” La crise Covid n’est pas différente, argumente-t-il dans le rapport. Car si la maladie physique – le Covid-19 – a focalisé tous les efforts des pouvoirs publics, la maladie mentale en revanche a été largement négligée.

L’isolement, moteur de la dégradation de la santé mentale
“À la suite du premier confinement en mars 2020, la population française a subi une succession de périodes obligeant à l’isolement, à la rareté des échanges et surtout à vivre sous la menace permanente d’un risque infectieux”, écrit Michel Debout. Un “climat anxiogène” de “mort qui rôde” que l’arrivée du vaccin n’estompe pas tout à fait. Effectivement, l’enquête réalisée au niveau européen par la Fondation et l’IFOP rapporte que 40% des Français disent se sentir plus déprimés qu’avant la crise. Un chiffre équivalent à celui de l’Espagne et de la Suède, mais moins élevé que l’Irlande, la Pologne et l’Allemagne – des pays comparateurs choisis pour leurs fortes ressemblances ou au contraire différences sociales et sanitaires avec le nôtre.

Deux populations sont particulièrement touchées : les jeunes et ceux dont la situation professionnelle est compliquée, que ce soit en raison d’un travail toxique ou d’une situation de chômage. Le recours au télétravail exclusif pendant deux ans a d’ailleurs contribué, au point que 55% d’entre elles ont signalé une aggravation du sentiment de déprime et 36% ont déclaré avoir sérieusement envisagé de se suicider.

Un tiers des Français ayant des pensées suicidaires passent à l’acte
S’il est encore trop tôt pour évaluer l’effet de la crise du Covid-19 sur le nombre de morts par suicide, le taux de pensées suicidaires et de tentatives de suicide est un premier indicateur. Par rapport aux cinq autres pays examinés, la France a plutôt un bas taux de pensées suicidaires, puisqu’elles concernent 20% de la population, à peu près comme l’Espagne, contre environ 25% pour la Suède, la Pologne et l’Allemagne, et 34% en Irlande. En revanche, parmi les personnes ayant ces pensées suicidaires, “nous avons au contraire le taux de passage à l’acte le plus élevé”, alerte Michel Debout. La France affiche ainsi 30% de passage à l’acte, comme la Pologne, soit bien plus que les 19 (Espagne) à 25% (Irlande, Suède) des autres pays. “Or, c’est justement ce risque de passage à l’acte qu’on veut éviter par la prévention”, ajoute-t-il, appuyant sur les défaillances de notre politique de prévention.

La France, en retard sur la prévention des suicides
30% de passage à l’acte c’est “énorme, je ne pensais pas en lançant l’enquête que nous en serions là”, regrette Michel Debout. Pour lui, ce taux illustre le retard de la France dans les politiques de prévention du risque suicidaire. Le problème ne date pas d’hier. “En 1993, j’ai écrit un rapport demandant la création d’un observatoire des décès par suicides, comme il en existait depuis des décennies dans d’autres pays… Mais il n’a été créé que 20 ans après, en 2013 !”, relate l’expert en médecine légale. En cause, un mélange de culture et de religion créant un tabou autour de la question du suicide. “On ne peut pas prévenir ce dont on ne parle pas”, pointe Michel Debout.

Ce retard français ne cesse de se creuser, alerte-t-il. Alors que les politiques publiques ont massivement financé le 3114, numéro national de prévention du suicide, au détriment des associations régionales de terrain. “La prévention du suicide nécessite une réponse de proximité”, affirme Michel Debout, qui intervient en présence des personnes concernées et de leurs familles. “Tous les moyens sont allés au numéro national, mais rien aux associations locales. Si l’appelant a besoin de voir quelqu’un, il lui faut pourtant aussi une association de proximité.” Ce manque de moyens et de capacité pour prévenir les passages à l’acte en France pourrait évidemment entraîner l’augmentation du risque suicidaire, déplore-t-il, appelant à considérer la santé psychologique de la population comme une grande cause nationale, une priorité de santé publique.

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