Dans les travées de la base militaire de Ouallam, non loin de la frontière malienne, des légionnaires français en képi blanc se mêlent aux soldatsnigériens. Mais seul le drapeau du Niger flotte sur la place d’armes.
« Tous les matins quand on passe devant le lever des couleurs, on s’arrête pour saluer devant le drapeau nigérien. Il n’y a pas le nôtre », décrit le lieutenant Nicolas (la majorité des militaires français ne sont citables que par leur prénom), déployé à Ouallam depuis une semaine avec ses camarades du 2e Régiment d’infanterie étrangère (2eREI).
C’est depuis cette emprise posée sur un terrain rouge brun que l’état-major nigérien planifie et pilote les opérations antijihadistes des forces armées (FAN) à proximité de la frontière malienne, avec l’appui de 300 fantassins français.
Les Nigériens, qui s’inquiètent du vide sécuritaire que pourrait créer à la frontière le départ français du Mali, viennent de consentir à ce que les militaires tricolores soient co-localisés sur leur base de Ouallam.
« A terme, nous avons l’ambition d’avoir un nombre suffisant de militaires et de moyens aériens pour assurer notre propre sécurité. Ce n’est pas encore le cas. Nous avons besoin de partenaires pour monter en puissance », justifie le ministre nigérien de la Défense, Alkassoum Indattou, venu à Ouallam avec son homologue français Sébastien Lecornu.
Poussée hors du Mali par une junte hostile après neuf ans de présence, l’armée française entend poursuivre au Sahel la lutte contre les jihadistes, notamment au Niger voisin. Mais à bas bruit et en deuxième ligne, pour éviter de prêter le flanc à un sentiment anti-français aisément inflammable dans la région.
« Pour réussir notre mission, nous devons nous caler sur ce que veut le Niger », rappelle M. Lecornu devant les légionnaires, sous une température tutoyant les 45 degrés.
Crise alimentaire
Fruit des leçons d’un passé pas si lointain, où la France menait seule des opérations au Mali, la discrétion est le nouveau mot d’ordre des militaires français au Sahel. A l’image du campement spartiate en cours de montage à Ouallam, dans un coin de la base, derrière une zone où les FAN stockent un monceau de carcasses de véhicules endommagés, faute de pièces de rechange.
Sous une petite tente couleur sable, le Centre opérations du 2eREI occupe une place centrale. Sur une forêt d’écrans, des officiers suivent en temps réel une opération de reconnaissance en cours, sous commandement nigérien.
Ce matin, les moyens de renseignement français ont contribué à la capture par les Nigériens de deux individus suspects. « Nous leur apportons les capacités dont ils manquent. Mais eux ont une parfaite connaissance du terrain et de l’ennemi. Ce sont des enfants de ces terres », fait valoir un gradé français.
Autour des tentes qui accueillent les lits de camp des légionnaires, des pelleteuses s’affairent pour déblayer le terrain. « C’est la future zone vie de ceux qui sont en opérations en ce moment », explique le commandant Arnaud.
Un modeste carré recouvert d’une bâche kaki sert de coin-repas. En face, quatre douches de campagne et deux rangées de lavabos en plein air.
A quelques pas, un hangar abrite l’atelier de maintenance des véhicules de l’avant-blindé (VAB), des blindés légers et des camions français, mis à rude épreuve en cette saison des pluies.
Soucieuse de rendre moins visible son engagement militaire en Afrique, la France souhaite en parallèle valoriser davantage ses actions d’aide économique et humanitaire.
Dans le village déshérité de Simiri, près de Ouallam, une foule de femmes et de jeunes enfants sont rassemblés dans un centre de lutte contre la malnutrition infantile financé par Paris.
« Nous sommes dans une année de crise alimentaire sans précédent », avertit Jean-Noël Gentile, du Programme alimentaire mondial (PAM). « Si on connaît une deuxième saison des pluies insuffisante, ce sera une catastrophe » dans cette zone déjà fragilisée par la menace jihadiste, assure-t-il. Quelque 4,4 millions de personnes vivent dans l’insécurité alimentaire au Niger.
« Il nous faut marcher sur nos deux jambes pour relever dans la durée les défis que rencontrent le Niger et plus largement le Sahel », en combinant les efforts sécuritaires et de développement, insiste la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, elle aussi venue témoigner son soutien au Niger.
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