« Chaque geste compte », déclaraient tout récemment TotalEnergies, Engie et EDF, dans une tribune commune en faveur de la sobriété énergétique. Le président de la République et son gouvernement semblent les avoir entendus.
Il y a moins de deux ans, Emmanuel Macron balayait d’un revers de main la question de la sobriété en se moquant de ce qu’il qualifiait alors de « modèle Amish ». En contribuant à accélérer l’envolée des prix de l’énergie et en faisant peser sur le pays des menaces de pénuries pour l’hiver prochain, la guerre en Ukraine a considérablement rebattu les cartes. Interviewé mercredi 14 juillet sur TF1 et France 2, le président de la République a, en effet, placé le sujet en tête de ses préoccupations, invitant chacun à « une mobilisation générale » pour « entrer collectivement dans une logique de sobriété ». Nous devons aujourd’hui nous préparer à nous passer en totalité du gaz russe, a-t-il annoncé, en écho aux déclarations de Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, la veille, face à la commission des affaires économiques du Sénat.
Le 26 juin dernier, fait inhabituel, les trois grands énergéticiens français, TotalEnergies, Engie et EDF, avaient eux-mêmes publié une tribune commune dans le Journal du dimanche, appelant « à une prise de conscience et à une action collective et individuelle pour que chacun d’entre nous – chaque consommateur, chaque entreprise – change ses comportements et limite immédiatement ses consommations énergétiques, électriques, gazières et de produits pétroliers ». Une démarche nécessaire, selon ces derniers, pour leur redonner des marges de manœuvre. « Nous en aurons besoin pour gérer les futures pointes de consommation et pour amortir les aléas techniques ou chocs géopolitiques que nous pourrions devoir affronter », précisaient-ils.
De premiers plans en gestation
S’ils écartent a priori les risques de délestage, l’hiver prochain, et se veulent rassurants en termes de sécurisation et de stockage des approvisionnements, de gaz notamment, les énergéticiens ne cachent pas non plus la précarité de leurs équilibres, fragilisés par la mise à l’arrêt d’une grande partie du parc nucléaire français. « Cet été, la France importe de l’électricité, ce qu’elle n’a pas fait l’été dernier », soulignait par exemple la directrice générale d’Engie, Catherine MacGregor, devant cette même commission du Sénat. Pour la dirigeante, la part de ces importations et de l’électricité produite à partir de gaz grimperait aujourd’hui à 15 %.
Ces appels ont manifestement été entendus. Dès le 29 juin, en cohérence avec sa volonté d’établir un plan « sobriété énergétique », susceptible de réduire de 10 % en deux ans les consommations d’énergie de l’économie, le gouvernement lançait son premier groupe de travail sur ce thème, à l’intention de tous les établissements et services de l’État. Suivait un second groupe de travail sur les entreprises, le 1er juillet, puis un troisième consacré aux établissements recevant du public et aux grandes surfaces commerciales, le 6 juillet. Ces trois « cibles » ont été conviées à préparer un plan approprié, « dès cet été », basé sur l’exemplarité et la responsabilité, a expliqué Emmanuel Macron, sans plus de détails, mais en évoquant notamment le gaspillage lié aux éclairages inutiles, le soir.
Les grands groupes mobilisés
Sensibilisation des collaborateurs à l’appui, TotalEnergies et Engie assurent d’ores et déjà se mobiliser pour réduire leur propre consommation d’énergie. Le pétrolier consacrerait même 1 milliard d’euros à cet objectif. Mais EDF et Engie comptent surtout sur leurs offres de pilotage, encore à démocratiser, pour améliorer le bilan de leurs clients : à raison de 5 % d’économies en moyenne, assure le premier, et jusqu’à 15 %, avance le second. EDF mise aussi sur la solution de « l’effacement » pour lisser les consommations en période de pointe et éviter le recours aux fossiles. À ce jour, seuls 10 millions de clients auraient souscrit une telle offre. Tout en réfléchissant au moyen de récompenser les écogestes. Engie, enfin, investit dans le développement des réseaux locaux d’énergie, dans l’accompagnement des entreprises en termes de décarbonation de leurs activités et dans la production durable d’eau chaude. Laquelle représenterait encore, selon Catherine MacGregor, 15 % de la consommation d’énergie.
Les ENR toujours au programme
En parallèle, Emmanuel Macron a confirmé son souhait d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables (ENR) en faisant voter, là encore dès cet été, une loi en faveur de la réduction des délais d’autorisation des projets. Une décision largement soutenue par les producteurs concernés, mais aussi par les grands énergéticiens historiques, très favorables à l’idée d’un mix diversifié. Parmi les solutions mises en avant par ces trois groupes figure sans surprise le biométhane, dont ils soulignent tous le potentiel important. « Un soir d’hiver en France, le réseau gazier fournit l’équivalent de 1,3 à 1,5 fois la puissance électrique installée. La France sans gaz, cela voudrait dire qu’il faudrait plus que doubler la puissance électrique existante aujourd’hui. Ce n’est pas raisonnable », insiste Catherine MacGregor. La directrice générale d’Engie encourage ainsi « tout ce qui permet d’accélérer les permis et les autorisations de ces projets. Il y en a pas mal dans les tuyaux et je pense que l’on peut avancer relativement à court terme. La France est en avance, il faut y aller. »
La planification plus que jamais d’actualité
Pour mener à bien la transition énergétique, les énergéticiens recommandent par ailleurs une meilleure planification des ENR. « On ne peut pas continuer à faire cela de manière émotionnelle, en désordre, estime Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies. Il faut repenser ce sujet en planifiant l’espace avec les régions et les territoires. » Afin de de ne pas perdre des années en procédures « inefficaces » et qui « mitent le territoire », celui-ci verrait bien la création de grands « vrais parcs » éoliens terrestres, pensés comme les grandes zones industrielles.
Autant de directions bonnes « pour le climat et pour notre souveraineté », souligne le chef de l’État, d’ailleurs en accord avec le paquet européen Fit-for-55. Ces efforts ne devront cependant pas se relâcher trop tôt. Non seulement parce que la guerre en Ukraine pourrait durer encore longtemps, mais aussi parce que la production nucléaire ne devrait pas revenir à sa pleine capacité avant 2024 ou 2025. Une situation qu’Emmanuel Macron semble désormais appréhender pleinement. « Les crises doivent toujours nous apprendre », remarque-t-il.
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