Tout n’est pas qu’une question de température. L’humidité qui accompagne la chaleur joue, le temps d’exposition aussi, et bien sûr l’état de santé de la personne concernée.
Les vagues de canicule se multiplient, en France, et partout dans le monde. En cause, le réchauffement climatique, qui accentue le nombre d’événements météorologiques extrêmes. Cette semaine encore, les températures vont grimper au-dessus des 35 °C dans plusieurs régions de France, notamment dans le Sud-Ouest. L’occasion de se demander : quelle température peut supporter le corps humain ? Étant homéothermes, notre température corporelle doit rester constante, et avoisiner les 37 °C. Mais, en pratique, nous ressentons les effets de la chaleur bien avant que l’air atteigne cette température. Au-delà d’une certaine limite, notre corps n’évacue plus aussi facilement la chaleur qu’il produit : c’est là que la sensation de chaud arrive. Une étude de 2010 plaçait cette limite aux alentours des 35 °C pour 100 % d’humidité, mais un nouveau projet de l’université de Penn State, PSU H.E.A.T Project, dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue International Journal of Biometeorology, remet cette valeur en question.
Un problème à plusieurs facteurs
Plutôt qu’une température donnée au-dessus de laquelle le corps lâche, c’est une réponse à plusieurs facteurs. Il y a la température bien sûr, mais aussi l’humidité qui l’accompagne, la durée d’exposition d’une personne et son état de santé. Une personne de 80 ans, même en bonne santé, ne résistera pas aussi bien à 40 °C qu’une personne de 25 ans avec une bonne condition physique. L’étude sortie en 2010 avait placé le seuil limite de tolérabilité à 35 °C pour un taux d’humidité de 100 %, c’est-à-dire une « température humide » de 35 °C, et 46 °C pour un taux d’humidité de 50 %. Rappelons que ce taux représente le rapport entre la quantité de vapeur d’eau dans l’air, et la quantité maximale de vapeur d’eau que peut contenir l’air. Ainsi, à 100 %, il n’est plus possible de rajouter de vapeur d’eau dans l’air, donc la transpiration ne s’évapore pas : impossible de réguler sa température de cette façon.
Mais le nouveau projet mené par l’université Penn State est, d’une certaine façon, encore plus alarmant. L’équipe a évalué à partir de quelle température nous ne sommes plus capables d’effectuer les tâches du quotidien, comme la cuisine ou la marche de courte durée. Les chercheurs ont pour cela « amené de jeunes hommes et femmes en bonne santé au laboratoire Noll de la Penn State University pour qu’ils subissent un stress thermique dans un environnement contrôlé », décrit leur communiqué. Chaque personne a ensuite avalé une vidéo-capsule, qui permet de surveiller la température interne du corps, puis a simulé une journée comme une autre dans une salle où la température et le taux d’humidité étaient régulés. En augmentant petit à petit la température et l’humidité de l’air et en regardant le moment où la température interne du corps commence à grimper, les chercheurs sont parvenus à évaluer une nouvelle limite du corps humain.
Les diagrammes de compensation établis par les chercheurs pour deux scénarios : MinAct (activité minimale de la vie quotidienne, en pratique vélo sans forcer) et LightAmb (activité ambulatoire légère, en pratique marche avec une pente de 3 %). Les régions vertes dans chaque diagramme représentent des combinaisons de température et humidité relative où le stress thermique est entièrement compensable. Les régions rouges représentent des scénarios totalement incompensables. Les régions jaunes représentent une zone de transition ou de « danger » entre les deux modes de compensation. .
31 °C pour 100 % d’humidité, ou 38 °C à 60 % d’humidité
Et leurs résultats sont plus faibles que ceux de la dernière étude. On passe ainsi de 35 °C à 100 % d’humidité, à 31 °C. Et pour 60 % d’humidité, ce n’est plus 45 °C, mais 38 °C qui constitue la limite du corps humain. Au-delà de ces associations température-humidité, les mécanismes de régulation de la température ne fonctionnent plus parfaitement, et l’exposition ne doit pas durer plus que quelques heures. Tout est dicté, à la base, par notre hypothalamus, situé au cœur du cerveau humain. Il sert de régulateur pour de nombreuses fonctions, dont la température corporelle. Lorsque ce « thermostat naturel » détecte un échauffement interne du corps, il déclenche des actions de régulation. La transpiration notamment, mais qui nécessite de boire beaucoup d’eau pour compenser la perte. Mais aussi l’augmentation du débit sanguin cutané, qui permet d’évacuer de la chaleur par rayonnement, à travers la peau. Le cœur humain doit donc pomper plus fort pour permettre cette augmentation de débit.
En pratique, les températures indiquées dans l’étude ne sont pas atteintes pour l’instant en France : lorsque les températures grimpent, le taux d’humidité ne dépasse pas les 30 %, voire 40 %. Mais dans d’autres pays où le climat est bien plus humide, comme l’Inde et le Pakistan qui ont connu une vague particulièrement meurtrière de canicule en mai 2022, le risque est réel. Car dans le cas où la régulation ne fonctionne plus, la personne risque littéralement de mourir de chaud. Et tout le monde n’est pas égal face à cela. Ainsi, à l’avenir, l’équipe compte mener une étude similaire, mais cette fois sur des personnes plus fragiles face à la chaleur : les personnes âgées.
FUTURA