Il y a 7 mois, le président Macky Sall était particulièrement remonté contre les puissances européennes. Mais la guerre entre l’Ukraine et la Russie lui offre une belle revanche.
La nouvelle venue de Glasgow était tombée sur la tête de Macky Sall comme un coup de massue à l’issue de la 26ème Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (Cop 26) en novembre 2021. Les grandes puissances, notamment l’Europe, avaient décidé de ne plus financer des énergies fossiles comme le pétrole et le gaz. Président d’un pays à la porte du cercle restreint des pays producteurs de gaz, Macky Sall a dû croire à un cauchemar aux premières heures de l’annonce. Il laissera ensuite éclater sa colère.
Mais 7 mois après, la courbe s’est totalement renversée. Les grandes puissances reviennent en force au pétrole, au gaz, au nucléaire et même au charbon. En effet, l’évasion de l’Ukraine par la Russie va révéler aux Européens combien ils dépendent du gaz russe pour leur approvisionnement en énergie. Afin de réduire cette dépendance, ils décident de faire feu de tout bois.
Fini donc les ambitions de ramener la température à 1,5° d’ici 2050. Au contraire, l’ensemble mesures prises actuellement concourt non seulement à maintenir le niveau de réchauffement actuel, mais à l’augmenter. La priorité accordée aux changements climatiques a disparu comme par enchantement, face à la volonté des Occidentaux de se libérer de la Russie. Il s’agit bien là d’une préoccupation climatique à géométrie variable.
En effet, ce sont ces mêmes pays qui, sous prétexte de limiter la température, avaient décidé de ne plus financer le gaz, mettant le chef de l’Etat sénégalais dans tous ses états. Lui qui compte non seulement produire l’électricité du pays à partir du gaz (gas to power), mais aussi remplir les caisses de l’Etat à compter de 2023, début de la production. Pendant des mois, Macky Sall a utilisé toutes les tribunes qui lui ont été offertes pour plaider la cause de l’Afrique, celle du Sénégal en particulier.
Macky dans tous les fronts
D’abord lors du Forum de Paris en novembre. “Il est inconcevable et incompréhensif qu’on dise on ne va pas financer le gaz, donc empêcher la Bad, la banque islamique de développement, la banque mondiale, de financer le Gaz. C’est signer l’arrêt de mort du continent africain. Ce que nous ne saurons accepter”, pestait-il.
Le même mois, à l’occasion du sommet économique Chine-Afrique tenu virtuellement à Dakar, Macky Sall était revenu à la charge pour fustiger encore l’égoïsme des puissances occidentales. «?Au moment où plusieurs pays africains s’apprêtent à exploiter leurs importantes ressources gazières, l’arrêt du financement du secteur gazier, sous prétexte que le gaz est une énergie fossile, porterait un coup fatal à nos économies émergentes. Le blocage du financement ajoutera à l’injustice climatique dont souffre déjà l’Afrique», s’inquiétait Macky Sall.
En mai dernier, au forum annuel de la Fondation Mo Ibrahim, il a encore fait comprendre aux grandes puissances qu’ « il n’est pas raisonnable de demander aux pays africains de renoncer au gaz pendant que les autres sont encore au charbon et au fuel ».
Macky Sall demandait alors une transition énergétique de 20 à 30 ans pour l’Afrique afin que le continent puisse s’appuyer sur le pétrole et le gaz afin de permettre aux 600 millions d’Africain dans la pénombre d’avoir accès à l’électricité.
Sommet du G20 et le vieux nègre
Aujourd’hui, il peut pousser un ouf de soulagement. Le mercredi 6 juillet, le parlement européen a inclus le gaz et le nucléaire dans sa liste des énergies vertes, dans un contexte où la Russie menace de fermer les robinets. Dans la taxonomie dite verte, le gaz devrait y remplacer le charbon jusqu’en 2030. Mais où est-ce que Bruxelles va trouver le liquide, elle qui n’en produit pas assez ?
Le président de la Banque africaine de développement invite les Européens à regarder du côté de l’Afrique qui constitue la troisième réserve mondiale, si l’on réunit l’ensemble des pays déjà ou bientôt producteurs. « L’Union européenne peut se tourner vers nous comme une source alternative d’approvisionnement », a déclaré Akinwumi Adesina. Mais le vieux continent n’a pas attendu cet appel pour se lancer dans le continent noir. L’Algérie a déjà augmenté ses livraisons de gaz à l’Italien Eni.
Après le président allemand en février, c’était autour du chancelier Ola Schols de venir à Dakar, en mai, dans une tournée qui l’a mené aussi au Nigéria et en Afrique du Sud. Macky Sall sait qu’il peut tenir le bon bout dans ce contexte. « Le Sénégal est prêt à travailler en vue d’approvisionner le marché européen en GNL (gaz naturel liquide), mais il faut d’abord que nous soyons soutenus dans notre participation dans de meilleures conditions que celles offertes actuellement par nos partenaires », avait-il dit. Il sera ensuite invité au sommet du G20 en tant que président en exercice de l’Union africaine.
Ainsi, après la colère à l’annonce de l’arrêt des financements, l’Afrique, le Sénégal en particulier, à l’occasion de tenir sa revanche face aux Européens. Il reste juste à espérer que la suite de ce sommet du G20 ne sera pas l’histoire du vieux nègre et de la médaille.
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