Le mariage TF1/M6 ne se fera pas à n’importe quel prix: le patron du premier groupe audiovisuel français a réitéré jeudi son envie de convoler avec son concurrent, mais seulement si les concessions demandées par l’Autorité de la concurrence ne sont pas trop importantes.
Les deux groupes avaient révélé mardi qu’un premier rapport — non public — de l’institution chargée de faire respecter les équilibres de la concurrence en France se disait défavorable à leur union.
Ainsi, « le rêve que nous avons partagé » d’un champion français de l’audiovisuel « n’est pas forcement partagé à ce stade par l’analyse des services (d’instruction) de l’Autorité de la concurrence », a résumé le PDG de TF1, Gilles Pélisson, en marge de la publication des résultats du groupe.
« Avant que le rêve ne devienne cauchemar, il est nécessaire qu’il y ait un instant de raison, de réveil, en se disant peut-être que mon rêve va s’arrêter là », a-t-il ajouté.
Si les « remèdes » requis par le rapport face aux « problèmes très significatifs de concurrence relevés », notamment dans la publicité télévisuelle, devaient « être mis en place », le projet perdrait « toute pertinence », et les « parties n’hésiteront pas à (l’)arrêter », a insisté M. Pélisson.
A eux deux, TF1, propriété de Bouygues, et M6 (mis en vente par l’allemand Bertelsmann, actionnaire de RTL Group) pèsent environ 75% du chiffre d’affaires publicitaire français.
Les deux groupes demandent à l’Autorité de considérer cette part de marché en tenant compte de la concurrence des plateformes sur le numérique, « qui se rapprochent de plus en plus du modèle de la télévision » selon Gilles Pélisson, comme en témoigne l’arrivée prochaine de la publicité sur Netflix.
Ils pourront réitérer leurs arguments lors d’auditions les 5 et 6 septembre devant le collège de l’Autorité de la concurrence, qui tranchera en octobre et n’est pas tenu de suivre l’avis des services d’instruction.
Le cas échéant, une intervention du ministre de l’Economie est possible pour « passer outre » l’avis de l’Autorité, « pour des motifs d’intérêt général », avait rappelé Bruno Le Maire en mars devant le Sénat.
Le ministre avait ainsi utilisé en 2018 son « pouvoir d’évocation », lors du rachat de William Saurin par Cofigeo, afin de « préserver l’emploi ».
Mondial de foot
En attendant, le PDG de TF1 se réjouit des résultats « satisfaisants » du groupe, qui enregistre au premier semestre un bénéfice de 126,5 millions d’euros, en hausse de 16,7% sur un an, pour un chiffre d’affaire approchant 1,2 milliard d’euros (+5,2%).
Ils intègrent près de 7 millions d’euros de charges exceptionnelles liées au projet de fusion.
Les revenus publicitaires grimpent modérément (+1,6%) à 815,5 millions d’euros, le léger recul constaté au deuxième trimestre — sans l’Euro masculin de football qui avait profité au groupe l’année dernière — étant compensé par « la bonne dynamique » du premier, selon TF1.
Malgré une baisse d’audiences, TF1 reste « largement en tête sur ses cibles commerciales » comme les femmes de moins de 50 ans (33,5% de PDA), fait valoir Gilles Pélisson, rappelant le succès phénoménal de la série HPI.
L’inflation et le conflit en Ukraine n’ont pas pesé « de façon significative sur les résultats du groupe », qui mise au second semestre sur le Mondial de football au Qatar.
Sa filiale Newen Studios livrera en outre deux séries « importantes » à Canal+ (« Marie-Antoinette ») et Apple TV+ (« Liaison », première production franco-anglaise originale de le plateforme, avec Vincent Cassel et Eva Green).
TF1 a par ailleurs soldé ses opérations de diversification dans le numérique ces dernières semaines, avec les ventes de son pôle Unify (Marmiton, Doctissimo, Aufeminin…) — dont la cession à Reworld Media sera effective au second semestre –, et de l’agence internationale de marketing d’influence Ykone, valorisés à 124 millions d’euros minimum, selon le communiqué. TF1 a également vendu au premier semestre sa filiale de publicité numérique Gamned! pour près de 50 millions d’euros, d’après une présentation du groupe.
De son côté, le groupe M6 avait présenté mardi des résultats en demi-teinte, avec un chiffre d’affaires en hausse de 3% par rapport au premier semestre 2021, à 664 millions d’euros, mais un bénéfice net en baisse de 22,4%, à 92,5 millions d’euros.
AFP