Les attaques fusent entre Paris et Bamako. Quand le président français fustige l’inaction supposée de la junte dans la lutte contre le terrorisme, celle-ci réplique en l’accusant de vouloir entretenir la haine ethnique.
La pratique du clash hip hop aurait-elle imprégné les usages rhétoriques de politiciens qui étaient encore adolescents quand le Français Joey Starr ou le Malien Mokobé déroulaient leurs premières punchlines ? Ces derniers jours, dans ce qu’il reste de la communication franco-malienne, la convocation de mots au style pour le moins lapidaire est de mise, en mode « battles »…
Le 28 juillet, en visite en Guinée-Bissau, Emmanuel Macron analysait que « les choix faits par la junte malienne aujourd’hui et sa complicité de fait avec la milice Wagner sont particulièrement inefficaces ». Ce dimanche, en direct à la télévision publique, via la lecture du communiqué 035 du gouvernement de la transition, en répétant trois fois la même phrase, le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement malien, dénonçait la posture « néo-coloniale, paternaliste et condescendante » du président français.
Rupture
Et les discours de se faire écho entre eux comme la réponse du berger à la bergère, sur l’air de « c’est celui qui le dit qui l’est » ou « pas vu, pas pris », en ce qui concerne la présumée présence du groupe paramilitaire russe sur le sol malien. Pour le président Macron, « lutter contre le terrorisme, ça n’est plus l’objectif » de la junte, tandis que pour le colonel Maïga, la France a pour « dessein d’entretenir la haine ethnique », comme elle joua un « rôle négatif (…) dans le génocide des Tutsi ».
Pour Macron, le peuple malien est empêché d’exprimer « sa souveraineté populaire », tandis que Maïga rétorque que « nul ne peut aimer le Mali mieux que les Maliens ». Pour Macron, l’implication des États ouest-africains est nécessaire dans le rétablissement de la sécurité au Mali, tandis que pour Maïga, tout se résume à la souveraineté nationale. Pour le premier, c’est la France qui a choisi de « quitter le sol malien », tandis que pour le second, c’est le Mali qui « a mis fin à la coopération en matière de défense avec la France »…
Sur ce point de la rupture des relations sécuritaires, il n’y a pas seulement du hip hop, mais aussi un peu de dystopie à la manière du film américain Minority Report, dans lequel des autorités douées de « précognition » sanctionnent les crimes avant que ceux-ci ne soient commis. Dans son communiqué dominical, le colonel Abdoulaye Maïga affirmait ainsi qu’avant même que Macron ne tacle la politique malienne à Bissau, le Mali avait demandé « de manière prémonitoire à l’ambassadeur de France de quitter le territoire malien », et avait également suspendu « les médias France 24 et Radio France internationale » comparés à la radio Mille collines qui distilla le fiel sur les ondes rwandaises, au milieu des années 90…
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