Terre du vivre – ensemble, la Tunisie a toujours inspiré les auteurs et les « orientalistes », qui voyaient en notre pays un véritable exemple. Au lendemain de 2011, des voix ont commencé à s’élever pour apporter de la nuance à ce discours, notamment nos concitoyens de couleur, ainsi que les ressortissants noirs vivant sur le sol tunisien. Les langues se délient, et les militants, comme Saâdia Mosbah, et la députée Jamila Ksiksi ont dû livrer une bataille auprès de l’opinion publique et des autorités pour faire reconnaître l’existence du racisme, ce côté obscur du Tunisien.
Le 26 décembre 2016, à l’occasion d’une journée de mobilisation contre le racisme, le chef du gouvernement de l’époque, Youssef Chahed, fait sauter les verrous. « Il est de notre devoir, aujourd’hui, d’ouvrir le débat sur un ensemble de sujets tabous, et ce, malgré le fait qu’ils constituent une atteinte aux droits de l’Homme, et ce, pour une simple différence de couleur de peau.
Nous évoquons aussi aujourd’hui la souffrance de ces personnes », avait-il déclaré. Une petite victoire pour la société civile qui sera suivie par une plus grande victoire, le 9 octobre 2018, lorsque le parlement tunisien adopte en plénière une loi de criminalisation de la discrimination raciale.
Dès lors, convaincus que l’Histoire ne revient pas en arrière, tout le monde croyait l’ère de l’impunité du racisme révolue. Mais parce que les droits sont fragiles et la société de plus en plus gouvernée par l’émotion, les fakes news et les algorithmes des réseaux sociaux, voilà que, depuis quelque temps, le discours raciste et xénophobe retrouve pignon sur rue.
Dans certaines vidéos postées sur les réseaux sociaux et suintant la haine, un énergumène, vêtu comme un esclavagiste, appelle sans détour les Tunisiens à se débarrasser de tous les subsahariens par tous les moyens, y compris la violence. Il appelle également les Tunisiens à ne plus leur louer des appartements. Sans trembler, pendant une douzaine de minutes, ce raciste multiplie les appels à la haine raciale, n’hésitant pas à qualifier les noirs des pires adjectifs.
En fait, sur le terrain judiciaire, bien que l’on puisse être fier de certaines décisions de justice, comme la victoire obtenue par l’avocate Hanene Ben Hassana pour le compte de son client pour le changement du nom de famille Atig, la machine reste quelque peu lente.
En effet, même si la loi est promulguée, les juges d’abord hésitent à condamner une personne pour propos racistes ou actes racistes. Si condamnation il y a, alors celle-ci est souvent une amende dont le montant n’est pas faramineux.
De l’autre côté, les victimes, elles, hésitent à porter plainte, et préfèrent se taire, par peur des représailles, ou tout simplement parce qu’elles sont convaincues qu’elles n’auront pas gain de cause. Les racistes comptent justement sur cette omerta dans notre société. Une société qui, selon Saâdia Mosbah, est encore dans le déni. Combien de fois n’a-t-on pas dit à une victime de propos xénophobes ou racistes « qu’il était beaucoup trop susceptible ».
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