Salman Rushdie, auteur mondialement connu du livre « Les Versets sataniques » et cible depuis plus de 30 ans d’une fatwa de l’Iran, a été opéré en urgence vendredi après avoir été poignardé au cou par un homme qui a été arrêté, lors d’une conférence littéraire dans l’Etat de New York.
Son état de santé n’est pour l’instant « pas connu », a affirmé la police de l’Etat de New York (NYSP) mais la gouverneure Kathy Hochul a assuré que l’écrivain britannique était « vivant ».
Immédiatement après l’agression sur l’estrade d’un amphithéâtre d’un centre culturel à Chautauqua, dans le nord-ouest de l’Etat de New York, M. Rushdie a été transporté en hélicoptère vers l’hôpital le plus proche où il a été opéré en urgence, a indiqué sur Twitter son agent Andrew Wylie.
Il a promis de donner régulièrement des nouvelles de l’intellectuel de 75 ans qui vit à New York depuis quelques années.
– « Poignardé au cou » –
Vers 11H00 (15H00 GMT), « un suspect s’est précipité sur la scène (d’un amphithéâtre) et a attaqué Salman Rushdie et un intervieweur », avait très rapidement annoncé la NYSP dans un communiqué.
La police a immédiatement arrêté l’agresseur et l’a placé en détention sans rien dire de son identité et de son mobile.
M. Rushdie s’apprêtait à donner une conférence littéraire dans l’amphithéâtre du centre culturel Chautauqua Institution, une petite ville à 100 km de Buffalo près du lac Erié qui sépare les Etats-Unis du Canada.
La personne qui devait donner la parole à l’écrivain a également été « blessée légèrement à la tête », selon la police.
Carl LeVan, professeur de sciences politiques, était dans la salle, et a raconté au téléphone à l’AFP, qu’un homme s’est précipité sur la scène où M. Rushdie était assis et « l’a poignardé violemment à plusieurs reprises ».
– « Tuer Salman Rushdie »
L’agresseur « essayait de tuer Salman Rushdie », a affirmé ce témoin.
Salman Rushdie, né le 19 juin 1947 à Bombay, deux mois avant l’indépendance de l’Inde — élevé par une famille d’intellectuels musulmans non pratiquants, riche, progressiste et cultivée — avait embrasé une partie du monde musulman avec la publication des « Versets sataniques », conduisant l’ayatollah iranien Rouhollah Khomeiny à émettre en 1989 une « fatwa » demandant son assassinat.
L’auteur avait été contraint dès lors de vivre dans la clandestinité et sous protection policière, allant de cache en cache.
Il doit affronter une immense solitude, accrue par la rupture avec sa femme, la romancière américaine Marianne Wiggins, à qui « Les versets… » sont dédiés.
Vivant discrètement à New York, Salman Rushdie — sourcils arqués, paupières lourdes, crâne dégarni, lunettes et barbe — avait repris une vie à peu près normale tout en continuant de défendre, dans ses livres, la satire et l’irrévérence.
Mais la « fatwa » n’a jamais été levée et beaucoup de traducteurs de son livre ont été blessés par des attaques, voire tués, comme le Japonais Hitoshi Igarashi, victime de plusieurs coups de poignard en 1991.
« Trente ans ont passé », disait-il toutefois à l’automne 2018. « Maintenant tout va bien. J’avais 41 ans à l’époque (de la fatwa), j’en ai 71 maintenant. Nous vivons dans un monde où les sujets de préoccupation changent très vite. Il y a désormais beaucoup d’autres raisons d’avoir peur, d’autres gens à tuer… ».
Anobli en 2007 par la reine d’Angleterre, au grand dam des extrémistes musulmans, ce maître du réalisme magique, homme d’une immense culture qui se dit apolitique, a écrit en anglais une quinzaine de romans, récits pour la jeunesse, nouvelles et essais.
AFP