Depuis qu’en juillet dernier des hommes armés ont attaqué à l’explosif la prison de Kuje à seulement 40 km d’Abuja, la capitale du Nigeria, la population vit dans la peur.
Quand des hommes armés ont attaqué à l’explosif en juillet la prison de Kuje à seulement 40 km d’Abuja, la capitale du Nigeria, Assumpta Mgbe, qui vit à proximité, s’est blottie dans son lit avec ses enfants.
« Le sol tremblait et on pouvait entendre les coups de feu pendant 30 minutes », se rappelle la femme de 40 ans, résidente de la ville depuis deux décennies où elle tient une épicerie.
« Personne ne s’y attendait », ajoute-t-elle au sujet de l’attaque revendiquée ensuite par le groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap) qui opère habituellement dans le nord-est du pays le plus peuplé d’Afrique, à des centaines de kilomètres.
Ces derniers mois, les djihadistes ont revendiqué plusieurs attaques autour de la région administrative de la capitale (FCT), rappelant aux six millions d’habitants les attentats de 2014, une époque qu’ils croyaient révolue.
Mais depuis l’attaque de Kuje, « les gens ont peur de sortir », ce qui affecte les commerces comme celui de Mme Mgbe.
Les djihadistes ne sont pas la seule source d’inquiétude: il y a aussi « les bandits », ces bandes criminelles qui kidnappent et tuent chaque semaine par dizaines dans le nord-ouest et le centre du Nigeria.
Dans le centre d’Abuja, Segun Afolayan, comme beaucoup de conducteurs de taxi, a arrêté de travailler la nuit.
Aujourd’hui, « après 18 ou 19 heures, tout le monde rentre chez soi en vitesse », explique M. Afolayan, qui travaille dans la capitale depuis plus de 30 ans.
« Avant, ce n’était pas comme ça. »
Patrouilles, checkpoints, après l’attaque du 5 juillet qui a fait la une des journaux, la police et l’armée ont annoncé de nouvelles mesures.
Début août, l’inspecteur général de la police, Usman Alkali Baba, a ainsi ordonné le déploiement « massif » d’agents dans la capitale et ses environs.
Pourtant, les checkpoints et patrouilles envoyées à Kuje ont « disparu », selon des résidents.
Dans le centre de la capitale, les habituels barrages des forces de sécurité sont toujours en place, le plus souvent la nuit, mais rien ne montre un éventuel renforcement de leur dispositif.
Kabir Adamu, analyste sécurité à Beacon Consulting, s’inquiète que des hommes armés puissent accéder au FCT par des « points vulnérables, des espaces sans gouvernance ».
Abuja, tout comme son aéroport, est encerclée par des zones forestières et montagneuses où il est difficile de patrouiller. Mais la police a déclaré que des « opérations de nettoyage » étaient en cours.
« Tension »
Malgré les mesures prises pour empêcher de nouvelles attaques, des fonctionnaires s’inquiètent de voir l’insécurité se rapprocher de la capitale.
Daniel, fonctionnaire de 37 ans, rappelle qu’avant l’actuel gouvernement, « c’était plutôt sûr, les gens n’étaient pas inquiets ».
Mais aujourd’hui, « la tension monte », dit-il devant un bâtiment officiel. « Je ne me sens pas en sécurité. »
« Il y a des soldats et des policiers partout mais s’il se passe vraiment quelque chose, à quel point sont-ils préparés pour arrêter (une attaque) ? Personne ne le sait vraiment. »
Une autre fonctionnaire, Margaret Bassey, affirme que l’Etat « ne fait pas assez ».
Elle passe chaque jour deux heures dans le bus pour aller et rentrer du travail et quitte aujourd’hui son bureau vers 16H pour éviter d’être sur la route la nuit.
« La situation actuelle à Abuja est si mauvaise que quelqu’un peut rentrer chez vous et vous kidnapper », dit-elle. « Certaines personnes ont même peur d’aller à l’église. »
« Menace possible »
Depuis des années, l’élite du Nigeria est accusée d’employer des policiers pour assurer leur propre sécurité, laissant la population livrée à elle-même.
L’une des principales promesses de campagne de Buhari, ancien général, était d’enrayer l’insécurité dans le pays. Il termine aujourd’hui son deuxième mandat et les violences se sont étendues.
La dernière attaque djihadiste à Abuja remonte à 2014. « S’ils parvenaient à frapper à nouveau le coeur d’Abuja, ce sera interprété comme un grave échec pour Buhari alors que se profilent les élections générales de 2023 », souligne un diplomate occidental.
« Les autorités prennent des mesures et se veulent rassurantes mais la situation reste préoccupante », déclare-t-il à l’AFP. « Les événements récents laissent à penser qu’il pourrait désormais y avoir une menace possible sur Abuja, y compris sur l’aéroport international. »
Autre préoccupation majeure pour les résidents d’Abuja: les écoles, autres cibles connues des hommes armés à travers le Nigeria.
Après l’attaque de la prison à Kuje, les écoles publiques et privées du FCT ont reçu l’ordre de fermer plus tôt pour l’été et pour l’instant. Personne ne sait quand elles rouvriront.
euronews