En 2023, le Sénégal va devenir un pays producteur et exportateur de pétrole et de gaz naturel. Le pays compte, fortement, s’appuyer, sur la deuxième ressource citée dans son processus de développement, en partie grâce à son exportation. Et les potentiels clients se manifestent déjà, en nombre.
Une demande que son hôte, Macky Sall a assuré être prêt à satisfaire et à faire bien plus encore : « Nous sommes prêts, nous au Sénégal en tout cas, à travailler dans une perspective d’alimenter le marché européen en GNL (gaz naturel liquéfié). Le chancelier allemand a, par ailleurs, promis que des discussions se poursuivront « de manière intensive ».
Poutine dispose, Sall propose
Il faut dire que cette succession d’opérations de charme effectuées au cours de cette année est loin d’être un hasard. Elles interviennent au moment où l’Union Européenne a pris la décision d’infliger à la Russie une cascade de sanctions en réponse à son opération militaire russe entamée en Ukraine en début d’année. Des sanctions qui touchent plusieurs secteurs et se répercutent sur l’approvisionnement en énergie russe. En effet, la Russie a décidé de contre-attaquer en exigeant aux pays ayant adopté ces sanctions de régler leurs achats de gaz en roubles et non plus en dollars ou en euros au risque de couper les livraisons.
L’engrais, l’autre enjeu du gaz
Cette volonté à vouloir trouver des options au gaz russe ne découle pas de la simple raison d’un désir de se tenir au chaud durant l’hiver, il se trouve qu’elle a, également, une importance alimentaire. Le gaz est un élément essentiel dans la production d’engrais minéraux. Ces fertilisants sont fabriqués à partir d’ammoniac, obtenus en combinant l’azote de l’air et l’hydrogène provenant du gaz naturel. Cet enjeu a, d’ailleurs, été évoqué par le colonel de gendarmerie Patrick Martzinek lors d’un atelier à Dakar sur la crise alimentaire dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la pandémie de Covid-19.
Dilemme entre transition écologique et développement économique
“À partir de 2030, le Sénégal espère percevoir jusqu’à 400 milliards de francs CFA par an de recettes directes”
Pour le colonel Mbarick Diop, ancien conseiller technique à la présidence de 1994 à 2003, le Sénégal doit faire fi des avis extérieures : « si nos intérêts au Sénégal c’est d’utiliser notre gaz pour notre développement propre grâce à la production d’électricité et à l’exportation nous ne pouvons pas nous en passer. Nous avons besoin d’engranger des ressources ». Le Colonel Diop a été, aussi, le premier président du comité national du changement climatique, poste qu’il a occupé pendant 7 ans. « Mais on doit les encourager à développer parallèlement des énergies renouvelables telles que le solaire et l’éolienne », ajoute-t-il. Toujours sur ce point, le Sénégal, avec le parc éolien de Taïba Ndiaye, a entamé lentement sa transition. Ce projet d’une puissance de 158,7 MW fournira de l’électricité à près de 2 millions de foyers Sénégalais.
Diversification des revenus du gaz : la clé du succès
Il est clair qu’au vu du potentiel de cette ressource naturelle (le gaz), elle sera considérée comme une véritable rampe de lancement pour l’essor de l’économie sénégalaise. Selon Mamadou Fall Kane, conseiller du président Macky Sall en matière d’énergie : « À partir de 2030, le Sénégal espère percevoir jusqu’à 400 milliards de francs CFA par an de recettes directes. La clé de répartition du gaz entre la Mauritanie et le Sénégal est de 50-50, puisque les experts estiment que le gisement se situe dans les mêmes proportions de chaque côté de la frontière maritime ». Il précise que dans la phase 1 du projet GTA, la production de gaz sera destinée à l’exportation. Par la suite, elle alimentera les centrales d’électricité de la Senelec qui jusque-là tourne grâce au gaz importé. A cela s’ajoute l’ambition pour l’Etat du Sénégal de créer 300 000 emplois par an pour les jeunes grâce à l’industrialisation financée par le gaz.
Le colonel Mbarick Diop estime qu’un réinvestissement rationnel des bénéfices tirées de ces ressources est un impératif pour créer une dynamique vertueuse du gaz : « Il faut qu’il y ait des projets structurants qui vont permettre au Sénégal de se développer. Je pense à la construction de chemins de fer mais aussi à la construction d’infrastructures d’exploitations du phosphate de Matam. Mais aussi à l’éducation car le capital humain est très important ».
« Il nous faut avoir une identification de tout notre potentiel humain », Mactar Sylla
Jusque là, les personnes et les structures chargées de l’exploitation et de la gestion des ressources naturelles sénégalaises étaient perçues comme des grandes muettes en raison de leur déficit criard en communication. Pour tenter de rectifier le tir, un panel de haut niveau a été organisé ce 29 juillet 2022 à Dakar par Petrosen Trading and Services. L’occasion a été saisie par le directeur général de la structure de prendre à revers certaines idées reçues sur la répartition des revenues sur l’exploitation des énergies sénégalaises. « Je vous dis clairement que cette communication est fausse. Les 10% dont on parle, c’est la part de Petrosen avant les découvertes. Pendant la phase d’exploration, on a voulu nous faire croire que c’est ce que le Sénégal récupère. On est tous conscient aujourd’hui que le minimum sera 52% sur l’un de nos champs et l’autre à 64%. Il faut alors oublier les 10% », a expliqué, Manar Sall. Le DG de Petrosen Trading and Services a, aussi, loué la qualité de la ressource humaine en charge de la gestion de ces ressources.
Dans le même sillage, Mactar Sylla, expert en communication et l’un des concepteurs du plan stratégique Gabon émergent, estime que l’Etat doit se tourner vers l’expertise sénégalaise en la matière présente à l’international. « Il faut qu’on tire le plus grand profit de tous ces experts que nous avons au niveau international », dit-il. Il ajoute : « Il y a beaucoup de sénégalais qui sont dans les structures gazières et pétrolières et qui connaissent ces marchés. Il nous faut véritablement avoir une identification de tout ce potentiel humain et les associer à la démarche en termes de concertation, en termes de conseils et en termes d’orientation ».