Nuit tragique à Berlin : Zinédine Zidane part sur un coup de tête

16 ans après cette finale de la Coupe du monde entre la France et l’Italie à Berlin, les propos de Thierry Gilardi résonnent encore dans nos oreilles. « Oh Zinédine, oh Zinédine, pas ça pas ça, pas ça Zinédine ! Oh non, pas ça, pas aujourd’hui, pas maintenant, pas après tout ce que tu as fait ! » Après avoir cru un temps que David Trezeguet, autre héros malheureux de ce 9 juillet 2006, était impliqué dans une altercation avec un joueur italien, le regretté commentateur comprend vite en découvrant les images : le capitaine des Bleus a donné un coup de boule à Marco Materazzi, après un bref échange. Effarement, stupeur, angoisse : chacun s’interroge sur ce qui vient de se passer.

On joue alors la prolongation d’un match très tendu face à la Squadra Azzura, où l’équipe de France a eu de multiples occasions de prendre les devants. S’il n’a pas vu l’incident de ses propres yeux, Horacio Elizondo, l’arbitre de la rencontre, est prévenu par Luis Medina Cantalejo, quatrième arbitre. Si le recours à la vidéo n’est pas encore à l’ordre du jour, l’Espagnol va être l’un des pionniers en réussissant à voir le ralenti de l’altercation. On est à la 110e minute, Zinédine Zidane est officiellement expulsé et passe à côté d’une deuxième Coupe du monde. Une sortie théâtrale comme on en a rarement vu.

Et à ce moment là… LE DRAME.

Une image qui terrifie encore le monde du football aujourd’hui.

Pourtant, le numéro 10 des Bleus était étincelant lors de ce Mondial allemand pour l’épilogue de sa carrière. Après avoir annoncé sa retraite au Real Madrid, Zinédine Zidane avait l’intention de terminer en beauté avec l’équipe de France. Rappelé chez les Bleus avec Claude Makélélé et Lilian Thuram en août 2005, il confia à France Football que son retour avait quelque chose de mystique. « Une nuit, à 3 heures du matin, je me suis soudain réveillé, et là, j’ai parlé avec quelqu’un. Mais ça, personne ne le sait. Jusqu’à mon dernier souffle, je ne dirai pas qui c’était […] Et là, j’ai pris la vraie décision de revenir. J’ai eu comme une révélation. » Le Marseillais était le guide d’une sélection qui avait à cœur de se racheter après les échecs consécutifs de la Coupe du monde 2002 en Asie et de l’Euro 2004 au Portugal.

Jubilé évité face à l’Espagne, récital contre le Brésil
Si la phase de groupes est délicate, « Zizou » va mettre la barre très haut pour la suite de la compétition. En 8e de finale, les Espagnols veulent « l’envoyer à la retraite » ; il clôturera les débats par le but qui achèvera les velléités ibériques (3-1). Face au Brésil, en quart de finale, il livre un récital unique en son genre : roulettes, sombreros, feintes de corps, il est tout simplement au sommet de son art pour ce qui restera comme l’un des matchs les plus mémorables de sa carrière. Passeur décisif pour Thierry Henry, il envoie son équipe en demi-finale (1-0). Et pour l’avant-dernière marche, c’est le Portugal de Cristiano Ronaldo qui se présente face à lui. Dans une rencontre disputée, Zidane trouvera la faille sur pénalty, en prenant très peu d’élan (1-0). L’ultime étape sera donc l’Italie de Marcelo Lippi, redoutable défensivement avec seulement un but encaissé au cours de la compétition, avant cette finale.

Face au futur Ballon d’or Fabio Cannavaro, le capitaine des Bleus est dans le rythme. Dès la 7e minute de jeu, son équipe obtient un pénalty après un fauchage de Materazzi sur Malouda. Contre son ancien coéquipier de la Juventus, Gianluigi Buffon, Zidane ne tremble pas : panenka avec barre transversale rentrante. En finale de Coupe du monde avec toute la pression que cela implique, il fallait oser ! Par la suite, Zidane vivra cette rencontre avec différentes émotions : il se déboîte l’épaule droite après un rude contact aérien, mais le staff des Bleus réussira à la remettre en place. À la 103e minute, il est tout près d’envoyer son équipe au septième ciel avec une tête puissante sur un centre de Sagnol mais Buffon, dans un grand soir, détourne l’occasion en corner.

Materazzi : « J’ai répondu que je préférais sa sœur »
Arrive donc cette 108e minute où Zinédine Zidane s’en prend à Marco Materazzi. Mais qu’a donc pu dire le provocant défenseur italien pour que l’icône des Bleus disjoncte ainsi ? Les versions diffèrent, mais les deux joueurs sont d’accord sur un point : la sœur de Zidane a bien été insultée par Materazzi. « Nous avions eu des contacts dans la surface de réparation. Il est passé près d’un but dans la première période de la prolongation et Gattuso m’a demandé de le marquer. Après le premier contact, je lui ai demandé pardon, il a mal réagi. Au troisième contact, j’ai froncé les sourcils. Il m’a dit qu’il me donnerait son maillot plus tard. J’ai répondu que je préférais sa sœur », a expliqué au Corriere dello sport l’ancien défenseur de l’Inter Milan.

Le destin des Bleus de Domenech aurait-il été différent lors des tirs au but si Zinédine Zidane avait été toujours là ? Difficile de l’affirmer tant les tireurs italiens ont été intraitables dans cet exercice, de Pirlo à Grosso en passant par l’inévitable Materazzi. Le malheureux Trezeguet qui envoya sa tentative sur la barre n’avait plus que ses yeux pour pleurer : « Regrets éternels », comme titra l’Équipe le lendemain. Et Zidane dans tout ça ? Les réactions furent partagées après son coup de sang qui suscita de l’indignation, mais aussi de la compréhension. « Je ne sais pas ce qui s’est passé et pour quelle raison il a été sanctionné. Mais je voudrais dire toute l’estime que j’ai pour un homme qui a incarné à la fois les belles valeurs du sport, les plus grandes qualités humaines et qui a fait honneur au sport français, et tout simplement honneur à la France », dira notamment Jacques Chirac.

Que reste-t-il de cette ultime apparition de Zinédine Zidane en tant que joueur ? La culture populaire s’est emparée de ce coup de boule. Une chanson parodiée se vendra à plus de 330 000 exemplaires en France, même les Simpson dans un de leurs épisodes reprendront la mythique scène. On ne peut s’empêcher de repenser à ces quelques secondes suspendues dans le temps à Berlin et regretter de ne pas voir une sortie plus lumineuse, tant « Zizou » restera comme l’une des plus grandes figures de l’histoire du sport français. Et avec trois Ligues des champions consécutives remportées en tant qu’entraîneur avec le Real Madrid de 2016 à 2018, il continue même d’écrire sa légende sur les bancs en gardant cette fois-ci bien la tête froide.

lepoint

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