Charlatans et faux médecins : Doctolib au cœur d’une polémique

Le site Doctolib essuie de nombreuses critiques concernant sa procédure d’inscription. En effet, de faux médecins et des personnes aux méthodes proches du charlatanisme ont pu sans problème utiliser la plateforme de prise de rendez-vous.

Le groupe Doctolib, poids lourd français de la prise de rendez-vous médicaux est au cœur d’une polémique. Il est accusé d’avoir référencé des naturopathes aux pratiques douteuses. En outre, une enquête a été ouverte en juillet 2022 pour « exercice illégal de la médecine » à l’encontre de deux personnes s’étant fait passer pour des pédopsychiatres sur la plateforme, a indiqué le parquet de Montpellier, confirmant une information de France Inter.

« Les faits sont graves »
Une mère de deux enfants avait porté plainte début juillet, après avoir consulté, par le biais de Doctolib, un faux pédopsychiatre et sa remplaçante afin d’obtenir une ordonnance de médicaments pour ses deux enfants atteints d’un trouble de l’attention (TDAH), a confirmé à l’AFP Me Madeleine Archimbaud, avocate de la plaignante.

« Ma cliente a été énormément impactée par cette affaire, a expliqué l’avocate. Nous avons monté tout ce dossier car elle pensait vraiment avoir à faire à un réel médecin, par le fait d’être passée par la plateforme Doctolib. Nous ne parlons pas d’un simple généraliste, mais d’un pédopsychiatre, les faits sont graves. C’est entre les mains du parquet », a-t-elle ajouté. Le Conseil de l’Ordre des médecins de l’Hérault a également porté plainte pour « exercice illégal de la médecine ».

Inscrits sur Doctolib, les deux faux pédopsychiatres auraient assuré des consultations, avant que la plateforme ne stoppe leur abonnement et supprime leur profil début juillet, a expliqué à l’AFP le président du Conseil, le Dr Philippe Cathala. « Nous avons été choqués par l’absence de contrôle des praticiens par Doctolib. Ils ont bien, ensuite, supprimé le profil et stoppé l’abonnement mais nous sommes surpris par le processus d’enregistrement sur cette plateforme. Il faudrait le renforcer », a alerté le Dr Philippe Cathala.

Des naturopathes aux pratiques dangereuses
Cette double plainte intervient alors que des professionnels de santé et des patients ont reproché au groupe de permettre à ses utilisateurs de prendre rendez-vous chez des naturopathes, dont certains ayant des pratiques dangereuses, proches du charlatanisme et de dérives sectaires. Les critiques ont notamment visé des naturopathes se réclamant de Thierry Casasnovas et d’Irène Grosjean, deux personnalités influentes dans le milieu mais aux positions discréditées dans le monde de la santé.

L’Ordre des médecins a demandé à Doctolib de renforcer ses règles éthiques pour s’inscrire sur la plateforme. Face à la polémique, le groupe avait déjà indiqué suspendre 17 profils de praticiens. Il a annoncé le 25 août, dans un communiqué, avoir pris une « première série de mesures » (…) « visant à renforcer ses procédures de vérification et de signalement des professionnels référencés sur son site ».

Pour les praticiens exerçant des activités de bien-être non réglementées, qui représentent 3% des praticiens de Doctolib et 0,3% des rendez-vous pris (dont font partie les naturopathes), une équipe dédiée va vérifier leur identité et leur fiche de présentation. Une première mise à jour de la page d’accueil du site a été effectuée, en mentionnant de manière explicite qu’ils ne sont pas des professionnels de santé, assure Doctolib. Doctolib « s’assure notamment qu’il soit impossible pour un patient de confondre entre un praticien exerçant une activité dans le domaine du bien-être et un professionnel de santé », précise-t-il.

De nouvelles mesures attendues
Le site annonce l’ouverture d’une consultation avec son Comité médical et professionnel, la Miviludes (la Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires), les syndicats de professionnels de santé, les Ordres de santé, les associations de patients et les autorités sanitaires « afin de mieux encadrer le référencement des praticiens non réglementés » sur la plate-forme. Celle consultation « donnera lieu à une nouvelle série de mesures », promet le site. Par ailleurs, Doctolib annonce aussi des mesures destinées aux praticiens relevant d’une profession de santé réglementée, qui représentent 97% des praticiens.

Depuis la création du site en 2013, sur près de 250.000 praticiens référencés au total, la plateforme a été victime à 4 reprises d’individus ayant créé de faux profils en usurpant notamment l’identité de professionnels de santé, les deux derniers cas de fraude datant du mois de juin et d’août 2022, indique-t-elle.

Aucune prise de rendez-vous ne pourra être réalisée sur Doctolib avant que la vérification du droit d’exercer soit effective, assure le site. Pour cela, la plateforme a décidé de supprimer le délai de 15 jours, qui était accordé jusqu’ici aux professionnels de santé afin que les nouveaux installés puissent ouvrir la prise de rendez-vous en amont de l’ouverture de leur cabinet. C’est durant ce délai que les deux faux pédopsychiatres ont pu réaliser des consultations.

« Le grand public doit aussi avoir le réflexe de se rendre sur le site du conseil de l’Ordre où tous les médecins qui peuvent pratiquer sont référencés. C’est décevant qu’une entreprise comme Doctolib, qui connaît ce principe, ne le fasse pas automatiquement », a déploré le Dr Philippe Cathala, précisant que les plaintes déposées contre des personnes utilisant de faux diplômes sont monnaie courante.

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