Rentrée littéraire en France : 90 premiers romans, des valeurs sûres et moins de titres en librairie

La rentrée littéraire est toujours une période fiévreuse. Cette année 2022, le premier semestre de vente a été mauvais. On lit moins de romans en année présidentielle, mais surtout, l’attaque de l’Ukraine par la Russie, le 24 février, a vidé les librairies. Le retour de l’inflation a également noirci l’horizon. Parmi les 490 titres qui vont sortir, 145 sont des œuvres d’auteurs étrangers traduits et 90 des premiers romans. 90 premiers romans, c’est plutôt une bonne nouvelle, note Fabrice Piault, rédacteur en chef du magazine Livres Hebdo. «Cela montre que malgré les difficultés, l’envie de découverte reste forte chez les éditeurs, qui se sont néanmoins garantis avec un certain nombre de poids lourds.»

Le retour de l’intime
On retrouvera évidemment Amélie Nothomb, qui publie un roman par an. Son 31e, Le livre des sœurs, sort chez Albin-Michel. Grasset publie Virginie Despentes et son Cher connard, qui bénéficie d’une sortie «rouleau compresseur». Les autres têtes d’affiche se nomment Guillaume Musso, avec Angé­li­que (Calmann -Levy), ou encore Alain Mabanckou, avec Le commerce des allongés (Seuil), Laurent Gaudé, avec Chien 51 (Actes Sud), Franck Bouysse, avec L’homme peuplé (Albin Michel), Yasmina Khadra, avec Les ver­tueux (Mia­let Barrault), ou en­core Olivier Adam, avec Des­sous les ro­ses (Flam­marion)… La rentrée littéraire 2021 était assez ouverte sur le monde. Les auteurs, dans un contexte de confinement, s’étaient attachés à repenser le monde. «Cette an­née, on assiste au retour d’une littérature de l’intime, beaucoup de thèmes liés à la famille, aux relations interpersonnelles, comme si, dans ce moment où on a été beaucoup secoués par la guerre en Ukraine, par les différentes crises, on avait besoin de se retrouver avec soi-même et ses fondamentaux», explique Fa­brice Piaul.

Des éditeurs plus que jamais passionnés
Marie-Pierre Gracedieu est la cofondatrice de la toute jeune maison d’édition Le Bruit du Monde, à Marseille. Elle publie, dans la rentrée française, le troisième roman d’une autrice comorienne, Touhfat Mouh­tare, Le feu du milieu, et dans la rentrée étrangère, le quatrième roman de l’écrivaine anglaise, Anna Hope, Le rocher blanc. «On est fébriles comme tous nos confrères, mais c’est toujours une joie, une fête. Ça fait des mois qu’on travaille sur le sujet, on a fait en sorte d’être prêts en mai pour partager les textes aux libraires, aux journalistes… On a fait une grande tournée des libraires et on commence à avoir des retours de lecture qui nous nourrissent. C’est une période compliquée en librairie et de manière générale. L’actualité est anxiogène, mais on espère que les livres seront une fenêtre pour les lecteurs», confie-t-elle. «Il faut se réjouir de la richesse de la proposition éditoriale française. Dans de nombreux pays, l’offre se contracte.

On doit cette diversité au nombre de libraires indépendants en France, mais néanmoins, nous éditeurs, devons faire preuve d’une plus grande honnêteté vis-à-vis de nous-mêmes. On n’a plus le droit de publier juste parce qu’on a envie d’avoir un nombre de livres, on doit se battre pour des textes qui en valent la peine», poursuit Marie-Pierre Gracedieu. Edith de Cornulier est une éditrice indépendante autodistribuée, la maison Malo Quirvane est spécialisée dans les textes de fiction courts. Ses livres sortiront plus tard, une fois passée la vague de la rentrée littéraire, où ils risqueraient d’être noyés. «Je me souviens, une fois dans un salon du livre, où je critiquais la surproduction française, à côté de moi, il y avait un éditeur d’un petit pays africain. Il m’a répondu : «Ben nous, on a quatre livres cette année.» Donc 490 romans, c’est une très grande chance, mais ce n’est pas viable du tout. Beaucoup de ces livres termineront au pilon et n’auront pas leur chance», déclare-t-elle.

Dans les librairies, on déballe tous les jours des dizaines de cartons. Bandrine Babu tient la librairie L’Instant à Paris, dans le XVe arrondissement : «Les grands noms, je ne les lis pas tout de suite, je les garde pour plus tard. Je sais qu’ils n’ont pas besoin de moi et qu’ils vont se vendre. J’essaie de m’intéresser à des auteurs moins connus. C’est pour ça que je fais ce métier, pour la découverte, le conseil, je ne m’en lasse pas.» Sandrine Babu a même décidé de créer un Prix de librairie mettant en valeur des livres injustement passés inaperçus. Derrière la rentrée littéraire, c’est la course aux récompenses d’automne qui se joue. Un prix -Grand prix de l’Académie française, Gon­court, Renaudot, Fémina…- fait grimper les ventes de fin d’année et il y aura forcément des livres sous le sapin de Noël. Un roman neuf vaut facilement une vingtaine d’euros. Un prix assez stable malgré une hausse record du coût du papier, et toujours un joli cadeau.
Rfi

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