Trisomie 21 : un traitement efficace contre le déclin cognitif, une première mondiale

Le premier traitement permettant de restaurer les fonctions cognitives des personnes porteuses de trisomie 21 vient d’être mis au point une équipe franco-suisse.

Une jeune femme employée dans un café en Colombie et porteuse de la trisomie 21. Un nouveau traitement pourrait permettre aux porteurs de la trisomie de maintenir leurs fonctions cognitives.

Le syndrome de Down, ou trisomie 21, touche environ une naissance sur 800 en France. Parmi les symptômes, un déclin des capacités cognitives : avec l’âge, 77 % des personnes atteintes de trisomie 21 connaissent des symptômes proches de ceux de la maladie d’Alzheimer, une perte progressive de l’olfaction (typique des maladies neurodégénératives), ainsi que des déficits de maturation sexuelle chez les hommes. « A 65 ans, 75% des personnes porteuses de trisomie 21 présentent une démence. Et celles qui sont déjà décédées à 40 ans (les personnes atteintes de ce syndrome ont une espérance de vie réduite) présentent toutes une imagerie cérébrale caractéristique de la maladie d’Alzheimer« , explique Vincent Prévost, chercheur en neurosciences à l’Inserm.
Jusqu’à présent, il n’existait aucun moyen de contrer ces symptômes. Mais l’équipe de Vincent Prévost au laboratoire Lille neuroscience et cognition (Inserm/Université de Lille/CHU de Lille) et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV, Lausanne) viennent de montrer l’efficacité d’un traitement hormonal capable d’améliorer les fonctions cognitives des personnes porteuses de trisomie 21. Des travaux inédits publiés dans Science.

Ce potentiel futur traitement se base sur l’hormone GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone), connue pour réguler la reproduction via l’hypothalamus. Cette dernière jouerait également un rôle dans d’autres régions du cerveau, notamment sur le système de cognition. En étudiant le mécanisme de régulation de GnRH sur la souris, l’équipe du laboratoire de l’Inserm a démontré que sur le chromosome 21, cinq brins de micro-ARN contrôlant la production de cette hormone étaient dérégulés. Ce sont eux qui sont chargés de contrôler l’expression de GnRH. Or l’allumage de l’expression est altérée chez la souris trisomique : ce chromosome surnuméraire entraîne alors des anomalies dans les neurones secrétant l’hormone. En revanche, en administrant un traitement de GnRH chez des souris trisomiques, l’équipe a montré une restauration des fonctions cognitives et olfactives chez les souris.

Forts de ces résultats chez les rongeurs, l’équipe de l’Inserm a poursuivi son travail avec Nelly Pitteloud, professeure à la Faculté de biologie et médecine de l’Université de Lausanne et cheffe du Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV. Une médecin spécialiste la déficience congénitale de GnRH, une maladie rare se manifestant par une absence de puberté spontanée. Un traitement de GnRH pulsatile est prodigué à ces patients et patientes, afin de reproduire le rythme pulsatile naturel de la sécrétion de cette hormone permettant d’induire une puberté. Cette fois, le traitement a été administré à des patients porteurs de trisomie 21. Le petit groupe de sept hommes âgés de 20 à 50 ans ont reçu une pompe implantable sur le bras qui leur délivrait toutes les deux heures une dose d’hormones. Ce dispositif médical appelé un « pod » est déjà utilisé pour administrer de l’insuline aux personnes souffrant de diabète. « Impossible de délivrer ce médicament par voie orale, car la GnRH se désactive trop rapidement lorsqu’elle est ingérée« , précise le Pr Pitteloud.

Des résultats au quotidien et visibles sur les imageries médicales

D’un point de vue clinique, les performances cognitives ont augmenté chez 6 des 7 patients : meilleure représentation tridimensionnelle, meilleure compréhension des consignes, amélioration du raisonnement, de l’attention et de la mémoire épisodique. « Nous avons constaté une amélioration de l’attention et de la compréhension des consignes. Des données d’imagerie cérébrale ont également montré une restauration des connexions neuronales par IRM fonctionnelle, un examen réalisé au repos avec les yeux ouverts, notamment entre les zones visuelles et les zones sensorimotrices« , explique la Pr Nelly Pitteloud. Concrètement, les participants se sentaient plus à l’aise dans l’atelier où ils travaillent et semblaient plus sûrs d’eux au quotidien, comme par exemple pour prendre un bus selon les témoignages de leurs entourages. Aucun des sept participants n’a montré d’effets secondaires.

 Crédit : CHUV

Une IRM fonctionnelle avant le traitement (à gauche) et celle après le traitement (à droite), qui montrent la restauration des connexions neuronales entre les différentes aires du cerveau. 

« On ne sait toujours pas exactement comment la GnRH est sécrétée chez les patients« , expliquent les auteurs de l’étude, qui insistent sur la nécessité de mener de plus amples travaux. « Il faut un essai plus vaste avec bien plus de sept patients, qui inclut des femmes et également un groupe contrôle (un groupe à qui un placebo est administré afin de s’assurer de l’effet du traitement, ndlr). Une étude randomisée va démarrer cet automne à Bâle et à Lausanne. Elle comprendra entre 50 et 60 personnes. Si après six mois de traitement, les effets ne persistent pas, nous irons vers un traitement plus long. » Une des pistes serait également d’administrer le traitement le plus tôt possible afin de prévenir une perte progressive des fonctions cognitives. Le CHUV de Lausanne a déjà signé un contrat avec le laboratoire français Ferring, qui commercialise l’hormone (six mois de traitement coûtent actuellement 15.000 euros). Si la découverte a été brevetée, la commercialisation d’un traitement devra attendre un peu. L’étude randomisée devrait d’abord durer entre deux et trois ans.
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