Une étude portée sur la souris met en évidence un nouveau facteur de risque de déficience auditive. En cause, la mutation d’un récepteur aux hormones thyroïdiennes perturberait les cellules ciliées, qui nous permettent notamment de percevoir les fréquences aiguës.
Au niveau de l’oreille interne, la cochlée est l’organe qui permet d’intégrer le son. La triiodothyronine (T3), qui représente la forme active d’une hormone thyroïdienne, joue un rôle essentiel dans le développement de la cochlée et l’audition. Comme toujours en biologie, des récepteurs permettent de médier de nombreuses voies. Ici, les actions de la T3 peuvent aboutir grâce aux récepteurs TRβ et TRα, mais certaines mutations des gènes codant pour ces récepteurs sont susceptibles d’altérer la mise en place des fonctions auditives.
Les mutations qui affectent TRβ sont déjà connues pour conduire à une résistance à l’hormone thyroïdienne et sont associées à la surdité chez l’Homme et la souris. Cependant, on ignorait une grande partie du rôle de TRα dans la fonction auditive. Pour vérifier si le récepteur TRα affecte également cette fonction, des chercheurs français ont introduit la mutation humaine du gène THRA codant pour TRα chez des souris.
La mutation de THRA entraîne une altération des cellules ciliées externes
« Il se trouve que l’implantation de certaines cellules de l’oreille interne des animaux devient alors anormale », explique dans un communiqué de l’Inserm Jing Wang de l’Institut des neurosciences de Montpellier, coauteure de l’étude. « Il s’agit de cellules ciliées externes, normalement chargées d’amplifier les vibrations sonores et qui contribuent à la distinction de leurs différentes fréquences. Cette anomalie conduit à une perte de perception des fréquences aiguës par les souris porteuses de la mutation. »
Plus en détail, les cellules ciliées externes de la cochlée de ces souris étaient anormalement orientées (pour environ 20 %) ou absentes, et apparaissent plus vulnérables à différents types de stress : exposition à des sons forts, médicaments délétères pour l’audition (appelés « ototoxiques ») ou encore mécanismes oxydatifs liés au vieillissement. De plus, les chercheurs rapportent qu’il y a moins de fibres nerveuses constituantes du nerf auditif en présence de la mutation du gène THRA.
Ainsi, le récepteur TRα est nécessaire au bon développement et au maintien de la fonction des cellules ciliées externes. Cela suggère que les patients qui présentent des mutations du gène THRA peuvent courir un risque accru de perte auditive avec le temps. En France, quelques personnes viennent notamment d’être identifiées porteuses de cette mutation.
Conduire des tests sur l’humain
« Afin de savoir si ces altérations sont retrouvées chez l’humain, nous allons recevoir les patients qui ont été identifiés avec cette mutation et conduire des tests qui porteront spécifiquement sur la fonctionnalité de leurs cellules ciliées externes, déclare Jing Wang. Si le bilan auditif de ces personnes révèle une atteinte comparable à celle observée dans notre modèle murin, nous les sensibiliserons au risque encouru, en attendant de valider la totalité de nos données. »
En plus d’une évaluation régulière de leur audition, il sera alors recommandé à ces patients d’éviter la prise de médicaments ototoxiques, ainsi que l’exposition à des niveaux sonores excessifs. À plus long terme, augmenter le nombre de cellules ciliées fonctionnelles pourrait constituer une approche thérapeutique intéressante.
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