Les canards contaminés au mercure ont plus de risques de contracter la grippe aviaire au cours de l’année, souligne une étude.
Les canards sauvages contaminés au mercure ont plus de risques d’être touchés par la grippe aviaire, révèle une étude parue le 7 septembre, pointant une nouvelle fois l’impact de la pollution environnementale liée aux activités humaines sur la propagation des virus.
Les canards sauvages sont réputés être des vecteurs majeurs de la grippe aviaire, du fait notamment de leurs migrations : durant leurs longs trajets, ils sont susceptibles de contaminer de nombreux oiseaux d’élevage (canards, poulets, oies…), chez qui cette maladie virale s’avère particulièrement mortelle.
Pour cette étude, parue dans la revue de recherches biologiques Proceedings of the Royal Society B, des scientifiques ont abattu près de 750 canards sauvages issus de 11 espèces différentes dans la baie de San Francisco (Etats-Unis), située sur un couloir migratoire allant de l’Alaska à la Patagonie.
Connaissant les effets néfastes de certains métaux lourds sur l’immunité, ils ont mesuré en laboratoire le taux de mercure contenu dans le sang des individus et, en parallèle, testé une infection à la grippe aviaire – ou la présence d’anticorps contre le virus. Résultat : les canards contaminés au mercure – via la chaîne alimentaire principalement – avaient jusqu’à 3,5 fois plus de risques de contracter la maladie au cours de l’année. Et plus la concentration de mercure était élevée, plus la prévalence des anticorps augmentait.
L’étude précise que les canards ont été testés négatifs à la souche hautement pathogène du virus H5N1, détectée dans de nombreux foyers à travers le monde. La grippe aviaire, généralement asymptomatique chez les oiseaux sauvages, peut devenir très contagieuse et mortelle en se transmettant à leurs congénères en élevages.
Crainte de résurgence
L’accumulation de mercure dans l’organisme peut quoiqu’il en soit « supprimer les réactions immunitaires de l’organisme, l’exposant davantage à toutes les infections, dont l’influenza aviaire », explique à l’AFP Claire Teitelbaum, écologue à l’institut scientifique américain US Geological Survey dont une branche est consacrée à la conservation de la vie sauvage. La baie de San Francisco est en outre un « point chaud de contamination au mercure en Amérique du Nord, du fait de l’activité historique des mines d’or dont l’extraction utilisait le mercure », ajoute la chercheuse, auteure principale de l’étude. Aux Etats-Unis, l’épizootie a ralenti durant l’été car « beaucoup d’oiseaux sauvages retournaient à leurs nids », plus au Nord. Mais « quand ils vont commencer à redescendre, nous allons probablement assister à une résurgence », prévoit-elle.
Cette année, l’Europe a aussi fait face à un épisode de grippe aviaire d’une ampleur inédite, conduisant à l’abattage de dizaines de millions de volailles, notamment en France et en Italie. L’étude sur ces canards « supercontaminateurs » paraît alors que les experts ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur l’impact du changement climatique, de la déforestation et de la pollution liée aux activités humaines sur la vie sauvage, favorisant les zoonoses, maladies transmises à l’Homme par des animaux.
Si la plupart des virus aviaires n’infectent pas l’humain, certains sous-types arrivent à franchir la barrière des espèces, comme le virus H5N1, présent en Asie. Etudier la manière dont la pollution accroît le risque de propagation des virus, c’est « ajouter une brique à une vision plus globale de ce qui se passe dans le monde », fait valoir Claire Teitelbaum. « Etonnamment, peu de travaux se penchent sur les liens entre contamination de la vie sauvage et infections virales », commente Daniel Becker, biologiste à l’Université américaine d’Oklahoma, qui salue les résultats de cette étude à laquelle il n’a pas pris part.
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