Le taux de chômage, au niveau mondial, est appelé à progresser. La guerre en Ukraine et ses conséquences inflationnistes cassent la reprise de l’emploi qui s’est opérée peu après le pic de la pandémie du Covid-19. Une récession se profile parallèlement à la baisse probable des salaires réels.
Le 24 février a tout changé. Pour le pire. En décidant d’envahir l’Ukraine, la Russie a remis en cause le scénario de reprise du marché de l’emploi, au niveau mondial, après le trou d’air créé par la pandémie du Covid-19.
Dans son rapport annuel sur les perspectives du marché de l’emploi, publié vendredi, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’inquiète du ralentissement économique à venir et de l’impact de l’envolée de l’inflation sur le pouvoir d’achat des salariés. A ce jour, les conséquences de ce conflit ne sont pas encore visibles sur le chômage.
Les marchés du travail restent tendus dans la plupart des pays de l’Organisation. En moyenne, leur taux de chômage est inférieur de 0.4 point de pourcentage à ce qu’il était en février 2020, niveau qui était déjà le plus bas enregistré depuis la crise financière mondiale.
Depuis le pic de la crise sanitaire en avril 2020, les pays de l’OCDE ont créé 66 millions d’emplois.
« Depuis le pic de la crise sanitaire en avril 2020, les pays de l’OCDE ont créé 66 millions d’emplois, soit 9 millions de plus que ceux détruits en l’espace de quelques mois en 2020 au début de la pandémie », souligne Stefano Scarpetta, Directeur du département Emploi, Travail et Affaires sociales de l’Organisation.
Reprise inégale
Tout le monde n’a pas bénéficié de la même reprise. Dans l’absolu, ce sont les secteurs offrant les salaires les plus élevés comme ceux de la haute technologie qui affichent un net redressement. Le niveau d’emploi reste inférieur au niveau constaté avant la pandémie dans les secteurs où les contacts sont nombreux et les rémunérations faibles. Que ce soit dans la santé, l’hôtellerie, les transports ou encore la distribution. « Au premier trimestre 2022, l’emploi dans les services d’hébergement et de restauration était en moyenne inférieur de 9 % au niveau observé avant le début de la crise », précise le rapport.
Au premier trimestre 2022, l’emploi dans les services d’hébergement et de restauration était en moyenne inférieur de 9 % au niveau observé avant le début de la crise.
Dans l’ensemble des pays riches, les entreprises souffrent de pénuries de main-d’oeuvre sans précédent. Dans l’Union européenne, près de trois entreprises sur dix dans le secteur manufacturier et dans le secteur tertiaire sont concernées par ce problème. Un niveau jamais atteint depuis que les statistiques sont collectées. En juillet dernier, aux Etats-Unis, plus de 11 millions d’offres d’emploi étaient en attente alors que le pays compte moins de 6 millions de chômeurs.
Recul des salaires réels
Face à ces tensions, les salaires sont en hausse. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le taux de croissance annuelle des salaires nominaux s’élevait à près de 5 % au premier trimestre 2022, et à 3 % environ au Canada. Dans la zone euro, les accords salariaux conclus au cours du premier trimestre de cette année indiquent que les salaires ont augmenté de 3 % par rapport au même trimestre de 2021. Sauf que l’inflation provoquée par l’envol des prix de l’énergie et des biens alimentaires vient compliquer la donne. Le rythme de progression des salaires nominaux devrait d’ailleurs ralentir pour passer de 4.25 %, en 2022, à 3.5 %, en 2023 dans l’ensemble des pays, prévoit l’Organisation. Les salaires réels vont reculer et la situation devrait perdurer quelque temps.
En l’absence de mesures d’amortissement, le choc inflationniste pourrait être particulièrement rude pour les plus défavorisés.
Dans un tel contexte inflationniste , ce sont une fois de plus, les salariés se situant au bas de l’échelle des rémunérations qui payent un lourd tribut. « Dans les six plus grands pays européens, par exemple, l’OCDE estime qu’entre avril 2021 et avril 2022, le surcoût de la flambée des prix de l’énergie et des produits alimentaires à lui seul a été supérieur d’environ 50 % sur les 20 % des ménages les plus pauvres par rapport aux 20 % des ménages les plus riches. Au Japon et aux Etats-Unis, les chiffres sont similaires. « En l’absence de mesures d’amortissement, le choc inflationniste pourrait donc être particulièrement rude pour les plus défavorisés, qui ont déjà été les plus durement touchés par la crise du Covid-19 », alerte Stefano Scarpetta.
D’amples négociations entre pouvoirs publics, salariés et entreprises seront essentielles pour répartir équitablement le fardeau du coût de l’inflation, « car aucun d’eux ne peut l’absorber seul », insiste l’OCDE. La revalorisation du salaire minimum, des mesures ciblées d’aide de la part des pouvoirs publics comme l’octroi de chèques énergie temporaires font partie des solutions.
lesechos