Pour la première fois en France, les déficients visuels peuvent pratiquer le rugby aux côtés de valides.
Pour la première fois en France, le cécirugby est expérimenté en Haute-Garonne.
Une discipline qui reprend les bases du rugby, les plaquages en moins, et où les joueurs voyants et non-voyants ont tous un masque sur les yeux.
Le cécirugby, qui porte des valeurs d’inclusion, a vocation à être présenté dans des festivals ou encore établissements scolaires, mais aussi à se développer dans les clubs volontaires ayant une section santé-sport.
Il n’a pas peur du contact, c’est même plutôt « un plaisir de le ressentir avec les autres joueurs, de découvrir un autre sport ». Arnaud, 36 ans, est déficient visuel de naissance. Ce vice-champion paralympique de cécifoot à Londres en 2012 s’est essayé ce jeudi à un autre sport, le cécirugby, lors d’un entraînement sur les terrains du Stade Toulousain.
Une discipline qui n’existait pas jusqu’à présent en France et qui vient de naître en terre d’ovalie sur une idée un peu folle, impulsée notamment par Olivier Chabot, éducateur à l’Institut des jeunes aveugles de Toulouse et, par ailleurs, éducateur au Toulouse Montaudran Rugby. Au fil de discussions et de rencontres, l’idée à germer, avec un seul prérequis : la sécurité. Mais plusieurs fils conducteurs, en particulier celui de l’inclusion. Car sur le terrain, clôturé par une structure gonflable, déficients visuels et voyants sont à égalité : tous portent le même masque et sont guidés uniquement par le bip du ballon où la voix d’un coéquipier.
« La philosophie, ce n’était pas d’adapter le rugby pour le rendre accessible, mais de créer une nouvelle pratique, avec de nouvelles règles, tout en gardant les bases : un ballon ovale, on fait des passes, on avance, on aplatit », explique Olivier Chabot qui a expérimenté les premiers pas de cette nouvelle discipline sur l’équipe féminine qui l’entraîne dans son club. Depuis, d’autres entraînements et matchs ont eu lieu en équipe mixte, voyants-non voyants et femmes-hommes.
« Lors du débrief, à la fin de ces matchs, on s’est aperçu que pour les jeunes aveugles c’était une considération énorme que d’arriver à avoir un sport collectif de combat, où on ne fait pas que se croiser mais on se rencontre. On s’est aussi aperçu que la mise en situation des voyants, dans le noir, sur un terrain de rugby où vous avez un « sanglier » qui peut vous percuter à tout moment, ça permet d’avoir rapidement un regard sur cette différence et sur ce que c’est d’être malvoyant », explique Philippe Laurent, conseiller technique de Ligue à la Fédération française de rugby qui a été sollicité par un des entraîneurs des juniors du Stade Toulousain pour développer leur acuité et perception.
Un ballon sonore créé de toutes pièces
Pour que le cécirugby fonctionne et soit accessible à tous, il a fallu trouver une solution pour que tous les joueurs puissent suivre le ballon. Après plusieurs nuits blanches à cogiter, et après s’être attaché les services d’une start-up toulousaine, ils ont réussi à le faire biper. Ils ont décousu un ballon, puis ont placé à l’intérieur une coque qui épouse la forme de la valve dans laquelle ont été mis des capteurs, une charge à action et les sonorités recherchées.
Aujourd’hui, il existe deux exemplaires de ce prototype. Ils vont servir à l’avenir à des démonstrations, mais aussi dans des clubs. « D’ici peu, cinq clubs vont ouvrir une section rugby-santé à laquelle on va offrir cette offre de cécirugby. Et lors de festivals, on fera des événements et tournois », précise Philippe Laurent.
Cette nouvelle discipline aura aussi des valeurs pédagogiques. Le département de la Haute-Garonne, gestionnaire des collèges, a décidé de s’en servir dans ses établissements. « Si on veut faire évoluer les mentalités, cela doit passer par les enfants, c’est pour cela que nous voulons développer des actions ponctuelles auprès d’eux. L’enjeu de cette expérimentation c’est de favoriser l’inclusion, or le sport est un vecteur d’inclusion », insiste Alain Gabrieli, vice-président du conseil départemental en charge des personnes handicapées, partenaire de cette opération au même titre que l’organisation de la Coupe du monde de rugby 2023.
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