John Kerry, envoyé spécial sur les énergies fossiles en Afrique : «On ne demande à personne d’arrêter de faire quoi que ce soit»

L’Envoyé spécial du président des Etats-Unis pour le Climat, John Kerry, était en visite à Dakar la semaine dernière. Au cours de son séjour, il a pris part à la deuxième partie de la 18ème session de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (Cmae). C’est aussi une occasion pour l’Ambassade des Etats Unis à Dakar, de permettre un entretien avec monsieur Climat de Joe Biden. Face à la Rédaction de Sud Quotidien, le sénateur John Kerry, est revenu sur la requête faite aux pays africains de privilégier les énergies renouvelables au détriment du fossile.

Qu’est-ce-qui explique votre présence à Dakar ?

Je suis venu au Sénégal parce que le pays essaie de bien faire les choses pour le climat. Le président de la République, Macky Sall, tout comme son ministre de l’Environnement et du Développement durable, Abdou Karim Sall (actuellement remplacé par Alioune Ndoye, dans le nouveau gouvernement du Premier ministre Amadou Ba, ndlr), sont très enclins à faire en sorte que le développement passe par des énergies propres ; mais on sait aussi que le gaz est une potentialité et nous souhaitions savoir comment cela peut être fait de manière propre, avec une croissance respectueuse de l’environnement.

Comment analysez-vous l’impact des changements climatiques en Afrique de manière générale et au Sénégal en particulier?

L’Afrique, dans son ensemble, est impactée. Il faudrait savoir que 17 parmi les 20 pays les plus impactés par les changements climatiques, se trouvent en Afrique. Et il est important de voir la conséquence que cela a sur le continent, tout en sachant que l’Afrique ne produit pas beaucoup d’émissions. 20 pays en développement contribuent à hauteur de 80% des émissions de gaz à effet de serre. 48 pays de l’Afrique au Sud du Sahara ne contribuent qu’à hauteur de 0,55% des émissions. Il est donc nécessaire de voir comment réguler tout ça.

C’est pour cela que nous sommes venus ici pour écouter les gens qui cherchent une certaine justesse dans ce processus et qui ont besoin du développement, de l’électricité, d’un certain confort, mais aussi de pouvoir vivre comme quiconque ailleurs, dans le monde. Nous avons besoin d’aider le Sénégal, le Nigéria et les autres pays à faire face à cette préoccupation.

Quand vous descendez à la corniche de Dakar, vous voyez très bien les impacts négatifs des changements climatiques qui sont visibles sur la route de la corniche, à cause des tempêtes, la montée du niveau de la mer, entre autres. Tout cela va nécessiter une adaptation et du financement pour, par exemple, renforcer le mur de rétention sur la côte.

80% des émissions dans le monde sont produits par 20 pays déjà développés. Pourquoi demander donc à l’Afrique qui ne produit que 4% des émissions et qui cherche à se développer de se limiter aux énergies renouvelables et d’abandonner le fossile ?

Je veux être clair. On ne demande à personne d’arrêter de faire quoi que ce soit. Ce qu’on souhaite, c’est de cesser de polluer davantage et de ne pas se lancer dans de nouveaux projets. Chez nous, aux Etats-Unis, par exemple en 2035, l’électricité qui est générée pour les foyers et les entreprises sera sans carbone, sans fioul, sans pétrole, sans gaz et sans charbon. C’est ce dont nous disons que nous faisons. Nous associons le geste à la parole et nous savons que les énergies renouvelables, particulièrement le solaire et l’éolien, sont moins couteuses que le charbon, le gaz et le pétrole.

Il faut essayer de voir les choses de cette manière c’est-à-dire comment assoir une transition énergétique qui permette au monde une meilleure économie tout en s’assurant que les gens ne tombent pas malades, ne meurent pas et ne développement de cancer. Chaque année, 15 millions de personnes meurent à cause de la mauvaise qualité de l’air et tout cela provient des émissions causées par le carburant fossile dont on n’arrive pas à séquestrer les émissions.

Pour pouvoir maintenir l’augmentation de la température de la terre à 1,5°C, nous devons, d’ici 2030, réduire les émissions sur la terre entière de 45%. Et s’il n’est pas possible de séquestrer les émissions qui vont provenir de nouveaux projets, on ne pourra pas protéger la terre et faire de sorte que l’économie puise augmenter ; ça ne marchera pas. Si toutefois vous êtes en mesure de séquestrer le carbone de ces nouveaux projets, et bien allez-y ; mais sachez le fruit que vous allez récolter. C’est ce que nous allons faire, nous les Etats-Unis, plus grand producteur de gaz et de pétrole au monde ; on va se mettre aux énergies propres. Encore une fois, nous associons le geste à la parole.

Le plaidoyer des pays les moins avancés particulièrement ceux de l’Afrique est que les Etats qui ont plus pollué la planète financent les projets d’adaptation des pays les moins développés et plus impactés par les changements climatiques, autrement dit la règle du pollueur-payeur. Qu’est-ce-que vous en pensez ?

C’est un concept qui remonte à bien longtemps, que nous pratiquons aux Etats-Unis depuis belle lurette. Je suis d’accord avec, si vous polluez, vous devez payer.

sudquotidien

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