En prévision de plusieurs hivers difficiles, le gouvernement anticipe les délestages et recadre ses services déconcentrés pour activer le levier des énergies renouvelables.
Les prochains mois, voire les prochaines années, s’annoncent bien chargés dans les préfectures et les services déconcentrés de l’État. Afin d’aider le système énergétique français à surmonter ses difficultés d’approvisionnement, annoncées dès cet automne, puis de conforter sa souveraineté par la suite, les préfets de département et de région, ainsi que les directions techniques concernées se sont vus adresser toute une série de consignes par voie de circulaire du gouvernement, datée du 16 septembre dernier et publiée, ce mardi 20 septembre, par le quotidien La Lettre A.
Éviter à tout prix le black-out
Signé par quatre ministres (Intérieur, Transition écologique, Transition énergétique, Industrie), le document vise d’abord à anticiper et à organiser de possibles délestages auprès de cibles choisies, ne nécessitant pas de protection particulière : de quelques heures sur les réseaux d’électricité et d’une journée à une semaine pour le gaz. Délestages eux-mêmes destinés à éviter l’effondrement électrique et le black-out général pour le gaz, autrement dit la mise à l’arrêt automatique et pour plusieurs semaines des organes d’alimentation en gaz, sous l’effet d’une baisse de pression. Dans ce but, les ministres demandent aux préfets de lister les usagers prioritaires des réseaux d’électricité, avant le jeudi 22 septembre, puis de collecter et de compiler des informations sur les installations grandes consommatrices de gaz naturel existant sur leur territoire, au plus tard le 7 novembre prochain : leur consommation, les économies prévues et les impacts éventuels d’une réduction de leur approvisionnement.
Débloquer 15 gigawatts
Il appartient aux préfets de département d’assurer la pleine mise en œuvre des objectifs inscrits dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie
Ministres de l’Intérieur, de la Transition écologique, de la Transition énergétique, de l’Industrie
En attendant le vote de la loi d’accélération des énergies renouvelables, qui devrait être présentée mercredi 26 septembre prochain, la circulaire ambitionne de mobiliser, ensuite, les préfets et les services étatiques déconcentrés sur ce sujet, « seul levier permettant d’avoir des capacités supplémentaires de production d’énergie décarbonée dès les prochains hivers ». La France ne peut plus être le seul pays de l’Union européenne à ne pas atteindre son objectif national contraignant de développement des énergies renouvelables, soulignent les ministres. « Il appartient donc aux préfets de département, garants de l’application de la loi, d’assurer la pleine mise en œuvre des objectifs (…) inscrits dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ». Dans le viseur du gouvernement figurent notamment quelque 15 gigawatts (GW) de projets encore en instruction, dont 10 GW pour le photovoltaïque et l’éolien, et 5 GW pour le gaz renouvelable.
Limiter à deux ans les instructions
En veillant à la qualité des dossiers, en particulier, quitte à solliciter les services compétents pour accompagner les porteurs de projet en amont, les préfets sont ainsi vivement incités à mettre en œuvre toutes les actions requises pour faciliter et accélérer le traitement des demandes. Y compris celles qui concernent les installations photovoltaïques au sol sur des terrains non dégradés. Pour cela, les représentants de l’État pourront notamment s’appuyer sur le recensement par l’Agence de la transition écologique (Ademe) de 843 friches susceptibles d’accueillir du photovoltaïque et sur les cartographies des zones propices au développement des éoliennes, en voie de finalisation. Quoique sérieuse, l’analyse environnementale devra désormais être menée « avec diligence », précise la circulaire. Le recours à des instances de concertation « non indispensables juridiquement » devra être évité, mais les représentants de l’État sont, en revanche, encouragés à créer « une adhésion locale et facilitatrice autour des projets », notamment vis-à-vis des collectivités locales. Ils sont aussi chargés de sensibiliser les partenaires locaux aux difficultés du contexte énergétique.
Aucune instruction ne devrait plus excéder vingt-quatre mois, sauf en cas de « situation très exceptionnelle », dix-huit mois pour les demandes relatives au repowering. Quant aux autorisations accordées en application d’une décision de justice, elles seront dorénavant délivrées sans plus de délais. Aucun pourvoi en cassation ne sera plus formé automatiquement, mais devra être pris, le cas échéant, par les directions du ministère de la Transition énergétique.
Imaginer des solutions
Enfin, pour identifier les freins éventuels à une instruction rapide des dossiers et trouver des solutions si nécessaires, les préfets devront transmettre, sous deux mois, puis tous les trois mois, un rapport sur tous les projets éoliens et photovoltaïques de plus de 5 MW, ainsi que sur tous les projets de méthanisation en instruction. Les projets à l’étude depuis plus d’un an devront, pour leur part, faire l’objet d’une analyse plus poussée sur leur situation et sur les solutions à y apporter. Des informations sont également attendues sur les actions entreprises pour réduire le temps d’instruction moyen des dossiers et sur les difficultés rencontrées en matière de raccordement au réseau.
Le gouvernement demande par ailleurs aux préfets de créer et de présider « personnellement » une revue de projets destinés à débloquer sans délais les dossiers en instance, mais aussi d’examiner avec les exploitants comment alléger les dispositions de bridage des éoliennes en période hivernale.
Sans forcément approuver l’impasse faite sur le processus d’appropriation des dossiers par les riverains et les collectivités, les porteurs de projet apprécieront sans doute la fermeté et la clarté du discours, qu’ils appelaient depuis longtemps de leurs vœux. Reste à savoir quels moyens seront proposés aux services déconcentrés de l’État pour mettre en œuvre ce programme. Car aujourd’hui, constatent la plupart des développeurs, non seulement ces derniers travaillent beaucoup trop en silos, mais ils manquent surtout cruellement de ressources humaines.
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