Au moins 76 personnes ont été tuées en Iran dans la répression des manifestations déclenchées il y a dix jours par la mort d’une jeune femme détenue par la police des mœurs, a indiqué lundi une ONG.
Selon l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, « au moins 76 personnes ont été tuées dans les manifestations » dont « six femmes et quatre enfants », dans 14 provinces du pays. L’IHR a affirmé avoir obtenu des « vidéos et des certificats de décès confirmant des tirs à balles réelles sur des manifestants ».
Les protestations ont éclaté le 16 septembre après le décès à l’hôpital de Mahsa Amini, une jeune Iranienne de 22 ans, arrêtée trois jours auparavant à Téhéran pour non-respect du code vestimentaire strict pour les femmes en République islamique d’Iran. Depuis, les Iraniens descendent chaque soir dans la rue à Téhéran et ailleurs dans le pays. Les autorités iraniennes ont elles jusque-là donné un bilan de 41 morts incluant manifestants et forces de l’ordre. Elles ont aussi annoncé l’arrestation de plus de 1 200 manifestants.
Tirs à balles réelles
Ce lundi soir, les protestations ont repris avec les mêmes slogans de « Mort au dictateur » dans la capitale et dans d’autres villes, selon des témoins. À Tabriz dans le nord-ouest, une vidéo diffusée par l’IHR a montré des policiers tirant du gaz lacrymogène contre les manifestants. Le bruit des tirs de balles y est en outre entendu.
Selon de récentes vidéos publiées par l’AFP, la police anti-émeute a, lors des protestations, frappé des manifestants à coups de matraque et des étudiants ont déchiré de grandes photos du guide suprême Ali Khamenei et de son prédécesseur, l’imam Khomeiny. Et d’après des groupes de défense des droits humains, elle a aussi tiré des plombs et à balles réelles sur les protestataires qui ont lancé des pierres, incendié des voitures de police et mis le feu à des bâtiments publics. D’autres images ont montré des femmes enlevant et incendiant leurs voiles ou se coupant symboliquement les cheveux, encouragées par la foule, dans plusieurs villes.
Outre les plus de 1 200 arrestations par les autorités, le Comité pour la protection des journalistes a fait état lundi de l’arrestation de 20 journalistes iraniens depuis le 16 septembre.
L’UE dénonce l’usage « généralisé et disproportionné de la force »
Face à la répression, l’Union européenne a dénoncé l’usage « généralisé et disproportionné de la force ». Condamnant la « répression brutale » de la contestation par Téhéran, la France a indiqué lundi soir qu’elle examinait avec ses partenaires européens « les options disponibles en réaction à ces nouvelles atteintes massives aux droits des femmes et aux droits de l’homme en Iran ».
Le président américain Joe Biden a, lui aussi, dénoncé la répression des manifestations, se disant solidaire des « femmes courageuses d’Iran ». Le Canada a décidé d’imposer des sanctions contre une dizaine de responsables iraniens et d’entités dont la police des mœurs. Et Berlin a appelé l’Iran à « ne pas recourir à la violence » contre les manifestants.
Mais les autorités iraniennes restent fermes. Samedi, le président conservateur Ebrahim Raïssi a appelé les forces de l’ordre à agir contre les manifestants, qualifiés « d’émeutiers ». Après lui, le chef du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei, a exclu toute « indulgence » envers les instigateurs des « émeutes ».
La communauté kurde particulièrement mobilisée
Mahsa Amini était kurde. C’est d’ailleurs toute la communauté de cette population sans État qui s’est unie au soulèvement. En Turquie, en Syrie et en Irak, les trois autre pays sur lequel s’étend le Grand Kurdistan, les familles se sont mobilisées pour défendre la liberté. Celle des femmes avant tout.
Ce lundi encore à Qamishli dans le nord-est syrien sous contrôle kurde, des centaines de femmes ont manifesté contre la mort de Mahsa Amini. La jeune femme nommée Zhina Amini en kurde, est morte après son arrestation par la police des mœurs pour port incorrecte du voile. Ce week-end, des rassemblements ont eu lieu dans les villes du monde entier, là aussi largement soutenues, voire organisées par la diaspora kurde.
Au-delà de la cause première qu’est la défense de la liberté des femmes, le but est une fois de plus de faire respecter les droits de la communauté kurde. En Iran, cette minorité est particulièrement organisée politiquement. Les Gardiens de la Révolution iraniens bombardent d’ailleurs depuis trois jours les positions retranchés des partis politiques kurdes iraniens en exil au Kurdistan irakien. Selon l’ONG Hengaw des forces iraniennes auraient été dépêchées le long de la frontière afin de faire face à toute tentative des forces kurdes iraniennes.
rfi